Couv Jodibona

 

Pour écrire ce nouveau portrait, j’ai organisé une rencontre avec l’artiste dont je vais vous parler. Il a eu la gentillesse de me donner un peu de son temps (pas facile car son agenda est bien rempli ! ) pour venir boire un verre et répondre à quelques questions. Cet artiste s’appelle Jo Di Bona et il fait du Pop Graffiti.

 

 

Comment il est « devenu » Jo Di Bona


 

Comme on dit, le dessin il est « tombé dedans » quand il était petit. Mais c’est en 1988, à l’âge de 13 ans, qu’il découvre le graffiti et le plaisir donné par la peinture à la bombe aérosol sur les trains, les murs ou les palissages.

 

Il prend alors goût au graffiti vandale avec un groupe d’amis rencontrés en classe. Son pseudo, ANOZE, est dû au hasard de l’agencement de lettres de l’alphabet. Il fallait simplement que sa signature soit la plus visuelle possible en graff.

 

En 2000, il arrête tout pour se consacrer à la musique. Il monte HOTEL, un groupe de pop-rock. Le groupe fera 4 albums et quantité de concerts avant de se séparer en 2012, suite à des tensions. A ce moment là, il ne pense pas encore revenir au graffiti.

 

A Noël 2012, il offre une toile à son amoureuse. Elle a un vrai coup de cœur pour ce qu’il a réalisé et l’encourage à continuer. Elle lui propose même de l’aider à démarcher les galeries. Et elle a eu raison car ça marche ! Les galeries s’intéressent à son travail, il est exposé dans plusieurs d’entre elles, des commandes arrivent… Jusqu’au jour où certaines de ces commandes sont des projets urbains, en France mais aussi dans le monde (Portugal, Cameroun…).

 

Pour son retour à l’art, il ne reprend pas son ancien pseudo. Ce qu’il faisait à l’époque est terminé. Son art a évolué vers autre chose. Il décide donc de garder son véritable nom, Jo Di Bona (qui ressemble à s’y méprendre à un nom d’artiste non ? ).

 

Pourquoi le Pop Graffiti ?


 

Jo Di Bona a découvert beaucoup de choses auprès d’une professeure d’art plastique qu’il a eu au lycée. Claudie Laks n’était pas seulement professeur mais également une artiste-peintre aujourd’hui reconnue. Elle lui a appris à regarder autour de lui pour voir tous les détails de son environnement. Peindre sur un mur ne suffit pas. Il faut savoir « voir » le mur pour en utiliser tous les détails et les intégrer dans l’œuvre.

 

Dans sa classe il a fréquenté d’autres artistes et en particulier Nestor avec lesquels il a monté la team VF au début des années 90. Ensemble, ils vont peindre un peu partout en Europe. Mais petit à petit il s’éloigne du graffiti pour créer ce qu’il appelle le Pop Graffiti, un art dans lequel il mélange collages, diverses influences du graffiti et de la culture Pop.

 

Il a choisi d’appeler son travail du « Pop Graffiti » pour revenir au sens premier du mot « Pop » qui signifie « populaire ». Son art est populaire car accessible à tous. Il veut que ses œuvres s’adressent au grand public et s’inspirent de lui. Les gens, les rencontres, la vie de tous les jours, la musique, des photos : tout ce qui l’entoure nourrit son imagination et sa création.

 

Il s’intéresse également beaucoup au travail des autres artistes. Il pense que lorsqu’un artiste réalise une belle œuvre ça impacte tout le groupe des artistes urbains. Ca n’est pas vraiment de l’inspiration… Jo di Bona dit plutôt que le travail d’autres artistes lui procure tout d’abord beaucoup de plaisir… Ce qui lui donne envie de créer.

 

C’est aussi pourquoi il aime participer à des projets collectifs. Des expos collectives parce que « c’est plus cool pour l’artiste qu’une expo solo… Ca donne moins de travail ! » Et puis, les expos collectives sont cohérentes dans l’art urbain. C’est même le seul art où l’on peut exposer plusieurs artistes dans une même salle sans que ça soit dissonant. Les univers des différents artistes semblent se répondre ou se compléter ou offrir une autre vision.

 

Les projets collectifs se sont également (et surtout) des collaborations dans la rue pour réaliser des fresques. Par exemple avec Kanos à l’occasion du festival Rue des Arts d’Aulnay-sous-Bois. Ou encore la performance live pour ROAD TO MUKONO avec Hopare et Brok au Quartier Général. Il a également réalisé une toile en collab avec Bishop pour le solo show de ce dernier et participé au très beau projet de Diana Kami, Dessine-moi un bouquet.

 

Pour lui ces collaborations sont un « grand kiffe humain » car c’est avant tout une rencontre avec quelqu’un qu’on apprécie ou dont on admire le travail. Parmi ces artistes il y a de nombreuses filles, comme MAD-C, Kashink, Vinie (et bien d’autres encore…). Il les admire beaucoup car elles sont très douées et aussi fortes (dans tous les sens du terme car dans la rue l’art peut être très « physique ») que bien des hommes. Il trouve aussi qu’elles tirent le street art vers le haut.

 

Travailler dans la rue pour le plaisir de partager


 

Il est plus facile de travailler dans la rue aujourd’hui que dans les années 80. Le développement et la reconnaissance du streetart ont rendu la police plus tolérante. Même s’il arrive encore aux artistes d’avoir une amende. Dans les années 80, le risque encouru était la prison (5 ans fermes) et une amende plus importante. Même s’il reste une part d’excitation et de montée d’adrénaline lorsqu’il peint sans autorisation, il est quand même plus détendu aujourd’hui.

 

Pour lui, le plus important est d’intégrer son collage à l’espace urbain. Il ne peint pas n’importe où : il faut qu’il y ait une synergie entre l’environnement urbain et son œuvre. Quand il était jeune et qu’il faisait du graffiti vandale, la devise était « no respect, no limit » pour graffer. Aujourd’hui il a mûri et porte un autre regard sur sa démarche. Il respecte l’espace urbain dans lequel il peint et les habitants. Il ne laisse jamais ses bombes traîner quand il a fini de peindre et protège le sol.

 

Il aime faire entrer le graffiti dans des lieux où il n’a pas l’habitude d’être. Par exemple, il a réalisé une fresque dans un hôpital. Sur un mur tout blanc et propre il a dû réaliser une œuvre qui allait rester pendant plusieurs années. Cette pérennité de son œuvre l’a obligé à se questionner, à vraiment réfléchir à ce qu’il allait peindre pour que ça s’intègre parfaitement au lieu et que ça plaise aux gens qui allaient passer devant chaque jour.

 

Pour lui, la rue c’est le plaisir de rencontrer des gens, de partager et d’échanger. Il ne peint pas pour lui mais pour le plaisir qu’il peut donner aux gens qui regarde son œuvre. Alors quand le retour est positif il adore ça !

 

Il a une jolie comparaison pour parler de son travail. Elle lui vient de l’époque où il faisait de la musique. Le travail en atelier est l’équivalent du travail en studio pour réaliser un CD et la rue ressemble au live pour le contact avec le public.

 

Jo Di Bona ne cherche pas à faire passer un message quelconque. Pour lui, l’art doit donner du plaisir aux gens qui le regarde. L’artiste n’est pas là pour donner des leçons ou un avis sur des choses qui bien souvent nous dépassent. Cela ne l’empêche pas de travailler sur des projets qui touchent à une actualité sociale (comme par exemple le mur « Dessine-moi un bouquet » ou la fresque Place de la République en soutien aux enfants migrants). Mais l’œuvre qu’il réalise alors n’a aucun caractère politique. Il ne veut pas être un artiste engagé mais plutôt témoigner de son soutien ou de son émotion face à certains événements.

 

 

Graffiti Pop : le « sampling » des images


 

Pour expliquer la réalisation d’une œuvre, Jo Di Bona revient encore à la musique et compare son travail à celui d’un rappeur. Il dit qu’il fait du « sampling » : il collecte puis mélange plusieurs images (comme le rappeur assemble des rythmiques) pour en créer une nouvelle.

 

La base de ses œuvres reste le graffiti avec des lettrages. Au départ, il travaille toujours sur un graffiti traditionnel à l’aérosol (un gros lettrage) qu’il a beaucoup fait évoluer depuis l’époque des trains et des terrains vagues (il évite de cerner les lettrages tout en gardant les codes du graffs : 3D aux lettres, flèches, gouttes…). Ensuite, il recouvre tout avec de l’affiche (qu’il collecte directement dans le rue ou réaliser en imprimerie) sur plusieurs couches qu’il arrache ensuite pour faire réapparaître les différentes couches ainsi que le graffiti.

 

Son explication reste assez vague. Peut-être pour laisser une part de mystère à son travail ?… Parce que lui, il aime ne pas comprendre comment a fait un autre artiste. Il garde sa naïveté d’enfant. Il ne cherche pas à tout comprendre. Il adore être émerveillé et se dire que la performance est extraordinaire que ce soit au cinéma, en musique ou en peinture. Pour lui c‘est là le rôle de l’artiste : nous apporter du plaisir et de l’émerveillement. Il est plus passionné par l’art en général que par ce qu’il réalise lui-même. Et s’il est exigeant dans son travail c’est surtout par respect pour son public.

 

Et maintenant, quelques images. Vous pouvez également retrouvez et suivre Jo Di Bona sur son site : http://jodibona.com/

 

Jo Di Bona

 

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