En effet, depuis le 7 janvier 2015 vers 11.30, au 10 de la rue Nicolas Appert, dans le 11ème arrondissement de PARIS, est apparu clairement ailleurs et parfois ici, que nombreux sont ceux qui préfèrent les lâches exécutions terroristes aux traits d’esprit et traits de crayon, ailleurs et parfois ici.
Sous le coup d’actes barbares maintes fois répétés nous savions le Monde en proie à une complexe déchirure géographique et humaine entre des visions divergentes de l’aventure de l’espèce, voilà que nous saute aux yeux la possibilité d’une profonde fissuration de notre corps national à l’unité bousculée, d’une tectonique de nos plaques urbaines et sociales déjà à l’œuvre, et possiblement irrémédiable.

L’urbain comme support à la grande pauvreté :

Chacun sait ou croit savoir les 5 à 8 millions d’habitants de nos banlieues (selon les modes de calculs), de plus en plus ségrégués et spécialisés dans leurs origines maghrébines et sub-saharienne, à plus de 50% d’origine étrangère. Chacun sait ou croit savoir les 24% de chômeurs (soit deux fois et demi le taux national), les 44,3 % de la population de ces quartiers qui n’ont aucun diplôme (contre 19,7 % dans le reste du territoire). Chacun sait ou croit savoir l’état de délabrement urbain de ces nombreux quartiers (530 en 2007, 200 en 2014 sous contrat politique de la ville), leur éloignement des transports en commun, et malgré les plans de rénovation la part des espaces publics et des immeubles encore dévastés par des décennies de gestion malthusienne. Bref, chacun sait ou croit savoir ces grands ensembles issus des Trente Glorieuses, violemment désarticulés par la désindustrialisation et le chômage de masse, ces nasses aspirantes qui ne relâchent pas leurs proies.

Pas de formation et pas d’emploi ; c’est ainsi que si les banlieues ne fabriquent pas la grande pauvreté, leur état de dénuement et de relégation en font le réceptacle naturel de décantation et de macération des populations à qui l’accès au reste de la ville n’est pas autorisé.

Sur cette grande pauvreté, à l’extérieur de nos villes, hors de notre regard, prolifèrent sur ce terreau urbain profiteurs et prédicateurs, trafics divers et argent facile, paradis artificiels et paradis célestes. Ceux-ci travaillent à la dislocation du corps urbain et social, sur fond de réel sordide et d’ailleurs rédempteurs.

C’est ainsi que vu d’ici, tous pareils dans le même dénuement, la République sociale et solidaire semble avoir oubliés les habitants de ces quartiers périphériques qui ne s’identifient plus à la réalité de celle-ci et préfèrent se projeter dans un ailleurs virtuel, relayé par les réseaux sociaux et les chaines TV de la parabole.

Plans banlieues, que d’occasions manquées :

Il n’est pas exact de clamer que rien n’a été fait pour les banlieues. Depuis trente ans, l’Etat, les élus locaux, les associations, chacun à sa place a appris, s’est formé, versant ses expériences au pot commun de l’histoire naissante de la politique de la ville apparue sur le devant de la scène avec « la marche des beurs » au début des années 80.

Il n’est pas exact de colporter l’idée qu’aucun moyen n’a été mis sur la table. Par exemple, la dernière décennie a connu le plan dit « Borloo » avec ses 9 milliards d’argent d’Etat qui a généré environ une trentaine de milliards au total. Ça n’est pas rien.

Alors, d’où vient ce constat d’échec, cette insatisfaction des habitants concernés ? Comment expliquer les résultats consignés par les différents bilans de l’ANRU :

Le ghetto a été reconstitué sur lui-même !

Dans des logements parfois neufs, souvent réhabilités, dix ans après les « french riots », à l’abri des caméras de CNN cette fois-ci, se retrouvent les mêmes populations, dans une tension économique et sociale accrue, un peu plus éloignées encore du corps de la Nation. Comment peut-on croire encore dans la concorde après tant d’années d’attente, tant d’années de chantier avec parfois une augmentation du loyer à la clef ?

Ville et République, l’heure du choix :

Dans ce contexte « d’apartheid territorial, social, ethnique à la française» persistant, à la lumière des derniers attentats terroristes en France, perpétrés par des français, et à l’observation des réactions sécessionnistes d’une partie de la jeunesse de ces quartiers, il est de toute première importance d’opérer un choix : celui de l’accueil dans la Nation de ces populations, majoritairement françaises, pour leur accès définitif aux mêmes droits et devoirs.

Or, le ghetto urbain, social et ethnique a été reconstruit sur lui-même car la nation française en a fait le choix.

Chacun à sa manière a participé à la reconduction de la situation : l’Etat n’a pas prescrit de taux de mixité dans les projets de renouvellement urbain qu’il finançait, les élus locaux ont eu peur de déséquilibrer leur électorat par d’éventuels projets urbains audacieux, les bailleurs sociaux ne se sont pas dotés de terrains pour construire ailleurs, les promoteurs privés sont restés frileux, les populations apeurées et leurs associations toujours en réaction ont préféré le statut quo.

Aujourd’hui, si nous en faisons le choix, sous l’impulsion d’un exécutif confirmé dans son action et un peuple uni devant l’adversité, peut s’entreprendre l’œuvre de restructuration du corps de la Nation.

C’est ainsi que le plan annoncé dans la plus grande indifférence le 16 décembre dernier par le Président de la République lui-même, auquel manquait à la fois un souffle politique et des moyens financiers plafonnés à 5 milliards de l’Etat, peut aujourd’hui trouver son sens en prenant une part active dans la réaffirmation de la République sur l’ensemble du territoire. Il deviendrait alors l’incontournable pendant urbain au nécessaire redéploiement des services publics dans des quartiers renouvelés.

Sur la période de dix ans à venir et avec le doublement des dotations initialement prévues, l’objectif ramené à la hauteur de notre peuple consiste alors en la transformation de la banlieue en morceaux de ville durable, solidaires et mixtes qui prennent enfin une part au développement économique, social, culturel et humain du pays.

La France, ce grand pays a les moyens de sa civilisation urbaine ; les outils en sont définis, la culture urbaine et sociale disponible, les énergies et la volonté se trouvent aussi en grande quantité, nous n’en doutons pas.

Notre pays se trouve à l’heure du choix d’en finir avec l’apartheid urbain, social et ethnique.