Les habitants comme levier de la qualité d’usage

En ce qui concerne le développement d’une ville durable, les enjeux liés à la qualité du cadre de vie représentent une part considérable des réflexions des aménageurs. Au-delà d’une simple accessibilité, ou d’une ville qui est simplement fonctionnelle, la qualité du cadre bâti et urbain, ainsi que la qualité ambiante de l’environnement dans lequel les citadins évoluent doivent être tout à fait qualitatives. Le CRIDEV (Centre de Recherche pour l’Inclusion des Différences dans les Espaces de Vie) parle d’ailleurs de Haute Qualité d’Usage (HQU®). Plus d’informations concernant cette démarche sont disponibles sur cridev-qualite.com.

Et pour mettre en place ce système de qualité d’utilisation des espaces publics, il est nécessaire que les pouvoirs public – et privés – urbains puissent mettre en place une réelle collaboration avec les habitants, qui deviennent en ce sens un nouvel acteur, incontournable, de l’aménagement. Si la « maîtrise d’ouvrage » définit le programme, que la « maîtrise d’œuvre » conçoit le projet et que la « maîtrise d’exécution » réalise le projet, les habitants représentent quant à eux ce que l’on peut appeler la « maîtrise d’usage ». Celle-ci vit le lieu et définit ses propres besoins afin de guider la maîtrise d’ouvrage dans ses missions. La boucle est bouclée.

De ce point de vue, il apparaît alors primordial d’inclure dans les processus de réflexions urbaines l’ensemble des citoyens, pour pouvoir bâtir une ville la plus partagée possible. Cette inclusion des habitants est généralement mise en œuvre par les concertations publiques, pas forcément obligatoires de la part des autorités, pour que chacun puisse avoir son mot à dire sur les projets en cours. Mais si les habitants peuvent ainsi délivrer leurs points de vue, ils n’en deviennent pour autant pas des experts de la ville, ni des urbanistes.

Alors dans ce cas, comment avoir un dialogue véritablement constructif avec des personnes impliquées dans les discussions mais qui ne sont pas professionnels ?

Les limites de la concertation

Une chose importante à prendre en considération concerne le fait qu’en réalité, cette idée de concertation ne représente pas la population. Les horaires tardifs, ou le manque de communication quant à leur survenue, limitent en effet le nombre de participants à ces réunions qui peuvent par ailleurs, s’avérer parfois très peu attirantes…

En plus, le grand public qui participe à une concertation ne saura généralement mettre en avant que les aspects du projet qui affectent plus ou moins directement leurs modes de vie. S’il s’agit donc généralement d’opinions concernant l’environnement direct des habitants, les réflexions apportées peuvent rapidement être plutôt orientées de manière subjective. Cela implique donc inévitablement des conflits d’intérêts entre les différents habitants, puis l’allongement des procédures qui suivent.

Par ailleurs, les concertations ne sont pas obligatoirement respectées par les organisateurs. Par exemple en 2013, le projet de piétonnisation des berges de la Seine proposé par la mairie de Paris n’a pas fait l’unanimité au sein de la population. Cette dernière s’étant prononcée défavorablement à son aménagement, cela n’a pas empêché aux autorités locales d’interdire la circulation automobile sur ces espaces qui sont finalement aujourd’hui réservés aux piétons.

Savoir trouver l’équilibre

Nous ne pouvons toutefois nier les avantages que peuvent apporter les procédures de concertation, notamment dans l’idée d’avoir également un point de vue « du terrain ». Si les aspects techniques des projets proposés semblent globalement échapper au pouvoir de réflexion des habitants novices, il semble alors important de savoir trouver l’équilibre entre l’intégration des habitants dans la définition des choix de programme et les travaux des experts techniques, qui peuvent d’ailleurs être de natures différentes. Les scientifiques du domaine de la santé ne peuvent pas nier l’importance sur la qualité de l’hygiène à Paris ou à Barcelone lors des grands travaux respectifs de Haussmann ou de Cerdà. Mais qu’en auraient alors pensé les habitants ?

En réalité, il est évident qu’il est important d’inclure les habitants dans la construction de leur ville, depuis la définitions des programmes, jusqu’à l’animation de leurs quartiers respectifs. Il est important que chacun puisse s’exprimer sur un projet urbain qui leur est proposé. Mais il est primordial de faire vivre cette expression et cet engagement au-delà de la simple réflexion et conception du projet. C’est en effet par un investissement citoyen que l’urbain pourra vivre dans sa plus belle intensité. L’idée est ainsi de favoriser cette prise de conscience universelle, c’est-à-dire à tous, de manière à faire émerger dans les esprits une nécessité d’engagement citadin général.

Il est donc nécessaire de trouver un équilibre concernant la participation des citoyens dans la construction de leur ville. Cet équilibre doit ainsi être trouvé en faisant prendre conscience aux habitants des enjeux qui leurs sont communs. En somme, si les méthodes actuelles de concertation semblent malgré tout vertueuses, elles ne doivent pas être un aboutissement. Construire une ville qui inclut durablement ses habitants, ce n’est donc pas imposer une implication citoyenne et citadine. C’est au contraire trouver la voie pour que cette implication puisse être volontaire et partagée.