Réchauffement climatique, déploiement du numérique, bouleversement de la démocratie, changement des modes de vie et du travail, notre monde et ses villes sont au coeur de nombreuses transformations. L’année 2018 a été riche en débats qui ont mis en lumière et sur le devant de la scène urbaine de nombreux défis. La ville est plus que jamais au centre des challenges de demain. Pour bien commencer l’année, nous nous sommes donc posés cette question : quels seront les grands défis de 2019 ? Une question essentielle pour anticiper les chantiers à venir pour nos villes.



Demain, penser la ville post pétrole



Vous avez sûrement entendu parler de l’effondrement, cette science qui consiste à prédire la chute brutale de notre civilisation. Sur fond de catastrophisme pour certains, cette nouvelle tendance met en garde sur la fin proche de l’ère du tout pétrole et invite à imaginer la vie sans. Ce nouvel état du monde imposerait une modification des modes de vie drastique et nécessiterait de repenser la vie quotidienne pour remplacer des habitudes pourtant bien ancrées, telle que l’utilisation de sa voiture.





Et cet effondrement aurait déjà commencé… plusieurs scientifiques déjà, ne cessent de répéter depuis les années 70 que les ressources mondiales sont limitées et, plus récemment, le groupement de scientifiques du GIEC annonce des conséquences plus que catastrophiques sur le réchauffement climatique. Comment dépasser alors le déni qui hante cet enjeu ? Comment passer à l’action dès aujourd’hui ? Car la fin des ressources, et notamment du pétrole, pose un sacré défi, celui de repenser entièrement l’aménagement de nos espaces urbains. Comment vivre sans cette énergie ? Quels défis engendrés pour nos villes demain ? Nous avons déjà tenté d’apporter quelques réponses en 2018 dans notre tribune “Pour une société post-pétrole, changeons la ville”.



En 2019, nous poursuivrons cette réflexion pour anticiper davantage la ville de demain et préfigurer les changements à venir.



Demain, toujours plus de transversalité



Les enjeux liés au changement climatique et à la transition énergétique sont difficilement appréhendables s’ils ne sont pas pensés à différentes échelles. Ainsi, il s’agit de construire une réflexion urbaine qui s’articule du local au territorial, du bâtiment au quartier, de la rue à la trame urbaine, pour imbriquer à l’avenir toujours plus les échelles afin de penser les projets urbains dans leur contexte. C’est un défi au coeur de la conception des villes qui reste crucial face à ces nouveaux enjeux transversaux. L’approche urbaine doit articuler l’ensemble des échelles entre elles pour intégrer au mieux les ambitions et les enjeux des territoires, tout en tenant en compte des synergies déjà existantes.



De plus, la métropolisation questionne. Telle qu’elle est aujourd’hui, l’organisation spatiale perd en complémentarité, certaines grandes villes concentrant ainsi l’ensemble des emplois, ressources et richesses. Comment rendre chaque espace urbain toujours plus imbriqué et complémentaire dans son territoire plus vaste ? Comment développer des villes multipolaires qui pensent leur déploiement et leur mobilité de manière plus harmonieuse ? Comment redonner une place de choix aux petites villes et les rendre plus autonomes ? La question de la solidarité territoriale entre “centre” et “périphérie”, entre ville et campagne, entre petites et grandes villes, entre espaces ruraux et métropole, est l’un des enjeux soulevés par les revendications des Gilets jaunes. Répondre à cet enjeu nécessite de réinterroger l’aménagement et l’organisation spatiale dans le but d’imaginer une réelle complémentarité entre ces territoires divers afin de permettre un équilibre plus important entre ceux-ci, pour qu’aucun habitant ne soit lésé.



En 2019, nous nous pencherons aussi sur ces questions pour imaginer des villes toujours plus interdépendantes, pour des territoires solidaires et complémentaires.



Demain, s’inspirer et intégrer toujours plus le vivant



Tendance montante, le vivant est de plus en plus au coeur des considérations et de l’approche urbaine. La nature retrouve ses lettres de noblesses dans de nombreux projets urbains, devenant un outil de sociabilité, elle est synonyme de cadre de vie harmonieux et de santé. Même si les espaces verts et végétalisés ne volent pas toujours la vedette au béton, ils s’imposent comme ligne directrice de nombreux projets et les acteurs de la ville innovent en diversifiant la manière d’intégrer la nature en ville.







Le développement et la préservation de la biodiversité sont aussi des enjeux au coeur des luttes environnementales et qui parviennent à mobiliser les citoyens, comme on a pu le voir avec les projets largement contestés de l’aéroport de Nantes, d’Europacity ou encore l’Île de loisirs de la Corniche des Forts. Comment toujours plus créer de continuité entre les espaces refuges pour la biodiversité pour développer des trames vertes et bleues ? Comment replacer le vivant et les services écologiques au coeur de la ville ? La place des animaux est aussi en évolution, avec un intérêt croissant pour la cohabitation avec certaines espèces en ville qui fait écho à une sensibilité croissante quant à la condition animale.







Le vivant c’est aussi une nouvelle approche innovante bio-inspirée qui sert comme base pour imaginer autrement l’aménagement de nos villes et la construction. Du biomimétisme aux technologies innovantes, les acteurs étudient la biologie et le fonctionnement du vivant afin de créer de nouvelles solutions moins dépendantes de la technologie. On remarque aussi un retour croissant des matières naturelles dans les systèmes constructifs, comme la terre crue, le chanvre ou plus majoritairement le bois, preuve que le biosourcé est une solution d’avenir pour changer les modèles constructifs.



En 2019, est-ce que l’harmonie avec la nature sera vraiment possible avec une population et une urbanisation qui augmentent ? Nous espérons trouver toujours plus de projets urbains dans ce sens et vous partagez les nouvelles solutions entreprises partout dans le monde.



Demain, redonner du sens au travail



Avec l’accroissement des centres commerciaux, le développement du numérique et de l’entreprenariat, mais aussi une mondialisation toujours plus accentuée, l’économie a profondément été modifiée et cela souvent au détriment du tissu économique local. La vitesse à laquelle les changements se font rendent incertains les modes de travail de demain mais ils révèlent des enjeux auxquels nos sociétés devront faire face.







D’un côté,  avec l’essor de nouveaux outils de travail tel que le numérique, s’observe une transformation de l’organisation du travail. Cela se traduit de façons très variées par l’essor des fablabs ou des coworkings, mais aussi un essor de l’intérêt des jeunes diplômés pour de nouvelles carrières, une implication générale plus assidue dans la vie associative, une motivation pour monter des projets entrepreneuriaux, ou encore la volonté de travailler à distance, témoignant d’une volonté et d’une possibilité de redonner du sens à son travail. De l’autre, certains phénomènes économiques entraînent des conséquences plus néfastes comme la délocalisation de la main d’oeuvre ou questionnent comme l’essor de la technologie et de l’Intelligence Artificielle. De nombreux enjeux apparaissent comme l’équilibre entre l’offre et la demande d’emploi, la création et la disparition de certains métiers, l’évolution du degré de qualification demandé ou l’accroissement d’emplois précaires…



Alors que nous nous trouvons en pleine quatrième révolution industrielle, caractéristique de l’élan d’innovations technologiques dans divers domaines comme la biologie, la robotique, le digital, les IoTs, etc., et cela à une vitesse et à une échelle grandiose possible par l’avancement de la communication et des connectivités inégalé jusqu’alors. Mais si les innovations sont vouées à rendre obsolète en un temps record les précédentes, le modèle du travail en lui-même, et par conséquent de l’économie, ne sont-ils pas amené à se transformer ? La nouvelle génération n’est-elle pas vouée à s’adapter à l’innovation technologique dans le travail et à faire plusieurs métiers au cours de sa vie ? Serons-nous demain des multi-experts en constante évolution ?



Alors que les entreprises à emplois hautement qualifié s’installent dans les villes et participent à la spéculation immobilière et plus largement au phénomène de gentrification, les villes repoussent progressivement ses populations les plus modestes. Mais alors, comment contrecarrer les effets négatifs, comment prévoir et encadrer cet essor technologique et numérique ? Dans un contexte mondialisé, n’est-il pas aussi question de rééquilibrer les territoires pour contrebalancer l’offre et la demande d’emploi ? Devrions-nous revenir à la production locale afin de maintenir l’emploi ?  Et quelle est le rôle des institutions politiques telle que l’Europe dans la régulation de l’économie ?



En 2019, nous verrons en quoi le modèle du travail est voué à changer vers plus d’adaptabilité et de sens, mais aussi comment tirer profit des avancées de la quatrième révolution industrielle. Nous veillerons sur les solutions qui permettent d’intégrer les citoyens, tels que les oubliés du numérique, afin qu’ils participent aux nouvelles formes et organisations du travail tout en trouvant un épanouissement personnel. Enfin, nous pensons que cette année l’économie locale sera au goût du jour et nous relayerons particulièrement les initiatives qui maintiennent et développent l’emploi local.



Demain, accompagner et répondre au réveil citoyen



Le boom des applications participatives et des civics-techs, la démission croissante des maires et la mobilisation des Gilets jaunes présagent des bouleversements politiques importants qui auront un impact sur la démocratie locale, avec récemment le retour des cahiers de doléances. Les habitants semblent prêts à s’investir toujours plus dans leurs villes et le politique pour participer à l’évolution de leur lieu de vie.



Comment repenser la politique à l’échelle de la ville ? Quelles solutions pour donner plus de place aux citoyens ? Comment les accompagner à se saisir du destin de leur ville ? De nombreux débats s’ouvrent en ce début d’année et de nouvelles formes de consultations citoyennes pourraient bien prendre forme.







De plus, comment faire que les citoyens s’emparent des questions qui touchent particulièrement la ville ? L’évolution de l’éducation sera au coeur de ce bouleversement, notamment le développement de l’éducation populaire qui propose de nombreuses pistes pour sensibiliser et apprendre aux citoyens à se saisir toujours plus de ces problématiques urbaines pour agir sur leur cadre de vie.



En 2019, ce défi sera au centre de notre attention, nous relayerons les initiatives, qu’on espère nombreuses, qui naîtront de ce sursaut citoyen.



Demain, faire de la santé un devoir des villes



L’actualité de certaines villes en 2018 a été particulièrement marquée par la problématique de la pollution, comme notamment à New Dehli ou Paris. Le stress, le mode de vie urbain peu actif, le manque d’espaces verts, font des espaces urbains des lieux de moins en moins adaptés à une bonne santé. L’espérance de vie en ville a d’ailleurs chuté, ce qui s’explique par ces nombreuses problématiques liées à la santé. Comment alors relever le défi pour des villes plus saines ? En 2018, nous avons tenté d’y répondre notamment en étudiant le rôle des villes sur la santé des citadins. Une question qui nous tient à coeur, notamment celle des liens entre sport et urbanité, entre mobilité active et santé, que nous ne manquerons pas de continuer d’explorer cette année.



Les villes peuvent aussi agir pour une meilleure santé mentale de tous, notamment en luttant contre la solitude et l’isolement social, en participant à créer des lieux et interactions entre ces habitants. Un enjeu central qui touche aujourd’hui l’ensemble de la population, qu’il s’agisse des jeunes ou des personnes âgées, en grande précarité ou non. Dans l’ère de l’ultra connecté, l’indifférence et le délitement des liens sociaux sont en hausse. Alors comment créer des villes toujours plus vivantes et bienveillantes pour un vivre ensemble ? Mais aussi plus festives et joviale pour installer un cadre de vie plus bénéfique, serein qui pousse à l’optimisme général ?



En 2019, nous serons à l’affût des pistes de solutions positives permettant d’atteindre ce défi d’ampleur pour des villes plus saines et sereines où il fera bon grandir et vieillir en bonne santé.



Demain, mettre l’humain toujours plus au coeur de l’approche urbaine





Alors que la moitié de la population vit aujourd’hui dans les villes qui concentrent 80% du PIB du monde et la majeure partie des activités économiques, les inégalités et l’exclusion dans ces dernières ne cessent d’augmenter. Les villes sont désormais remise en cause pour leur manque d’hospitalité. Loin s’en faut, elles ne sont ni accessibles, ni accueillantes pour inclure les personnes considérées comme vulnérables en raison de difficultés personnelles tels que les individus en situation de handicap physique ou mental, les enfants, les personnes âgées, les femmes, les travailleurs pauvres, les chômeurs, les sans abris, et aussi les migrants et les réfugiés. S’est alors développé depuis quelques années le concept de ville inclusive.



Charles Gardou, anthropologue spécialiste du handicap, disait en 2012 que l’inclusion doit “autoriser chacun à apporter sa contribution à la vie sociale (par) toute une gamme d’accommodements, et de modalités de suppléance pour garantir l’accessibilité des dispositifs, ressources et services collectifs. Une vision qui pourrait être extrapolée à tous les individus en situation de vulnérabilité vis-à-vis de leur contribution urbaine et donc leur inclusion dans la ville.



Mais alors comment savoir si une politique d’inclusion est vraiment inclusive ? Comment les décideurs peuvent-ils intervenir sur des enjeux qu’ils ne vivent pas eux-même au quotidien ? Comment prendre en compte la vulnérabilité des individus s’ils ne sont pas maîtres des décisions qui leur incombe ? Le concept de ville inclusive, souvent réduite dans les faits à une ville accessible ne se rapproche t-elle pas également du concept de ville participative ? La démocratie participative permet-elle de s’assurer que les préférences et les intérêts de tous soit pris en compte et que les services publics soient accessibles à tous ?



Remettre de l’humain en ville, c’est aussi l’intégrer davantage dans la conception de celle-ci. La participation des habitants est toujours plus au coeur de l’urbanisme et les usages ainsi que l’expérience habitante deviennent les fils conducteurs de nombreux projets, redonnant une place importante à la maîtrise d’usage. L’urbanisme transitoire ouvre encore de nouvelles pistes pour innover dans ce sens proposant des projets flexibles, participatifs, expérimentaux qui préfigurent les évolutions à venir dans l’approche de l’aménagement. L’habitat participatif et de nouveaux outils de co-conception mis en place par les promoteurs change aussi la manière de concevoir la ville. Comment demain les habitants seront-ils intégrés dans la conception urbaine ? Quelles nouvelles approches verront le jour pour s’appuyer davantage sur leurs usages ?



En 2019, nous serons à l’affût des nouvelles pratiques de conception urbaine plus à l’écoute des habitants qui en bénéficieront et nous questionnerons les politiques d’inclusion des villes pour nous mesurer leur impact sur l’inclusivité réelle de tous les habitants.



Certes les défis de 2019 sont de taille pour les villes de demain, mais nous espérons cette année être encore surpris par les initiatives toujours plus nombreuses qui fleurissent. Y réfléchir avec vous chaque semaine nous remplit d’enthousiasme et nous souhaitons au devenir de nos chères villes tous nos meilleurs voeux urbains ! Ainsi qu’optimisme, santé et bonheur à vous pour cette nouvelle année !



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