La belle histoire de l’enseigne discount au logo vichy commence en 1948 avec Jules Ouaki. Fraîchement débarqué à Paris, le tunisien ouvre avec sa famille une boutique de 50 m2 dans un quartier multiculturel du 18ème arrondissement de Paris, accueillant alors de nombreuses familles d’origine maghrébine. Des fringues à petits prix disposées en vrac sur le modèle du « bazar » des souks : le concept connaît un immense succès. Le célèbre cabas au motif rose envahit les rues. Progressivement, le magasin historique s’étend et de nouvelles boutiques voient le jour, y compris dans les grandes villes régionales françaises. En un temps record, la famille Ouaki a construit un véritable empire commercial. Le succès est tel qu’en 1987, Tati est plus visité que la Tour Eiffel !

Dans les années 1990, reprise par le fils, la boutique se lance dans une diversification de l’activité. Sa grande ambition est d’orienter la marque vers une ligne de prêt-à-porter branchée, rompant ainsi avec son esprit initial. Une stratégie peu payante, puisque la clientèle historique n’a pas les moyens de s’offrir les nouvelles collections. La marque connaît alors des difficultés financières et le début des années 2000 entérine ce déclin avec l’apparition d’une nouvelle concurrence acharnée dans le secteur du textile bon marché. 

Peu à peu, après plusieurs rachats, Tati se mue en un véritable gouffre financier. Le 16 juillet 2019, la nouvelle tombe. Les magasins vont fermer pour de bon, à l’exception de la maison mère de Barbès qui doit être sauvegardée. Mais ce n’était qu’un bref sursis, puisque le 7 juillet 2020, le groupe GPG (GiFi) annonce la fermeture définitive de l’ultime point de vente à porter son enseigne.

Alors que les tractations ont lieu pour vendre les 6500 m2 du siège parisien, la municipalité parisienne vient de saisir l’occasion qui s’offre à elle pour en faire l’un des sites où développer un projet urbain innovant. L’immeuble emblématique du quartier Barbès sera donc l’un des projets de la troisième édition de « Réinventer Paris », comme l’a annoncé Emmanuel Grégoire, premier adjoint d’Anne Hidalgo, chargé de l’urbanisme, de l’architecture et du Grand Paris, le 4 février dernier. Un tour de force de la Ville de Paris qui souhaite imposer au nouveau propriétaire un « programme mixte » avec des logements sociaux et des commerces. Son objectif est de réussir une réhabilitation du lieu en lien avec l’histoire populaire du quartier.

En attendant, avec la fermeture de Tati, c’est un peu l’âme de Barbès qui s’en va. L’annonce de la fermeture du magasin situé à l’angle des boulevards Barbès et Rochechouart a d’ailleurs provoqué une vive émotion au niveau local. Un bouleversement donc de l’identité populaire de Barbès, déjà fragilisée par la gentrification en pleine expansion du Nord-Est parisien. Espérons que le futur projet qui se dessinera avec l’appel à projet “Réinventer Paris” réussira son pari !

Crédit photo de couverture ©Ketounette via Wikipédia