Confinement des villes, fermeture des écoles, des universités, de services publics… Nos modes de vie en sont impactés, inévitablement. Les crises nationales, voire mondiales ne sont pourtant pas nouvelles de quelques semaines. Les chocs sociaux, politiques et sanitaires ont toujours été, à toutes les époques. Par notre mode de vie aujourd’hui globalisé, il est vrai cependant de constater que l’information ne cessant de croître, les perturbations qui secouent notre monde actuel nous semblent plus proches, plus amples, plus rapides et nous rendent plus anxieux face au problème. Aguerris par un regard en arrière face à l’avancée cyclique de l’histoire, nous ne pouvons être que persuadés que les cataclysmes alarmants ne s’installeront pas durablement et que la désolation fera place, indéniablement, à la consolation.
Si la crise du covid-19 prend une place telle dans nos médias, c’est aussi parce qu’elle dresse un tableau peu flatteur de notre monde que beaucoup pensaient intouchable et que l’on découvre finalement vulnérable. La crise écologique actuelle nous avait sensibilisés, déjà, au fait que l’écosystème dans lequel nous évoluons était profondément faillible. L’anthropocène, définie comme les répercussions directes de l’action de l’homme sur les écosystèmes modifiés par ce dernier n’est plus à prouver. Notre société, notre monde, nos villes sont vulnérables. Et pourtant, face à tout cela, nous faisons preuve de résilience.
Qu’elle est-elle, alors, cette résilience salvatrice ? En réalité, elle définit notre résistance aux chocs. Notre capacité à faire face à une adversité. Longtemps utilisée pour parler de la remise sur pieds de personnes malades, ou de personnes traumatisées, elle a ensuite désignée la reconstruction d’espaces face à des catastrophes telles que les bombardements atomiques à Hiroshima ou la catastrophe nucléaire de Tchernobyl… La résilience ne désigne pas pour autant la résignation à n’être que spectateur d’un monde en train de s’effondrer. Bien plus que cela, le phénomène relève presque d’une philosophie stoïcienne. Non d’une acceptation de la crise sans agir, mais d’un désir de reconstruire ce qu’il nous appartient de changer. Outre la résistance physique à un choc, le terme de résilience désigne aujourd’hui plus largement le retour à un équilibre positif.
À l’image d’un monument plurimillénaire dont les pierres ayant traversé les siècles seraient encore debout, pour renforcer la résilience de nos villes, ils nous faut prendre conscience, préserver, prendre soin et ainsi se fortifier. Selon Boris Cyrulnik à qui l’on doit la démocratisation de la résilience en France, celle-ci peut-être renforcée par divers facteurs biologiques, psychologiques, sociaux ou culturels. Être résilient inclut, avant toute chose, l’acceptation de l’imprévu, de ce qui n’est pas maîtrisable. Si nous sommes à priori dotés d’une capacité naturelle de résilience, il nous appartient d’en renforcer ce caractère de façon collective, à l’échelle de nos villes. Car nos villes par leur complexité, ne sont pas maîtrisables, sont même imprévisibles.
Pour l’architecte enseignant Marco Stathopoulos, « contrairement à la ville stable, sécurisée, hiérarchisée, optimisée et normée, chère au développement durable, la ville résiliente est flexible et transformable. »
La crise du coronavirus nous apprendra certainement de nombreuses choses, sur notre capacité en tant qu’humains, à être résilients. Mais face à un monde de plus en plus en proie à ce type de secousses mondiales, la question que nous devrons résoudre dans les prochaines années sera de comment permettre à nos villes d’être de plus en résilientes. S’agit-il d’un rééquilibrage ? S’agit-il de laisser plus de place à l’imprévu, à la flexibilité à la réversibilité de nos espaces urbains, pour permettre de renouveler sans cesse nos usages ? Ou s’agit-il au contraire d’un changement de modèle tout court ? Visant à permettre à la planète elle-même de pouvoir se régénérer et donc d’être résiliente vis-à-vis de nos activités humaines et qui plus est de nos villes…?
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