Pourquoi un livre blanc sur le logement abordable ?

Pierre Vital : ID&AL groupe est un développeur d’immobilier, c’est-à-dire que notre métier consiste à travailler avec les territoires pour identifier les problématiques locales en terme d’immobilier et apporter des solutions adaptée. Nous sommes très attachés à cette dimension car elle implique une relation constante avec les élus et les aménageurs. Cette relation nous engage et de fait nous nous intéressons avant tout aux problématiques qu’ils rencontrent.

A ce titre, la question du logement abordable vient directement de cette remontée de terrain, elle est au cœur des préoccupations, notamment à l’occasion des municipales ou dans les objectifs des projets urbains. C’est un sujet de fond qui est grandement lié à la métropolisation et à l’augmentation des prix de l’immobilier.

En tant que développeur d’immobilier, on se doit donc d’apporter une réponse à cette problématique qui interpelle et préoccupe nos partenaires, que sont les collectivités. Nous avons donc décidé en septembre dernier de mener cette réflexion et pour cela, de nous entourer d’une grande diversité d’acteurs de notre écosystème, tels que des aménageurs, des élus, des architectes ou encore des opérateurs de financement. Notre ambition était donc de recenser et d’analyser tout un panel de solutions qui existent.

En tant que promoteur, quelle est votre particularité de positionnement quant à ce sujet ?

Pierre Vital : Notre état d’esprit est le suivant : notre activité doit se structurer sur le long terme, elle ne peut pas reposer sur un seul produit immobilier. Pour nous, l’accession abordable c’est une tendance de fond durable puisqu’elle repose sur le fait que les français souhaitent aujourd’hui être propriétaires. Par conséquent, il faut que nous, développeur d’immobilier, nous nous posions la question des attentes de celles et ceux qui veulent accéder à la propriété. Que ce soit en termes de prix bien entendu, mais aussi de formes de propriété ou de logement. Evidemment, l’idée est de savoir si nous sommes en capacité de répondre à leurs attentes avec des produits immobiliers adaptés. C’est une façon d’être résilients aux crises, d’être plus résistants dans notre activité, pour ainsi être un acteur durable de l’immobilier.

On le voit, le confinement révèle certaines inégalités, notamment en termes de qualité de logements. En quoi le logement abordable peut-il être une réponse adaptée aux conséquences négatives de cette réalité ?

Pierre Vital : D’abord, à travers l’analyse du marché réalisée pour le Livre Blanc, il est intéressant de voir que l’un des enjeux majeurs du logement abordable, c’est d’ajuster au mieux le prix. Car il s’agit d’un logement à destination de ceux qui ne sont pas concernés par les aides à l’accession, mais qui éprouvent tout de même des difficultés à devenir propriétaire.

Or, et d’autant plus avec le confinement, les potentiels futurs acquéreurs aimeraient, pour devenir propriétaires, ne pas avoir à sacrifier de l’espace de vie ou bien des services dont ils pourraient profiter au sein de leur copropriété. Mais d’autres enjeux sont à prendre en compte comme le besoin d’être proche de son lieu de travail et des commerces. L’équation est donc complexe.

Cette envie d’accéder à des logements plus grands et moins chers est une demande de fond des habitants, renforcée par une attente sur les usages qu’ils font de leur logement. Cette réflexion nous l’avions engagée en amont de la réalisation de ce Livre Blanc : comment bâtir moins cher en construisant plus de mètres carrés ?

Une contrainte qui pose d’autres questions : est-ce que les futurs acquéreurs sont prêts à faire le sacrifice quant à la surface de leur habitation en échange de services supplémentaires et d’espaces communs disponibles pour tous à l’échelle de l’immeuble ? Les très urbains, très métropolitains, pourraient à l’avenir acquérir un espace de vie plus restreint, mais par contre bénéficier d’une plus grande qualité d’usage à l’échelle de leur immeuble.

La question du logement abordable dépasse donc celle du prix ou du budget. Car c’est aussi une nouvelle forme de logement à penser. Et c’est cet aspect qui est traité dans notre Livre Blanc. Très modestement, notre objectif avec cet outil de réflexion, c’est de saisir les collectivités et les aménageurs pour que l’on puisse ensemble penser des solutions plus abordables pour les ménages, en fonction des territoires.

Quelle est pour vous la solution phare pour développer le logement abordable ?

Pierre Vital : Il faut bien comprendre qu’il n’existe pas qu’une seule solution, il y en a plusieurs. Notre Livre Blanc dépeint un éventail de propositions concrètes visant à faire baisser les coûts sur tous les aspects. Ainsi, l’idée est que chaque élu puisse choisir ce qu’il souhaite privilégier. Très concrètement par exemple, on peut travailler sur les circuits courts pour minimiser les intermédiaires, en identifiant avec la mairie, des clients locaux.

Il est aussi possible de réfléchir avec des architectes, tels que Marc Mimram qui a collaboré avec nous sur ce Livre Blanc, pour créer des espaces de vie optimisés permettant la transformation future du logement.

Pour nous, la vraie réflexion est à mener conjointement avec les élus car la réponse n’est pas unique. Dans l’année à venir, on ambitionne donc d’investir pleinement le sujet tout en évitant le biais de se standardiser dans un modèle proposant un “logement petit, compact et pas cher”. Ce n’est pas notre axe car ce n’est pas la demande des clients.

Donc l’idée est de s’adapter aux situations ?

Tout comme nous l’avons fait sur le digital, où nous consolidons un écosystème de solutions numériques utiles à nos clients, cette notion d’abordable signifie rendre le logement accessible à tous, et cela se concrétise grâce à de nombreux moyens : le prix, mais aussi les services, les solutions d’emprunt, les services d’usages au sein de l’immeuble, etc. Pour nous, il s’agit de travailler, avec toutes les parties prenantes d’un projet. Ensemble nous pouvons alors identifier toutes les pistes possibles à activer en vue d’obtenir un logement abordable. Ainsi, nous réussirons à mettre au point une solution qui s’adresse à un public le plus large possible.

Depuis plusieurs années maintenant, nous avons développé notre propre service de syndic de copropriété. Et à ce niveau-là, nous appliquons déjà cette approche sur notre parc de copropriétés, en étudiant notamment toutes les pistes possibles de mutualisation des espaces entre les différents habitants. Pour aller plus loin, nous souhaiterions permettre à différents élus et aménageurs de s’impliquer à nos côtés pour imaginer des solutions qui nous permettront de réaliser à plus grande échelle des logements abordables. Dans un deuxième temps, nous pourrons mesurer les impacts de ces mesures.

Nous sommes persuadés que c’est en cumulant différentes pistes d’action comme construire des logements plus compacts mais probablement mieux agencés voir meublés, fournir des services aux habitants à l’échelle même de leur immeuble, ou encore démembrer les copropriétés, que nous pourrons obtenir des gains très importants. On parle de 30 à 40% de réduction de prix à l’achat pour une typologie donnée (ne parlons plus de prix / m2 qui n’est jamais la garantie d’acheter au bon prix) si toute la chaîne fait conjointement l’effort. Et l’objectif est d’obtenir ces gains sans dénaturer la qualité du projet, ni celle du logement.

En ce qui concerne l’enjeu de la ville pour tous, qu’en est-il de votre réflexion sur ce sujet ?

Pierre Vital : Pour que nous puissions donner une réalité à la ville pour tous, il nous est nécessaire de travailler avec des partenaires qui sont spécialisés sur ces aspects solidaires. Nous avons étudié une collaboration sur un projet avec le Secours Populaire pour la transformation d’un de leur site en logements libres, tout en maintenant quelques logements d’urgence.

Mais l’autre aspect important selon moi, c’est que la ville pour tous, c’est aussi une ville ouverte sur le quartier. Notre approche est la suivante : Il s’agit d’abord d’intégrer des services au sein des résidences à destination des copropriétaires. Mais par ailleurs, la vision que nous portons est que les immeubles qui possèdent des espaces communs doivent s’ouvrir sur leur quartier pour donner accès à tous à ces nouveaux services. Et demain, on espère que de cette façon, nos immeubles seront faiblement consommateurs en charges de copropriété, par l’utilisation et l’optimisation des espaces sous-utilisés, que ce soit les espaces communs ou les parkings.

Ces immeubles doivent générer moins de charges de copropriété, mais surtout être utiles au quartier et à tous les habitants. L’utilité des projets que nous concevons permet donc de mieux intégrer ces immeubles dans leur quartier et ainsi, de rendre possible une appropriation des services qui y sont intégrés par les riverains. C’est une façon de faire de l’immobilier plus intégré et plus optimisé.

Avez-vous un message particulier à faire passer aux élus ou aux aménageurs ?

Pierre Vital : Actuellement, en tant que développeur d’immobilier, nous répondons avec les dispositifs existants et on donne la possibilité à une partie des futurs propriétaires d’acquérir un logement, mais on met aussi de côté la majeure partie de celles et ceux qui aimeraient acheter.

Nous devons donc dialoguer avec les élus et les aménageurs pour comprendre ensemble que la question du logement abordable n’est pas uniquement celle du prix au mètre carré. Or, elle est encore toujours abordée sous ce prisme et je pense que ce n’est pas le bon axe. Notre Livre Blanc vise à porter le message qu’un acteur privé comme nous peut apporter une réponse de meilleure qualité quant au logement abordable, avec une vision plus large du phénomène.

D’ailleurs, nous continuerons à l’avenir à réfléchir à d’autres thématiques que l’on rencontre au quotidien en tant qu’acteur de la fabrique urbaine, pour justement savoir de quelle manière nous pouvons agir différemment sur ces sujets, afin d’amener de la valeur à la façon de faire de l’immobilier.


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