Un littoral attractif mais vulnérable
La grande attractivité des territoires littoraux se manifeste par plusieurs phénomènes: une forte artificialisation, la présence de nombreuses activités socio-économiques, une démographie croissante. Effectivement, la densité de la population au niveau des côtes est 2,5 fois plus élevée que la moyenne nationale et cette tendance est prévue à la hausse: 4 millions d’habitants attendus d’ici 2040, selon le ministère de la transition écologique.
Toutefois, le réchauffement climatique les expose à des phénomènes qui les rendent vulnérables tels que l’érosion ou la montée des eaux.
De fait, le recul du trait de côte n’épargne aucune région côtière française. Selon les chiffres officiels, publiés samedi 30 avril au Journal officiel, 864 communes françaises sont « plus particulièrement vulnérables » aux submersions marines. Parmi cette liste, 126 communes sont considérées comme prioritaires. “La majorité d’entre elles se situent sur les côtes atlantiques et de la Manche : quarante et une en Bretagne, trente et une en Nouvelle-Aquitaine et seize en Normandie”, rappelle le Monde.
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Alors, comment rendre les territoires côtiers plus résilients ? Comment anticiper les risques ?
La loi climat et résilience de 2021 prévoit de nouvelles dispositions pour les communes en première ligne, face au recul du trait de côte. Effectivement, les 126 communes considérées comme prioritaires devront effectuer la cartographie de l’évolution du trait de côte sur 30 et 100 ans. Ces cartes, donneront de nouvelles règles d’aménagement du territoire, pouvant aller jusqu’à l’interdiction de construire. De plus, les constructions neuves ne sont pas les seules concernées: « Si on dit qu’on rénove le centre-ville et que, dans vingt ans, il est sous les eaux, est-ce que c’est utile de le rénover aujourd’hui, est-ce qu’il ne faut pas réfléchir à le voir autrement ? », explique Xavier Martin, maire de Trégastel.
Face à ces nouvelles mesures et prises de conscience, de plus en plus de personnes préfèrent migrer vers des zones en haute altitude pour éviter le risque d’inondation.
Vers une gentrification climatique
La migration des zones à haut risque d’inondation vers des territoires en altitude moins exposés intensifie la crise du logement et les inégalités sociales. Afin de s’adapter durablement au climat, il est alors nécessaire de mettre en place une planification innovante promouvant une équité face au risque.
Les terres côtières, souvent réputées pour leur grande richesse paysagère, sont très coûteuses et de plus en plus réservées à une minorité qui a les moyens de s’offrir ce luxe. Maintenant que les propriétaires connaissent un risque accru d’inondation et des précipitations plus abondantes, les tendances commencent à s’inverser dans beaucoup de pays.
Certains des propriétaires décident donc d’investir dans des digues plus élevées, d’autres se munissent d’assurances contre les inondations avec des primes pour pouvoir rester sur place. De fait, la demande croissante de propriétés situées plus en hauteur a une incidence directe sur la valeur de ces terres.
Au fur et à mesure, que les habitants plus riches emménagent, les résidents existants sont exclus et ne peuvent plus vivre dans leur communauté, induisant une perte d’identité communautaire et des perturbations culturelles. C’est ce qu’on appelle la “gentrification climatique”.
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Liberty City, en Floride, est actuellement confrontée à ces migrations climatiques. Cette ville abritant à l’origine une population afro-américaine à faible revenu, est située 3m plus haut que le centre ville de Miami qui est, elle, au niveau de la mer.
Aujourd’hui, elle connaît un afflux de riches investisseurs et propriétaires de Miami désirant fuir la côte. C’est pourquoi, on assiste à une flambée de la valeur des terrains et des maisons qui a presque triplé.
Alors, est-il normal que les populations qui ont le moins contribué aux risques climatiques soient chassées et ensuite plus exposées ? Il est bien sûr inévitable que nos villes soient remodelées par le changement climatique, l’enjeu est donc de repenser la planification et la résilience des territoires sous l’angle de l’équité pour que ce remodelage soit prévu et non pas subi.
Demain, des territoires littoraux plus résilients
Les villes en contact direct avec la mer sont ainsi vulnérables face aux risques climatiques. Des précautions particulières et des investissements importants sont alors nécessaires pour les rendre plus résilientes. Certains projets ont déjà été réalisés dans divers pays, comme en Allemagne dans la ville de Hambourg.
Cette dernière s’est longtemps reposée sur un système de digues, jusqu’en 1962 lorsqu’il a échoué à 63 endroits différents, submergeant une grande partie de la ville. Par conséquent, le centre-ville et la banlieue sont majoritairement entourés d’un nouveau barrage: 25 km de digue et 78 kg de “mur vert”, couvert de végétation.
Mais ce système ingénieux ne peut pas protéger HafenCity, une île semi-artificielle sur les rives de l’Elbe. Il s’agit d’un quartier portuaire autrefois abandonné, qui abrite aujourd’hui de nombreuses œuvres architecturales dont la salle de concert Elbphilharmonie de Herzog et de Meuron. De fait, les aménageurs de l’île ont développé d’autres stratégies pour la renforcer. Dans un premier lieu, elle est construite sur une terrasse de sable artificiel qui place de nouveaux bâtiments à environ 8 mètres au-dessus de la ligne de marée haute. Le front de mer est également conçu pour être partiellement inondé, comme la promenade conçue par Zaha Hadid en 2006 qui passe au-dessus du barrage sur la promenade Niederhafen de la ville. D’autre part, il a fallu protéger certains bâtiments datant de 1880. Tout en restant à leur niveau inférieur d’origine, ils ont été durcis pour résister à des inondations occasionnelles, avec des sorties directes au niveau supérieur et des fenêtres renforcées et d’autres formes d’imperméabilisation en dessous.
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En France, d’autres projets ont également vu le jour. Par exemple, la commune du Grau-du-Roi dans le Gare a misé sur la restauration douce, alliant protection des milieux et qualité paysagère. Des travaux ont été réalisés sur un cordon dunaire menacé par l’érosion, afin de le renforcer. Son rôle est crucial: il fixe le sable et empêche l’entrée des eaux dans l’arrière pays où cohabitent lieux naturels, zones agricoles et habitations. Ainsi, différentes actions ont été menées: rechargement sableux, génie végétal ((paillage, plantation d’espèces floristiques dunaires), pose de ganivelles et gestion des accès. Cette restauration élargit le cordon de 30 à 60 mètres et nécessite la réduction de l’emprise de l’aire de stationnement. De plus, un volet est consacré à la sensibilisation des usagers pour faciliter l’acceptabilité du projet. Ainsi, pour s’adapter au changement climatique et pour éviter les catastrophes qui entraînent des inégalités socio-spatiales, tout l’enjeu est de “vivre avec la mer plutôt que contre elle”, comme nous y invite le gouvernement.