Le tabac se construit une place dans la société
Phénomène de mode, parfois pour paraître « cool », ou objet de sociabilisation selon certains utilisateurs, le tabac peut également servir d’initiation à l’entrée dans un groupe social. Alors que James Dean devait sauter d’une voiture dans La Fureur de Vivre pour être accepté, c’est dans la cigarette que certains jeunes voient une porte d’entrée dans la société.
A partir des années 50, le tabac à fumer se démocratise et revêt une image bien particulière : il détend, réchauffe et permet d’être rock’n roll. La cigarette est associée au monde des hommes en smoking, à l’image de Don Draper dans Mad Men, à la virilité d’Al Pacino ou de Belmondo, au glamour de Marilyn Monroe ou d’Audrey Hepburn, mais aussi à l’univers urbain de grandes villes. Une image tenace qui a séduit des générations et marqué l’imaginaire collectif.
Un message que la culture populaire du 20è siècle a véhiculé dans son cinéma. Mais se plonger dans les films du siècle dernier, c’est aussi se rappeler que la cigarette était autrefois partout, dans l’espace privé et public, dans le métro et les restaurants.
Une prise de conscience qui émerge pour une ville plus saine
Si aujourd’hui la cigarette s’est éteinte dans beaucoup de lieux de nos villes, c’est que les campagnes d’avertissement des médecins ont finalement fait effet ! La sensibilisation s’est imprégnée dans la société qui en fait un cas de santé publique et la prise de conscience collective du phénomène du tabagisme passif s’est opérée pour beaucoup. Dès 1991, la loi Evin interdit de fumer à l’intérieur des lieux publics fermés … Finie la cigarette à l’intérieur des classes, des bureaux, des trains, les fumeurs sortent désormais et se mettent à l’écart, pour notamment protéger les non-fumeurs de leurs fumées.
Mais pour beaucoup, sortir dans la rue pour fumer, c’est “jeter son mégot par terre” ! Faute de poubelles et d’une sensibilisation sur l’impact de ce petit bout de filtre, les fumeurs ont rapidement pris le pli de ne pas faire attention à ce geste pourtant terriblement néfaste. Certaines villes se sont saisies de cet enjeu, devenant réellement actives en matière de lutte contre le tabac. Lille en a d’ailleurs fait l’une de ses 5 résolutions de 2018 : lutter contre la ville sale.
137 000 mégots seraient ainsi jetés chaque seconde dans le monde… Un chiffre affolant ! En réaction, les villes s’organisent. Récemment, les citadins de Strasbourg ont participé au ramassage de ces petits déchets qui mettent plus de 10 ans à être détruits naturellement ! De même, à Bruxelles ce sont 120 000 mégots de cigarette qui ont été collectés. Des campagnes de plus en plus fréquentes qui visent autant à nettoyer les rues, que sensibiliser les citadins.
Malgré cette prise de conscience qui a clairement pris une place importante dans les débats publics, le nombre incroyable de mégots à chaque fois ramassés démontre que l’usage de la cigarette reste encore largement répandu, contrairement au civisme qui voudrait que ces déchets disparaissent de nos rues. Il faut savoir que ces petits résidus jaunes qui jonchent le pavé peuvent contaminer 500 litres d’eau ! C’est un vrai problème qui encore malheureusement trop méconnu des fumeurs.
Face à un tel enjeu environnemental et sanitaire, de véritables fronts anti-tabac émergent. Certains préconisent même d’interdire purement et simplement l’usage dans les espaces publics de tabac. Mais est-ce vraiment une bonne idée ?
Quand l’aménagement urbain sensibilise les fumeurs
Partout dans le monde, des villes souhaitent abolir définitivement le tabac. Au Japon, les autorités ont tenté de réduire le phénomène des fumeurs en ville en créant des “Smoking Area” (des aires réservées aux fumeurs), mais en vain pour certains quartiers. De son côté, Melbourne cherche à devenir la première ville sans tabac : piétons, clients en terrasses, personne ne pourra désormais fumer une cigarette en ville. Des mesures restrictives avec des amendes à la clef.
Pour la question des mégots au sol, ces solutions sont des pistes, mais il est possible de les limiter autrement. Des villes installent déjà des poubelles adaptées qui offrent “l’option” cendrier. Alors que pour certains mobiliers urbain, cette possibilité est évidente pour les fumeurs, elle se fait parfois trop discrète, comme dans le cas de Paris où beaucoup ignorent la présence d’un petit rebord qui permet d’éteindre sa cigarette.
Mais en ville, la créativité ne manque pas ! Nantes est un bon exemple : pour inciter davantage les fumeurs à jeter leurs mégots au bon endroit, la ville a mis en place un “cendrier-sondage”. Proposé par une entreprise nommé Cypao, qui s’est inspirée de modèles anglais, cet équipement ludique se développe pour empêcher les fumeurs jeter leurs mégots par terre.
A Lille, Greenminded va encore plus loin en proposant des bornes interactives et connectées, nommées « Borne to recycle », qui informent via une application la pollution évitée. Un principe qui vise aussi à recycler les mégots collectés.
Pour éviter cette pollution massive de nos rues par les mégots jetés par terre, il semble possible d’avoir recours à des solutions plus pédagogiques et ludiques, qui visent à sensibiliser les fumeurs à cet acte qui semble anodin : celui de jeter un bout de filtre au bon endroit. Un chemin dont s’emparent de plus en plus de collectivités et de collectifs d’habitants pour des villes plus saines !