Pour la municipalité, les plateformes communautaires de location de logements, comme Airbnb, empêchent les habitants de la ville de trouver un toit dans la capitale. D’autres critiquent la concurrence déloyale faite aux établissements hôteliers ou encore la hausse de l’immobilier. On invoque même les troubles de voisinage. Face à ces constats, les villes interviennent et sont déterminés à tempérer le pouvoir de ces plateformes.
La loi logement, plus stricte, notamment pour les locations faites via des applications communautaires émet ses premières sanctions. Ainsi, une locataire ayant sous-louer son domicile principal plus de 767 nuits en 7 ans sur Airbnb, se voit attribuer une amende record de 40 000 euros. Par ailleurs, depuis le 1er décembre 2017, il est obligatoire de s’inscrire à la mairie de Paris pour déclarer les locations de logements meublés à des fins touristiques, mais dans les faits, 15% seulement des utilisateurs d’Airbnb s’y sont inscrits. La plateforme communautaire remarque la complexité du système et refuse d’y participer par la vérification et la suppression des annonces non conformes. D’un autre côté, en réponse aux critiques grandissantes, elle vient de s’engager à limiter le nombre de nuitées de location saisonnière à 120 jours par an à la fin 2018.
Ainsi, on assiste depuis quelques années à un bras de fer entre les villes et les plateformes de location. Ces conflits questionnent les enjeux de gouvernance qui jusqu’alors étaient régis à la fois par des sociétés toujours plus puissantes et l’Etat qui peinait à leur faire appliquer des lois. Bien qu’à Paris, les mesures semblent prendre leur cours, les batailles ne sont pas encore gagnées à l’international. La loi est peut-être très stricte à Madrid ou à Barcelone, mais à Berlin, des milliers d’utilisateurs allemands se sont soulevés contre les projets de loi proposant l’interdiction de la location d’appartements dans leur intégralité. À coup de lobbying par le bas, les plateformes ont réussi à faire annuler ce projet et à limiter leurs pertes. Mais cela ne durera pas longtemps car les villes se dirigent progressivement vers un contrôle plus accentué. Après tout, ce n’est qu’une question de temps quand on sait que la mise en application des lois demande de nombreuses procédures juridiques avant d’être effective.
Si ce revirement nous mène à des villes plus régulées sur les activités touristiques et le marché de la location, nous sommes en droit de nous demander si le parc locatif de Paris se désengorgera pour laisser place aux demandeurs d’un logement. De leur côté, les complexes hôteliers rempliront-ils leurs chambres en pleine saison ? Rien n’est moins sûr car rien n’atteste que les applications de location aient absorbé leur clientèle. En effet, ces plateformes ont permis à des familles d’origine plus modestes de voyager à bon marché alors que sans cette alternative, elles n’auraient pas eu les moyens de le faire. De plus, il est souvent plus facile de louer un logement de dernière minute sur ces sites de location plutôt que de trouver une chambre d’hôtel disponible. Cet argument reste donc à démontrer. D’autre part, les quartiers subissant les locations massives de ces plateformes se concentrent dans des quartiers très touristiques, près des monuments emblématiques comme pour Paris des lieux tels que Montmartre, le Marais, Bastille, le Quartier Latin, et sont donc, logiquement très cher. Même sans Airbnb, les appartements de ces quartiers n’auraient pas pu loger des foyers modestes à la recherche d’un logement dans la capitale.
Ces observations questionnent un problème plus chronique, celui d’un marché du logements tendu face à une demande toujours plus forte. Certes, les 70 000 hébergements disponibles sur la plateforme Airbnb en comparaison des 1,4 millions de logements parisiens montrent qu’avec un peu plus de régulations, quelques logements seront remis sur le marché, mais il n’est pas sûr que le marché locatif se désature pour autant.
Pour aller plus loin, regardez: « Touristes go home! »
Vidéo posté par ©Médiapart