Alors que le foncier se raréfie, que les prix de l’immobilier augmentent sans discontinuer et que la production de logements est en baisse, la crise énergétique vient rajouter aux difficultés des français pour se loger. Le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre concourt à établir un constat inquiétant pour le domaine du logement. Comment désamorcer cette bombe qui risque de se déclencher à tout moment ? C’est à cette tâche que s’attellent plusieurs acteurs innovants du logement en France, présents au MIPIM pour exposer leurs solutions et leurs réflexions.
Le BIMBY, une démarche gagnant-gagnant
Parmi ceux-ci, le PDG de Villes Vivantes David Miet a présenté son désormais fameux concept de BIMBY (Beauty In My Backyard), qui permettrait de produire 200 000 nouvelles maisons chaque année sans aggraver l’étalement urbain, une dimension essentielle à l’heure du Zéro Artificialisation Nette. Pour cela, il suffit à un propriétaire de valoriser une partie de son jardin afin d’y faire bâtir une maison, ce qui profite à la fois à celui-ci, qui peut alors disposer de cette valorisation pour par exemple enclencher des projets de rénovation, mais également aux générations futures, jusqu’alors éloigné de toute perspective de propriété. Le tour dans une filière sans promotion, compatible donc avec le budget des ménages.
Pour autant, et par manque de pédagogie et d’information selon David Miet, ce concept n’est pas applicable partout en France, du fait des règlements urbanistiques qui interdisent de telles constructions. Une limitation causée par les voisins qui ne bénéficient pas directement de la construction, et qui peuvent même y voir une nuisance. Pourtant, le CEO de Villes Vivantes avance que mettre en place une « règle d’urbanisme un peu augmentée » qui permet cette construction valorise également le patrimoine du voisin qui ne souhaite pas construire, puisqu’elle augmente la valeur de chaque bien dans la zone concernée. Une autre limite tient à la grande technicité de telles règles urbanistiques, « si vous demandez à un architecte s’il est possible de bâtir dans votre, il en a bien pour une demi-journée de travail pour être capable de vous répondre, en théorie ». Une problématique essentielle à explorer alors que neuf millions de micro-fonciers en préfecture, sous-préfecture ou périphéries de celles-ci pourraient être mobilisés.
Des innovations à généraliser
Damien Robert, président d’In’li, filiale d’Action Logement dédiée au logement intermédiaire, a plaidé pour la numérisation des autorisations de Permis de Construire, ce qui lui semble possible alors que les collectivités ont déjà dématérialisé des documents bien plus complexes par le passé. Une innovation qui permettrait d’inverser la charge de la preuve et de faire gagner du temps à toutes et tous.
Au-delà de cette approche technologique, il a également plaidé pour multiplier les expérimentations qui répondent à la quasi-impossibilité d’accéder à la propriété pour de nombreux ménages en zones tendues, comme la dé-corrélation entre foncier et usages proposée par le Bail Réel Solidaire. Parmi ces innovations, In’li développe des dispositifs d’acquisition progressive. Le locataire peut alors acquérir dès le départ une portion minime du logement, pour finir par le posséder totalement au bout de quelques années en étant sécurisé par l’opérateur. Il peut aussi être « simple » locataire mais en disposant d’une option d’achat avec un prix fixé anti-spéculatif qui lui donne une possibilité pour l’activer à tout moment.
Une démocratie locale à réinterroger ?
« L’innovation vient de la contrainte » selon Sylvain Bogeat, co-fondateur de Vestack, qui en rappelle quelques unes : matières premières, changements réglementaires, renchérissement du coût du logement, etc. Si celles-ci se multiplient, l’enjeu est maintenant de les généraliser, comme par exemple de laisser à la construction bas carbone d’avoir un terrain de jeu équilibré avec la construction en béton. Selon lui, un autre problème est à trouver dans le fonctionnement de la démocratie locale qui provoquent des délais trop importants quant à l’obtention des permis de construire.
Si le PLU est le reflet d’un consensus démocratique, on se trouve à chaque Permis de Construire face à une autorisation d’opportunité, décidée par l’élu local. Même si la demande est conforme au plan, des négociations s’ouvrent régulièrement sur les aménagements, la programmation ou même le volume, alors que selon Sylvain Bogeat « ce n’est pas le rôle d’un exécutif de déroger à la règle fixée ». D’où l’importance de réfléchir à des autorisations d’urbanisme déclaratives, ou à des PLU opposables.
Un constat partagé par Damien Robert qui pense que le paquet devrait être mis sur la démocratie locale au moment de l’élaboration des documents d’urbanisme, qui donnent une perspective de six à sept ans, plutôt que de la placer sur des projets individuels qui exacerberaient des conflits de type NIMBY (Not In My Backyard). Si le caractère démocratique de ces visions assez radicales interrogent, elles ont le mérite de mettre en avant l’importance de la démocratie locale dans la crise sociale du logement, mais aussi dans les solutions pour y répondre.
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