Dès sa création la politique de la ville avait pour ambition de réduire les écarts de développement au sein de nos villes. L’idée était d’assurer à chacun un accès égal au territoire. Les quartiers privés de ce droit républicain sont alors identifiés en fonction de critère socio-économiques. Des budgets sont alloués et l’ensemble des politiques de droit commun et des services publics sont mobilisés. Aujourd’hui, la politique de la ville concerne 5,5 millions de personnes, dans 1.500 quartiers où, le chômage touche entre 25 et 50% de la population.
Cette semaine, six mois après son investiture, notre président a fait son annonce, dans un lieu symbolique de la politique de la ville, Tourcoing. Quel diagnostic pose-t-il de notre territoire ? Quelles réponses apporte-t-il ? Comment Emmanuel Macron souhaite “remettre la République au coeur de nos quartiers” ?
“L’émancipation des quartiers” : comment ?
De manière générale, le discours d’Emmanuel Macron annonçait la volonté d’une lutte contre la radicalisation, contre le renfermement des quartier sur eux-même et contre les discriminations. Si ces mots sont forts, concrètement, cette apparition publique et symbolique, dans l’une des villes les plus précaires de France, ancienne municipalité de son ministre, Gérald Darmanin, n’a rien apporté de neuf. En effet, le président a essentiellement évoqué des annonces déjà faites, comme le retour de la police de proximité par exemple.
Emmanuel Macron, souhaite qu’une “mobilisation nationale” s’effectue autour du développement des “quartiers populaires”. Cela passe par différents points.
En ce qui concerne le territoire, la baisse des dotations aux collectivités locales a été annoncée, ce qui implique une baisse de la capacité des services publics. Pourtant, au sein de ces territoires devraient être déployés crèches et maisons de santé, actuellement manquantes. Aussi, les périmètres concernés par la politique de la ville ont été restreints à des coeurs prioritaires.
Sur le plan économique, le gel des contrats aidés annoncé par le président aura un impact direct sur ces quartiers. Ceux-ci doivent être remplacés par le retour des emplois francs sans limite d’âge ni d’ancienneté à Pôle Emploi. La coupe des APL, elle, devrait être compensée par la coopération des entreprises HLM, enclins à baisser leurs loyers. Pour lutter contre les discriminations faites aux personnes issues de ces quartiers et leur permettre un retour à l’emploi, des opérations de testing seront organisées afin de pénaliser les entreprises qui opèrent des discriminations sur les CV.
Le mot d’ordre est à la rénovation urbaine. Pour cette raison, 10 milliards d’euros seront investis dans l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine, dite Anru. Pour inciter chaque jeune à “s’en sortir”, le président souhaite créer un “conseil présidentiel” constitué de “figures populaires qui ont réussi”. Des exemples à valoriser selon le chef d’Etat.
“Je veux que le visage de nos quartiers ait changé à la fin de ce quinquennat, ambitionne-t-il. Pas parce qu’on aura réussi la rénovation urbaine, mais la rénovation morale.”
Qu’est-ce que cela signifie ?
Globalement, le ton présidentiel ne dénote pas de l’ensemble de ses discours. La réussite et l’essor des quartiers passent par la réussite individuelle. Comme cela lui a déjà été reproché à plusieurs reprises, la baisse des APL, le retrait des contrats aidés contribueraient à la précarisation des quartiers plutôt qu’à leur développement.
Pourtant, cette nouvelle politique de la ville compte s’épanouir à travers la mise en place d’une vraie politique économique plus que sociale. La valorisation des “figures populaires ayant réussies”, le retour des “emplois fort”s ou encore la coupe des APL sont tant de mesure qui entrent dans sa philosophie générale. Tout cela vise à promouvoir l’ascension sociale et l’intégration républicaine, inciter les Français à se prendre en main individuellement plutôt que d’attendre l’intervention de l’Etat.
Si ces valeurs sont louables, plusieurs questions interrogent les experts. D’abord, quid de la question démocratique ? De grand investissements sont faits au niveau de la rénovation urbaine. Pourtant, la participation des habitants et citoyens, énoncée dans la loi Lamy, y est absente. « L’Etat ne sait pas tout » et doit « co-construire les solutions avec les élus, les associations et les habitants de ces quartiers ». Bien que l’expression “co-construction” soit régulièrement martelée, l’avenir des conseils citoyens reste un mystère et la vision du collectif est absente.
Aussi, une autre inquiétude se profile. La suspension des contrat aidés. Celle-ci sous tend une réduction des effectifs au sein des associations locales, véritables ciments des quartiers. Comment alors assurer une synergie sociale sans ces structures ? Comment éviter certains phénomènes d’isolement en mettant à mal les associations qui oeuvrent en ce sens ?
Enfin, la question de l’immigration n’a pas été abordée. Pourtant, ces quartiers sont les premiers lieux d’accueil des primo-arrivant. Comment penser intégration et unité du territoire sans penser l’unité de sa population ?
Si la politique de la ville portée par Emmanuel Macron célèbre des initiatives et des réussites individuelles, elle fait l’impasse sur les mécanismes structurels à l’origine de l’exclusion sociale et politique dans ces quartiers. Loin d’une vision inclusive de la ville, ce discours permettra-t-il de retrouver une harmonie territoriale et sociale ?