Les matériaux biosourcés, une révolution durable

Les matériaux biosourcés, c’est-à-dire issus du monde du vivant animal comme végétal, après avoir été longtemps boudés au détriment du déploiement du béton à grande échelle, sont de nouveau sur le devant de la scène de la construction. Leur faible empreinte carbone a conduit à leur retour et à leur promotion dans l’écoconstruction.

Pierres, bois, terre, paille, chanvre, laine animale… Les matériaux biosourcés sont non seulement nombreux mais offrent également un large éventail de mise en œuvre dans les constructions, qu’ils soient structurels (bois, pierre, paille…) ou isolants (chanvre, laisse, cellulose de coton…). Pourtant, ils représentent seulement 12% (source CNBD) des matériaux utilisés en France (construction neuve et rénovation). De quoi s’interroger lorsque l’on sait qu’ils participent tout au long de leur cycle de vie à la décarbonisation de la construction. De leur extraction à leur application, et ce tout au long de la vie du bâtiment, ils sont très largement moins émetteurs d’émissions de carbone que les matériaux industriels classiques.

Dans un premier temps, les matériaux biosourcés sont généralement issus de filières locales, permettant ainsi de réduire drastiquement la pollution liée à leur transport. Ces matières vivantes sont également capables de stocker le dioxyde de carbone et affichent bien souvent des chiffres nuls ou négatifs au terme de l’examen du cycle de vie. De plus, en moyenne, leur espérance de vie est plus longue que les matériaux classiques et leur recyclage est favorisé.

Le biosourcé vecteur d’innovation dans la construction - Aleksandar Karanov Getty Images
Aleksandar Karanov de Getty Images

Mais leurs avantages dépassent ce simple – mais capital – bilan carbone. Leur caractère vivant offre de réelles qualités en termes d’inertie, d’acoustique, de confort ou encore de pérennité. Ils agissent comme un véritable régulateur naturel des températures et de l’humidité à l’intérieur des bâtiments. En effet, des matériaux comme la ouate de cellulose soufflée, les panneaux de liège ou la laine de mouton affichent des temps de déphasage, c’est-à-dire le temps que met la chaleur à traverser un mur, de dix à douze heures, soit deux fois plus que les laines minérales ou le polystyrène. Ainsi, en été, les plus fortes chaleurs du jour finissent par pénétrer dans la maison la nuit, lorsque la température extérieure est la plus basse. Il suffit alors de ventiler pour rafraîchir l’ambiance. Les isolants naturels laissent également passer la vapeur d’eau. Les murs peuvent alors respirer tout en réduisant le risque de condensation, donc de moisissures tout en assurant une très bonne isolation. Sans parler des caractéristiques acoustiques de leur production, qui permet de réduire les nuisances sonores tant intérieures qu’extérieures. Enfin, en plus de leurs qualités de confort, ils se révèlent également être de véritables atouts esthétiques pour créer des espaces chaleureux.

Pourtant, alors que leurs qualités ne sont plus à prouver, leur emploi dans la fabrique est encore trop à la marge.

Reconstruire des filières

Si ces ressources naturelles offrent un potentiel indéniable, leur généralisation au cœur des processus de la construction urbaine nécessite une réelle collaboration et des incitations à aller dans ce sens. Précisément, les filières se structurent comme en témoigne l’apparition de nouvelles associations et organisations ces cinq dernières années. On pense par exemple ici au Comité de liaison des matériaux biosourcés d’Ile-de-France, formé en 2018 et officialisé l’année dernière par des membres de premier plan : l’Ordre des Architectes régional, la Chambre d’Agriculture, l’Union des Industriels de la Construction Bois, des représentants du chanvre, de la paille, etc. Chargé d’éclairer et d’accompagner les pouvoirs publics, le comité se compose ainsi de membres qui participent eux-mêmes au développement de sous-filières, soutenues par l’État avec notamment 200 millions investis pour le bois.

Ce développement aux échelles régionale et nationale passe aussi par des appels à projets plus locaux comme Innov’Avenir Filières en Normandie, qui a, entre autres,  profité au développement et à la structuration d’Alkern au sein du projet “Seine Eure”. Cette entreprise spécialiste des produits préfabriqués collabore avec la communauté agricole pour proposer du “béton biosourcé”, conçu à partir de miscanthus. Le projet va permettre de stabiliser 22 emplois directs (dont 7 nouveaux) et générer l’équivalent de 4 800 emplois indirects grâce à une capacité de production pour 3 000 maisons individuelles par an.

La nouvelle usine ainsi créée pourra atteindre une réduction d’au moins 40% du bilan carbone des blocs qu’elle produira, économisant entre 2 000 et 3 000 tonnes de CO2 chaque année. Elle permettra également de réduire la consommation d’eau de 90% sur les chantiers tout en optimisant le temps de mise en œuvre. Le tout en assurant l’alternance entre béton biosourcé et géo-sourcé suivant les demandes des clients.

À long terme, le projet vise à favoriser le développement d’une filière basée sur le miscanthus pour diverses applications industrielles, notamment dans l’automobile, la cosmétique et la chimie verte. Une ambition qui demandera avant tout de régler la question épineuse du stockage de miscanthus. Le développement de cette filière pourrait ainsi offrir de nouveaux débouchés aux agriculteurs qui pourraient, par la suite, diversifier leurs clients.

Former les acteurs de la fabrique urbaine

La formation et la sensibilisation des différents acteurs de l’industrie de la construction sont également des enjeux essentiels. L’utilisation des matériaux biosourcés requiert… Lire la suite.