Place Victor Hugo, Grenoble, avril 2015. Auteur : Charline Sowa[/caption]
Pour ce nouvel article, nous avons décidé de nous intéresser à l’affichage public à partir du cas grenoblois, un an quasiment, jour pour jour, après le fameux coup de com’ : « Grenoble, une ville sans publicité » (1/2).
En 1976, Grenoble accueille ses premiers panneaux publicitaires produits par l’entreprise JC Decaux. Et déjà à cette époque, les enseignes publicitaires faisaient débat dans le milieu architectural et urbain. Les plus célèbres critiques sont sans aucun doute Robert Venturi et Denise Scott Brown qui, en 1977, publièrent le livre Learning from Las Vegas qui marquera plusieurs générations d’architectes. La ville de Vegas, ici critiquée, était déjà submergée par des enseignes qui étaient devenues “plus importante que l’architecture (l’édifice devient dérisoire), qui font partie de cette “architecture de communication qui prévaut sur l’espace” (p. 22). La population comptait “sur les enseignes pour être guidée”(p. 27) à travers la ville.
Aujourd’hui, la réalité a évolué depuis longtemps : où que nous soyons, elles maintiennent en vie les vestiges des Trente Glorieuses et de la société de consommation. L’affichage dans l’espace public est remis en question et plus particulièrement la place de la publicité. De nombreux discours portent sur son impact sur la rue et le paysage urbain : pollution visuelle, dégradation, inadaptation du contenu face changement des modes de consommation des individus, consommation de l’espace, etc.
En novembre 2014, la municipalité de Grenoble a décidé de les supprimer. Le retrait des panneaux publicitaires en ville a été communiqué comme une première en France! Ce sera aussi l’un des premiers faits marquants du mandat d’Eric Piolle, premier maire écologiste d’une grande ville de française. Mais la première ville à se lancer dans cette aventure reste São Paulo où l’affichage publicitaire a été banni de ses rues à partir de 2007. Depuis, d’autres villes y réfléchissent et essayent de s’y mettre plus timidement.
Supprimer l’affichage publicitaire, oui, mais pourquoi ? A Grenoble, les avis sont mitigés. Deux raisons dans ce choix ont été présentées par la municipalité :
- un engagement pris pendant la campagne électorale dont l’enjeu est de réduire la publicité pour développer plus d’affichage citoyen;
- une mesure qui répond aux évolutions de la ville et des modes de vie.
Aujourd’hui, nous ne pouvons pas dissocier ce choix politique et la campagne de communication qui en a découlé. L’une des images fortes revendiquées était : un panneau enlevé = un arbre planté.
Un an après, ce qui nous aura marqué, ce ne sont pas tant les arbres plantés (qui est en soit bien), ou la disparition de la publicité marketing (combat de la ville de Grenoble) mais plutôt, le mobilier urbain qui a été installé pour remplacer ceux du passé. De nombreux grenoblois vous le diront : “c’est vrai que c’est moche !”. L’aspect bricolé de l’installation s’est fait remarquer. Au moment de la photographie (prise ci-dessus), nous étions dans une période de transition entre le retrait des panneaux publicitaires de JC Decaux et l’installation des “nouvelles structures de communication” de la ville de Grenoble. Nous pouvons voir se confronter deux objets, deux supports d’affichage, ayant deux styles radicalement différents : l’un est une colonne Morris, modèle emblématique de la marque; l’autre est une colonne marron de base carré qui cherche encore à trouver sa place dans l’espace public grenoblois. Ce nouvel objet, un peu chétif fait dorénavant partie du décor et accueille désormais toute l’actualité culturelle de la ville de Grenoble et de l’agglomération.
Finalement, le contenu communiqué n’est pas indissociable de son contenant (ici l’objet). Cela nous pose alors différentes questions : quel sens devons-nous donner à l’affichage public ? Parlons nous d’affichage public ou de publicité dans la rue ? Une publicité pour une marque de vêtement ou un magasin n’a pas la même portée et ambition que l’annonce d’un évènement culturel ou d’informations sur la ville. Peut-être que nous devons réfléchir à la manière d’afficher dans l’espace public (le dispositif) et comment transmettre l’information auprès de la population (mise en disposition dans l’espace) en tant qu’aménageurs.
Pour aller plus loin :
– VENTURI Robert, SCOTT BROWN Denise et IZENOUR Steven, Learning from Las vegas, Paris, Editions Margada, 2007, 190 p. [MIT Press, 1977]