Alors que la cité-jardin s’expose au Musée d’Histoire Urbaine et Sociale de Suresnes, nous interrogerons son succès et son avenir dans nos villes. Comment réintégrer son approche sociale et réinventer le modèle de la cité-jardin aujourd’hui ? Quels sont les nouveaux enjeux que révèle sa constante évolution ?

La cité-jardin, naissance d’une utopie sociale et d’un idéal urbain

A la fin 19ème siècle, Londres ressemble à tout bon roman de dystopie : des familles ouvrières sans le sou, entassées dans une promiscuité imposée par la précarité, dans un univers étouffant et insécurisant. Symbole des dérives engendrées par l’industrialisation exponentielle, dont l’urbanisation croissante et non-maîtrisée est l’un des symptômes, divers savants se penchent sur cette problématique pour résoudre ce grand défi de la ville industrielle, celui de dépasser l’urbanisation indigne et de répondre aux besoins essentiels des populations.

Les intellectuels de l’époque, qu’ils soient médecins, sociologues, industriels, se creusent donc les méninges, débattent et imaginent une autre ville, celle permettant aux travailleurs d’accéder à un mode de vie plus digne, respectable et sain. Alors que de nombreux patrons se lancent dans des programmes d’habitats pour loger leurs salariés et créent des cités ouvrières proches de leurs usines, d’autres imaginent des modèles utopiques conceptuels pour un mieux vivre.

C’est dans ce contexte qu’est née l’idée d’une cité-jardin. Un modèle qui prend source dans différentes inspirations. D’abord, en puisant dans les écrits du docteur hygiéniste Benjamin Ward Richardson qui, en 1875, présente une ville idéale “Hygenia” tournée autour de la santé. Il y imagine un quartier avec des espaces verts, des maisons bien orientées et aérées, conçues en matériaux sains qui permettent la bonne santé des habitants. Il pense aussi à la construction d’hôpitaux et l’installation de cuisines et de salles de bain avec eau courante dans les logements. La montée des différents mouvements sociaux fait aussi émerger des idées nouvelles comme celles d’Edward Bellamy qui dessine une société égalitaire dans une uchronie en deux tomes. De son côté, le géographe libertaire russe Piotr Kropotkine propose une vision territoriale basée sur l’entraide et l’autosuffisance, rendant l’existence d’un État obsolète.

Riche de ces influences, Ebenezer Howard publie en 1898 “Tomorrow : a Peaceful Path of Real Reform” qui dessine un nouveau modèle urbain, celui de la “Garden City”, alias la cité-jardin, qui remporte un réel succès. Sans tarder, un an plus tard, la “Town and Country Planning association” fait naître l’ambition de concrétiser ce concept qui cherche à allier les avantages de la ville et de la campagne, décrit dans son principe des trois aimants comme l’idéal, et lance le projet de Letchworth.


Schéma des trois aimants : ville, campagne, ville-campagne

La cité-jardin vectrice d’urbanité ?

Développées en France, le succès des cités-jardins s’explique en partie pour l’attention portée aux détails dans la conception, en somme tout le contraire des grands ensembles, qui répondaient eux à des grands principes mathématiques consistant à loger les masses. Une minutie qui a donc contribué à faire des cités-jardins des éléments de patrimoine architectural riche et le socle d’une identité forte pour les habitants. La cité-jardin s’adapte à son territoire, devenant vernaculaire, et prend en compte l’environnement dans laquelle elle s’intègre. À la différence des bâtiments modernes monotones, reproductibles, détachés de leur contexte paysager et urbain, la cité-jardin s’ajuste, se dessine en finesse. Ce soucis du détail permet de donner un caractère unique à chaque opération, de lui construire une identité propre, de le personnaliser, ce qui facilite le développement d’un sentiment d’appartenance de la part des habitants.

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