Comment permettre à la démocratie d’intervenir au cœur de la fabrique urbaine ? Si l’implication des citoyens dans ce contexte ne semble pas systématique sur tous les territoires, elle est parfois, au contraire, une condition centrale pour garantir une certaine idée d’urbanité à l’échelle communale. C’est le cas en particulier à Kingersheim, en Alsace, qui se dessine ainsi comme une élève modèle de l’urbanité à la française. Située en banlieue proche de Mulhouse, dans le Haut-Rhin, la commune est devenue un emblème de la participation citoyenne. Longtemps peu urbanisée au profit de nombreux champs et gravières qui constellaient autrefois la commune, Kingersheim a connu un gain de population du simple au double entre les années 1960 et 1980. Aujourd’hui plutôt résidentielle, la commune de 13 400 habitants « est en pleine transition écologique et démocratique », commente Laurent Riche, maire de la ville depuis 2020.
Placer les citoyens au cœur de la décision
« L’idée est de placer le citoyen au cœur de la décision, mais aussi en amont », continue-t-il. L’élu entend en effet prolonger le travail déjà initié par le précédent maire, Jo Spiegel, dont il était d’ailleurs adjoint jusqu’à sa propre élection. La volonté était alors « d’associer les habitants à l’enrichissement de la délibération grâce à leur expertise d’usage », permettant ainsi de « les faire cheminer et grandir », intellectuellement et ensemble. Si la formule de co-construction et de délibération participative développée depuis presque 30 ans a légèrement évolué depuis ses premiers pas, « tout est parti d’une conviction », poursuit l’élu kingersheimois. « On ne voulait pas donner rendez-vous aux habitants uniquement tous les 6 ans [pour les élections municipales], même s’ils s’en étaient accommodés. On a donc décidé avec Jo Spiegel de sortir de ce format démocratique très descendant, depuis les élus vers les citoyens, et qui est encore très présent en France ».
C’est alors que depuis le milieu des années 1990, les pouvoirs publics ont progressivement expérimenté de s’extraire du cadre institutionnel pour aller questionner les citoyens directement sur le terrain, afin de « les interroger sur leurs espaces de vie, sur leur quartier, sur leurs projets dans la ville », précise Laurent Riche. En incorporant une méthodologie de plus en plus robuste ainsi qu’une ingénierie de la participation, l’ambition des élus est ainsi de toucher le plus grand nombre de participants possible. Pour cela, le maire de Kingersheim insiste sur l’importance de bien cadrer les réflexions qui seront menées dans les différents projets : « fixer un périmètre sur ce qui est débattu permet de structurer le travail des élus ainsi que des équipes administratives et techniques, sans perdre de temps sur les questions de fond ».
Une démarche qui s’étend à l’échelle de l’intercommunalité
Par son ampleur d’abord, mais aussi par sa durée, le premier projet emblématique de la démarche de co-construction développée à Kingersheim, aux yeux de l’élu, reste certainement la révision du Plan local d’urbanisme (PLU) qui a démarré en 2010, pour une durée de 6 ans. « C’est certainement le projet le plus riche en termes de vécu parce qu’il s’est passé beaucoup de choses et avec beaucoup de personnes différentes », poursuit le maire. Mais depuis 2019, le PLU s’est étendu à l’échelle de l’agglomération et n’est alors plus sous la seule houlette de Kingersheim. Devenu ainsi « intercommunal », le PLU s’inscrit pourtant dans une aire urbaine plutôt favorable à la co-construction. « On a convenu avec l’agglomération de Mulhouse que les communes pouvaient avoir leur mot à dire grâce à une charte qui nous permettait de continuer notre travail participatif », explique Laurent Riche. Ce genre d’accord a ensuite pu être juridiquement valide grâce à l’adoption de la loi Engagement et Proximité de décembre 2019, permettant alors aux kingersheimois de poursuivre leur engagement dans la construction de leur ville.
« Maire-animateur » versus « maire-bâtisseur »
La démarche de co-construction se fortifie donc depuis plusieurs années et la méthodologie appliquée se précise.
Pour lire la suite de l’article c’est ICI.