Pour ces portraits d’artistes « urbains » j’essaie de vous parler régulièrement d’artistes féminines car leur place dans ce milieu est pas toujours facile à gagner. Cette fois, je vais vous présenter Lady K, une jeune femme à l’énergie débordante et très communicative.
Je l’ai rencontrée par hasard, à l’occasion d’une action contre le harcèlement de rue au cours de laquelle plusieurs streetartistes avait réalisé une fresque dans le 13e arrondissement de Paris. Elle a tout de suite répondu à mes questions avec facilité. J’ai alors forcément pensé à elle pour un portrait. Elle a joué le jeu en répondant à quelques-unes de mes questions.
Elle a choisi son pseudo d’artiste après quelques hésitations. Avant elle a signé White (inspiré d’une lecture d’une interview de Futura 2000) ou encore CH20 (mélange d’eau et de méthane qui évoque la pollution atmosphérique). Lady K est un jeu de mot avec son prénom « l’idée de la littérature, des mathématique et une seule lettre qui marque la nécessité des signes de l’alphabet pour échanger des idées verbales et oral ».
Elle a choisi de s’exprimer par le biais de l’art urbain car c’est une forme d’art qui bouscule les repères et qui permet d’interagir avec un espace urbain dont nous ne choisissons pas les formes esthétiques. Pour elle, le graffiti est une dynamique très « libre et démocratique qui se heurte à la codification juridique ». Elle y voit une envie d’être reconnu et considéré comme un être humain pensant.Comme tous les jeunes elle a eu voulu transgresser les règles afin de bousculer des règles sociales qui semblent parfois être un carcan.
Elle est venu à l’art humain parce qu’elle se sentait différente des autres dans son groupe social, pas à sa place. L’univers scolaire ne lui ressemblait pas. Elle ne voulait ni faire partie d’une minorité studieuse, ni d’une majorité dissipée. Elle adorait la peinture moderne (Braque, Picasso ou Money étant ses préférés) alors tout naturellement, lorsque sa scolarité « lui a échappé » elle s’est tournée vers le dessin et la lecture.
L’espace urbain est un lieu de vie, de déplacements qui peut-être à la fois lieu de rencontres mais aussi de dangers. Elle a un rapport à lui très « classique » : elle y achète ce dont elle a besoin, y rencontre ses amis, habite une structure architecturale… Mais comme elle n’aime rien faire comme tout le monde, elle s’en sert aussi comme « réceptacle » de son expression artistique.
Ses oeuvres urbaines sont des tags, des gras ou des dessins qu’elle réalise avec de nombreuses armes (bombes, pinceaux, pigments…) sur de multiples supports (murs, tissus, trains ou encore corps humains). En général, ce qu’elle recherche c’est aller au delà des limites imposée par la société, démarche qu’elle exprime dans l’art.
A travers ça elle prouvait qu’elle prenait des risques. Ce qui est très important pour elle car elle pense que le graffiti est avant tout une prise de risques. Alors elle a commencé par les murs dans la rue, puis sur les trains car la prise de risque pour poser la peinture est très importante et « cette démarche démontre une capacité à pouvoir aller au delà des limites imposée par la société, et ce dans une intentionnalité positive ». Puis elle s’est aventuré dans les terrains vagues parce que là elle pouvait prendre son temps pour réaliser ses oeuvres. Mais elle privilégie quand même les supports non tolérés et visibles pour la prise de risques. Se sentir en danger lui permet un dépassement de soi et de ses peurs. Elle dit également que dans le milieu des graffeur il y a beaucoup de compétition (comme dans la société en général). Pour être la meilleure (et gagner la reconnaissance des autres) elle réalisait des oeuvres toujours plus grandes et dans certaines conditions de risque.
Dans sa pratique individuelle, ses oeuvres parlent d’une femme qui s’impose dans un milieu à majorité masculine et machiste. Malgré son son éducation féminine, elle commet les mêmes actes que les hommes, dans une même intentionnalité de liberté artistique, d’équité, de respect des capacités féminines. Elle demande ainsi à être reconnue comme digne du même respect que l’homme. Le pseudo « Lady » renvoie à la place de la femme dans une société bâtie par une majorité d’hommes et dans laquelle les femmes peuvent, depuis peu, avoir une place reconnue dans les univers scientifiques ou artistiques.
Elle définit ses oeuvres autour de trois sujets principaux : la recherche constante de lettres/formes ; son style calligraphique (calligraphie anglaise avec entrelacs) ; les blocks qui sont une révélation de l’extérieur et son influence sur elle. Elle y aborde des thèmes très divers et parfois contradictoires tels que la douceur et la violence, la couleur, l’absence, l’envie de présence.