L’arbre en ville est considéré depuis longtemps comme un bien commun, porteur d’une charge symbolique et sociale. Il est présent en milieu urbain dans les jardins, comme arbres d’alignement, dans les squares ou les parcs publics. Il représente la nature en ville et fait partie du patrimoine urbain. On attend de lui qu’il équilibre environnementalement l’artificialisation du milieu urbain tout en lui attribuant des fonctions récréatives et sociales. Ce rapport entre ville et végétal participe à l’ambiance urbaine. Le nombre d’arbres varie beaucoup d’une ville à l’autre, de 2 à 12 arbres par habitant. Malheureusement, ces statistiques sont souvent faussées par la présence de grands espaces verts (bois de Boulogne pour Paris, forêt de Soignes pour Bruxelles, …).
Les avantages de l’arbre sont multiples au niveau de la biodiversité. Il a un impact important sur le microclimat urbain. Par son ombrage et sa capacité d’évapotranspiration, il améliore les conditions de confort en été et limite les vitesses du vent en hiver. Par contre, en été, l’albédo des canopées combiné à l’évapotranspiration modifient les courants (plus ascendants au-dessus des taches boisées et végétalisées), contribuant ainsi à aérer et rafraîchir la ville. Cette ventilation peut lutter contre les pics de pollution. Par la photosynthèse, les arbres absorbent le gaz carbonique pour rejeter de l’oxygène. Les arbres améliorent la qualité de l’air en fixant les poussières et les particules fines (0,3 à 1 T/an/ha de poussières fixées, les feuillages duveteux fixent plus que les feuillages légers). Un écran végétal complet composé d’arbres et d’arbustes sur une largeur de 30 mètres réduit les nuisances sonores de 30 à 40%. Les alignements d’arbres agissent contre la réverbération des bruits sur les façades. L’arbre constitue également un habitat pour d’autres espèces animales et végétales et améliore ainsi la biodiversité.
DIFFICILE DE FAIRE MIEUX !
L’objectif de cet article est de répondre aux questions suivantes : Faut-il gérer l’arbre urbain pour les loisirs ou en dépit des loisirs ? Et avec quel référentiel de « bonnes pratiques » pour orienter et évaluer la gestion des forêts urbaines ? ; comment les urbanistes peuvent-ils mieux prendre en compte les conditions de plantation des arbres d’alignement ou ornementaux afin que ces derniers participent pleinement à l’amélioration de l’écosystème urbain, à lutter contre l’îlot de chaleur et le réchauffement climatique.
L’urbaniste est en effet, souvent confronté à des opinions diverses et à une multitude d’usages attribuées aux arbres parfois incompatibles.
Caroline Stefulesco, auteure du livre « L’urbanisme végétal », constate que planter la ville est un art, qui mérite attention, investissements et compétences. Selon elle, on plante mal, avec une vision à court terme. Faute d’une réflexion sur le long terme, 60 à 100 ans, certains arbres vivent un enfer en raison de mauvais traitements et du manque d’espaces.
L’arbre urbain vit dans un milieu souvent hostile avec une densité importante de constructions et d’infrastructures. Le milieu urbain est caractérisé par un ensemble de facteurs : la température y est plus élevée qu’à la campagne. La réverbération des façades peut entraîner des brûlures des feuilles. Les vents sont moins forts. La pollution de l’air est beaucoup plus importante. Et les nuisances lumineuses sont constantes. L’éclairage public tend à différer la chute des feuilles et diminue sa résistance aux froids précoces. Trop de poussières peuvent être un motif de dépérissement des arbres en rendant impossible la photosynthèse. Le monde urbain est avant tout minéral empêchant la propagation de nombreuses espèces. L’imperméabilisation des sols ne permet pas aux arbres de bénéficier de l’eau de pluie. L’ombre des constructions peut entraîner une diminution du système racinaire et donc de la croissance des arbres. En général, l’espérance de vie d’un arbre urbain est réduite d’un tiers par rapport à celle d’un arbre en milieu rural (Charles-Materne Gillig, L’arbre en milieu urbain, ed Infolio, Gollion, 2008).
- Quelles sont les conditions minimales pour que l’arbre puisse jouer son rôle de régulateur dans l’écosystème urbain?
Son espace vital : En théorie, l’espace vital de l’arbre est fonction de sa taille adulte. En pratique, on doit prévoir une cuvette non revêtue d’au moins 2,00m X 2,00m (voir croquis joint). La largeur entre l’axe de l’arbre et la façade la plus proche sera au moins le double du rayon de sa couronne adulte. Le sol doit être amendé et/ou remplacé par de la terre arable. Un drain peut s’avérer nécessaire pour éviter la stagnation d’eau qui est nuisible et peut entraîner sa mort. Les chaussées revêtues doivent être protégées par un voile vertical afin d’éviter leur gonflement par des racines. Ce sont des changements de comportement pour l’entretien des espaces verts qui permettent une plus grande biodiversité du sol et une meilleure croissance de l’arbre.
- Le sol : De la qualité du sol dépend la réussite de la plantation.
Le sol de l’arbre doit être perméable pour permettre l’infiltration de l’eau de pluie ou d’arrosage. La biodiversité du sol doit être préservée en laissant par exemple les feuilles mortes se décomposer au pied de l’arbre et contribuer ainsi à la formation d’une communauté animale fonctionnelle dans un sol vivant. Cette caractéristique est souvent incompatible avec un alignement d’arbres sur un trottoir, ou cela nécessite des changements de comportement : l’acceptation de végétaux sauvages et de feuilles mortes au pied des arbres.
- La temporalité : un arbre vit environ 100 ans.
Les oliviers peuvent vivre jusqu’à 2000 ans. Un chêne vit 500 ans. Un acacia cyanophila (mimosa) vit de 25 à 30 ans. Il se ressème naturellement au pied de l’arbre mort pour constituer rapidement une petite forêt. Seul un arbre adulte peut avoir un impact mesurable sur le micro-climat urbain. Les arbres sont plus efficaces quand ils sont regroupés constituant des forêts urbaines ou des couloirs biologiques, notamment pour la fixation des poussières et comme piège à carbone.
- Sa situation : Elle doit être réfléchie afin d’éviter les vents tourbillonnants et une quantité de poussières trop abondantes et nuisibles à la photosynthèse.
À ce sujet les arbres à feuilles persistantes ou les conifères sont particulièrement sensibles aux poussières. Il faut éloigner les arbres des effets de la réverbération des bâtiments vitrés qui peuvent entraîner des brûlures. L’ombrage des bâtiments trop haut entraîne une réduction de la photosynthèse. Il faut optimiser l’éclairage public surtout dans les parcs inaccessibles la nuit. Une bonne gestion nécessite d’élaborer un inventaire des arbres et de prévoir la taille en fonction des objectifs paysagers (taille en rideau, taille pyramide, taille en têtard)
De plus les urbanistes ne peuvent plus ne pas tenir compte de la fonction écologique de l’arbre pour la lutte contre le réchauffement climatique, la pollution de l’air et l’amélioration de la biodiversité. Actuellement, la forêt, y compris urbaine ou périurbaine doit être incluse (de même que l’arbre urbain) dans le marché du carbone apparu à la fin du xxe siècle, à la suite du protocole de Kyoto, parmi les solutions proposées par les économistes au problème du gaspillage d’énergie et de l’émission croissante de gaz à effet de serre.
- Sa fonction écologique : L’arbre est d’abord un être vivant.
A ce titre, il est un élément important de nombreux écosystèmes, en interaction durable avec de nombreuses espèces (champignons, plantes grimpantes, insectes, oiseaux, chauve-souris, micro-mammifères), à tous les âges de sa vie, y compris bien après sa mort. Arbre creux et bois mort sont nécessaires à la vie de nombreux champignons et invertébrés. L’arbre urbain peut faire partie de corridors biologiques, zones tampons ou gués écologiques. L’ONU, via la FAO et l’EFUF (European Forum on Urban Forestry), sous l’égide de l’IUFRO) encourage une foresterie urbaine, à (re)connecter avec les réseaux écologiques et autres réseaux verts.
- Un puits de carbone : Pourquoi l’arbre a un impact plus important que l’espace vert en général ?
Les plantes vertes absorbent le CO2 présent dans l’atmosphère par photosynthèse. Le carbone est stocké dans le feuillage, les tiges, les systèmes racinaires et, surtout, dans le tissu ligneux des tiges principales des arbres. En raison de la longue durée de vie de la plupart des arbres et de leurs dimensions relativement importantes, arbres et forêts sont de véritables réserves de carbone. Dans l’ensemble, les forêts emmagasinent de 20 à 100 fois plus de carbone par unité de surface que les terres cultivées ou les espaces jardinés. 1 Ha de forêt en zone tempérée peut stocker jusqu’à 50 T de CO2.
Quand les arbres meurent ou sont exploités, le carbone emmagasiné est libéré, dans l’atmosphère, en grande partie sous forme de CO2, mais aussi de CH4 ou d’autres GES. Le taux de libération du carbone peut être lent, par exemple lorsqu’un arbre meurt et subit pendant des années une dégradation et une décomposition dues aux champignons, aux insectes, aux bactéries et à d’autres organismes. Cependant une perturbation soudaine, comme l’abattage et le brûlage du bois, peut causer une libération rapide de volumes importants de GES dans l’atmosphère. À ce sujet, il faut savoir qu’une forêt mature et en bonne santé vit en équilibre : le CO2 libéré correspond au CO2 stocké. Par contre, une forêt en cours de croissance (entre 5 et 15 ans) présente un taux d’absorption positif.
Cependant, on considère que l’impact des arbres urbains sur le stockage de CO2 est modeste par rapport aux émissions des villes. Il faudrait renverser les tendances : verdir les villes et mettre en place des mesures importantes d’économies d’énergies fossiles en organisant une mobilité durable. À titre d’exemple, l’université du Kent a montré que, dans la ville de Leicester, la flore urbaine stocke 231. 521 tonnes de carbone (3,16 kg/m2 en moyenne). Les jardins privés en stockent plus que le milieu rural agricole voisin (environ 0,76 kg, soit un peu plus qu’une prairie anglaise (0,14 kg/m2). Ce sont surtout les grands arbres qui constituent le principal puits de carbone urbain (plus de 97 % de la quantité totale de carbone de la biomasse végétale totale urbaine), avec en moyenne 28,86 kg/m2 pour les espaces publics boisés (rares à Leicester où les espaces verts sont surtout engazonnés et pauvres en arbres ; si 10 % de ces gazons étaient plantés d’arbres le stockage de carbone de la ville augmenterait de 12 % font remarquer les chercheurs qui ajoutent que les estimations existantes au Royaume-Uni avaient sous estimé d’un ordre de grandeur l’importance de ce stock urbain de carbone). (Guy Deloeuvre, Arbre de vie)
- La dépollution de l’air : Grâce à son feuillage qui occupe une grande surface développée, les arbres et surtout les canopées agissent comme un filtre biologique.
Une diversité d’arbres et de feuillages sont les plus efficaces, ainsi que des arbres adultes avec une couronne complète et en bonne santé. « La quantité d’aménités produite est proportionnelle au volume des houppiers et à la surface foliaire de grandes canopées : des tailles architecturées, des élagages drastiques, réduisent sensiblement les aménités procurées par les grands arbres d’alignement urbains. »
En conclusion, l’arbre est indispensable à l’écosystème de la ville et à notre bien-être. Nombreux sont les récits attestant de l’émotion née de la perception des arbres dans la ville. Même si son rôle social et paysager est reconnu, il faut également lui permettre de jouer pleinement son rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique et contre l’effet de l’îlot de chaleur. Pour ce faire, il faut lui fournir des conditions minimales d’existence à l’instar de toutes les espèces vivantes pour faciliter sa croissance. De plus, il est nécessaire de planter davantage d’arbres dans les villes. En effet, les opportunités de plantation sont beaucoup plus importantes, en alignement des grandes voies, dans les espaces verts existants, sur les terrains en friche. Par ailleurs, il faut interdire tout abattage d’arbres afin de leur permettre de stocker suffisamment de CO2.
Pour aller plus loin :
- STEFULESCO Caroline, L’Urbanisme végétal, Edité par Institut pour le développement forestier, PARIS, 1993.
- GILLIG Charles-Materne, L’arbre en milieu urbain, ed Infolio, Gollion, 2008
- https://pour-une-ville-durable.blogspot.com
- https://blogs.grandlyon.com/developpementdurable/en-actions/dispositifs-partenariaux/charte-de-larbre/5-la-plantation-des-arbres/
- https://www.notre-planete.info/actualites/1983-Paris-nombre-arbres-benefices
- https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/foret-reduire-rechauffement-climatique-il-faudrait-planter-1000-milliards-arbres-75093/
- http://www.fao.org/3/v5240f/v5240f09.htm
- http://mapecology.ma/initiatives/chine-pekin-va-creer-foret-urbaine-chacun-de-16-arrondissements/
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