Il y a quelques semaines MG La Bomba m’a reçu dans son atelier pour répondre à quelques questions qui devaient m’aider à écrire ce portrait. J’ai découvert un artiste passionné d’une grande sensibilité et d’une grande générosité (je suis même repartie avec une petit cadeau…).
Par un beau samedi ensoleillé, je me suis rendue chez Emmaüs à Neuilly-Plaisance pour rencontrer MG La Bomba dans son atelier. Sans que je le sache, cette visite là-bas allait prendre un petit air de « dernier reportage » car quelques jours avant, les artistes ayant un atelier ici (entre autres Kashink et Gino Nigo) ont appris qu’ils avaient une dizaine de jours pour quitter les lieux ! Je vous laisse imaginer que l’humeur n’était pas forcément au beau fixe. MG La Bomba se retrouvait avec un déménagement à organiser et un nouvel atelier à trouver. Il m’a quand même consacré deux heures.
Les débuts sur les voies ferrées
MG, ce sont tout simplement ses initiales. Lorsqu’il a commencé à faire du graffiti et qu’il faisait partie du crew CTS à Meaux, dans le 77, il signait emgé. MG puis La Bomba sont arrivés plus tard, lorsqu’il a quitté le 77.
Comme on dit, « le dessin, il est tombé dedans tout petit ». Il a commencé à dessiner quand il était enfant, il n’a jamais arrêté de dessiner car pour lui ça a toujours été plus facile de dessiner que de parler. Il a réalisé son premier portrait (sa mère) à l’âge de 7 ans. Il a toujours eu envie de ça alors il a fait une école artistique. Mais comme il avait déjà un style bien à lui, il a eu pas mal de problèmes avec les profs et il était toujours hors sujet.
Dans le 93, il rencontre des gens qui faisaient du lettrage car ici tout est urbain et il y a des tags et des graffiti partout. C’est très différent de Meaux. Avec eux, il se met à la construction et à la 3D. Il passe des heures à faire des croquis pou trouver SON style. Seulement alors, il est allé dans la rue dessiner sur les murs.
Vers 15-16 ans, savoir dessiner ne lui suffit plus, il veut un truc en plus ! Il se met à chercher des lieux insolites, des murs difficiles d’accès sur lesquels il dessine des « grosses 3D » pendant des heures. Il peut peindre pendant 4 heures sans ressentir aucune fatigue. Pour lui, c’est un peu comme faire la fête toute la nuit avec des potes. Il a une bande de potes qui aiment dessiner. Leur kif c’est de voir quel serait celui qui ferait le meilleur lettrage. Une compétition bon enfant qui les pousse à se dépasser et à progresser.
Ensuite, il quitte Meaux pour aller vivre dans le 91. Il commence à travailler dans l’événementiel, avec des horaires un peu décalées. Il finit de bosser très tard dans la nuit. C’est ce moment là qu’il aime pour aller taguer sur les voies ferrées. Il faisait ça à la fois pour un plaisir personnel mais aussi pour se libérer de toutes les tensions du boulot et du quotidien.
La voie ferrée est un terrain de jeu énorme avec les murs, les blocs électriques, les palissades… Sa seule limite, les trains, car c’est prendre beaucoup de risques. Pour lui, le graffiti est un art, pas de la survie ! Il ne veut donc pas prendre de risques inutiles juste pour faire un tag.
Changement de cap
Il y a trois ans, il s’est fait arrêter. La justice a voulu faire de son cas un exemple et l’a condamné à une amende mais aussi, et surtout, à un an de prison avec sursis. Ca a été très difficile à vivre pour lui l’idée que son art pouvait avoir fait de lui un criminel avec un casier judiciaire. Et puis, il y a quand même un petite question d’ego. Dans le milieu du graffiti, le meilleur graffeur c’est celui qui ne se fait jamais arrêter.
Il décide donc d’arrêter de peindre sur les voies ferrées. C’est à ce moment là qu’il commence à venir sur Paris pour déposer sa Bomba un peu partout. Après avoir été un vandal de l’ombre pendant des années, il se montre un peu plus. Et, ironie des choses, c’est finalement son arrestation et l’amende qui vont donner une cote artistique (au mètre carré) à son travail !
Cette époque est aussi une grosse période de galère dans sa vie. Le graffiti devient son échappatoire. Peindre est la seule chose qui le soulage. L’aérosol devient une véritable thérapie.
Aujourd’hui il se pose beaucoup de questions sur ce qu’il doit montrer. Mais il ne veut pas se cacher car ça n’est pas dans sa personnalité mais il ne veut pas non plus se mettre sur le devant de la scène. Il a toujours été quelqu’un de franc. Alors quand il fait les choses c’est par intérêt mais par besoin. Impossible pour lui d’agir en cherchant à « faire le buzz » comme d’autres artistes. Il est incapable de faire des « calculs » pour qu’on parle de lui. C’est aussi pour ça qu’il choisit les galeries avec lesquelles il travaille. Il recherche des galeries où l’humain a sa place comme au Lavo//Matik ou à la galerie Jed Voras.
Le plaisir du collectif
Tout en conservant son activité d’artiste de rue, il est aujourd’hui également artiste peintre. Il a réduit le format de ses œuvres pour les faire entrer sur des toiles. Ou même parfois sur des objets bien plus petits. Mais il continue de travailler dans la rue sur des projets collectifs car il aime et a besoin de cette adrénaline. L’urgence crée une gestuelle qu’il ne peut pas avoir sur un mur autorisé ou sur une toile.
La rue c’est aussi l’occasion de travailler avec d’autres artistes. MG La Bomba aime les collaborations. Ca lui vient du milieu du graffiti. Les graffeurs se rassemblent en « crews » (collectifs d’artistes). Dans le graffiti, la collaboration va de soi et c’est d’ailleurs ce qui fait leur force.
C’est pourquoi ses œuvres débordent toujours du cadre imposé lors d’événements qui réunissent plusieurs artistes. Je me rappelle d’ailleurs de l’œuvre qu’il avait réalisé au Musée national de l’immigration (Migrations : 12 heures pour changer de regard). Il n’avait pu s’empêcher d’entrer dans les œuvres de Codex Urbanus et d’Artiste Ouvrier. Au départ tous les artistes ne voient pas ça d’un bon œil. Mais il le fait avec tellement de talent que ça semble aller de soi et tous finissent par accepter.
Il y a quelques mois il a réalisé une fresque dans le quartier Saint Blaise avec Gino Nigo et BZT22 sur un mur voué à la destruction. Cette collab a tellement plu aux habitants du quartier qu’ils ont monté un projet pour que les artistes reviennent peindre, mais cette fois officiellement. Il a également participé au projet La Belle Vitry’N. Un très beau projet auquel il a adoré participé pour l’ambiance des jours et des nuits passés dans cette maison avec d’autres artistes.
De l’ombre à la lumière
Dans sa technique, MG La Bomba prend son temps pour évoluer. Il pense que pour avancer dans le sens, il faut aller étape par étape. Il ne veut pas aller trop vite ou que les galeries lui imposent des choses. Il teste en permanence de nouvelles choses sans chercher plaire ou à répondre à une demande des galeries.
Il n’est pas un commercial mais un artiste donc il ne fait pas de l’art pour vendre. Chaque toile est pour lui un défi. Il a besoin de dégager ce qu’il a sur le cœur. Malgré la couleur de ses oeuvres il y a aussi une part sombre.
Si on regarde bien ses œuvres, on s’aperçoit très vite qu’à chaque fois on part du sombre, de l’ombre pour aller vers la lumière. Soit vers le haut, comme un couvercle qui se soulève, soit tout au bout du tunnel. On comprend alors pourquoi il parle de thérapie ou d’exutoire. La partie sombre parle de ses peurs, ses angoisses, sa tristesse, une vision un peu pessimiste du monde qui nous entoure. Mais il y a aussi, finalement, une part d’optimisme qui lui fait mettre de la couleur et de la lumière. Mais finalement est-ce que ça n’est pas un peu ça la vie ? Des moments sombres pour aller vers la lumière ?!
Je ne peux évoquer les œuvres de MG La Bomba sans parler de La Bomba. La Bomba est une petite bombe de peinture apparu il y a environ 12 ans. Elle était alors toute carrée et il s’en servait comme d’une soret de « logo ». Le côté vandal l’a faite évoluer. Il devait la peindre très vite. Du coup elle est devenue de plus en plus arrondie et ça lui a plu. Aujourd’hui, La Bomba est devenue une sorte de personnage. Dans ses tableaux il la met en situation ou la cache pour jouer avec le spectateur. Dans plusieurs tableaux, il crée même une sorte de « guéguerre » entre les lettrages et La Bomba. Est-ce une sorte de métaphore pour représenter les deux parts de ce qu’il est : graffeur et artiste peintre.