Récit publié originalement sur le blog Pensées de Manu

Je crois qu’une des choses que je préfère faire désormais c’est marcher dans une ville.

Sans plan, sans but, sans idée.

Tant pis si je rate des choses « qu’il faut absolument voir ».

J’en découvre d’autres qu’il faut absolument ne pas voir et qui sont parfois tout aussi intéressantes.

Regarder le sol, les immeubles, les gens, les magasins.

Se perdre dans les rues. Se glisser dans des cours.

Observer. Ecouter. Même si on ne comprend pas la langue, il y a toujours une musique qui te donne le rythme de ta ballade. Des odeurs bonnes ou mauvaises qui te rappellent où tu es précisément.

Des regards qui te surprennent, te touchent, te flinguent parfois directement sur une terrasse de café ou dans un musée.

Des couleurs de ciel particulières et propres à chaque cité qui se reflètent dans des immeubles, des canaux, des rivières

Alors, marcher. Frapper le sol de tes pieds, gauche droite, gauche droite, gauche droite jusqu’à l’épuisement presque la tétanie.

Jusqu’au moment où TU SENS l’énergie de la ville t’envahir lentement mais sûrement en passant par tes pieds et en remontant le long de tes articulations jusqu’à envahir ton cerveau.

Tu sens. Tu prends. Tu dégustes. Tu apprécies. Tu comprends.

Tu ouvres tes yeux, tes oreilles et le reste de tes sens et tu laisses faire ton instinct.

Marcher dans les villes, c’est comme marcher dans le désert finalement.

Au lieu du silence, le bruit. Au lieu du vide, les vibrations. Au lieu de la solitude, la foule.

Au final, les extrêmes se rejoignent et le résultat est le même.

Tu es le marcheur, tu es au centre et le monde tourne autour de toi.

Chaque ville a une énergie particulière, il suffit d’être un peu attentif pour la ressentir.

San Francisco glisse sous tes pieds comme un vague sous la planche d’un surfeur. New-York était intrigante et dangereuse jusqu’au vertige autrefois. Je ne suis pas certaine que ce soit encore le cas.

Miami est superficielle.

A Prague, sous une carte postale colorée, la douleur omniprésente.

Amsterdam est joyeuse et décomplexée.

Rio, électrique.

Lisbonne, bon enfant.

Istanbul, magnétique.

Athènes, crispante.

Bruxelles, mélancolique.

Londres ne donne rien, c’est une égoïste. Je préfère Edimbourg ou Dublin qui, elles, sont généreuses.

Dakar… En fait Dakar tu n’as pas très envie d’y marcher.

Rabat est grave et solennelle.

Stockholm est un bateau qui te donne des envies de navigations lointaines.

Entre autres.

Et puis il y a Paris. Paris est Paris.

Paris tout insupportable, sale, désagréable voire odieuse qu’elle soit. Paris est et restera mon jardin secret, ma prise de courant, ma batterie de secours.

Paris me donne tout et je lui rends bien.

Même si je suis infidèle, et que je vais maintenant souvent marcher ailleurs.

Paris me pardonne, de toutes manières.

Finalement Paris n’est pas jalouse.

C’est probablement sa meilleure définition.

Par Emmanuelle Centvingtquatre
Directrice Artistique des Pensées de Manu