En tant que photographe lié à l’espace urbain, à l’architecture contemporaine de nos villes et de leurs prolongements suburbains, travaillant également professionnellement pour des aménageurs, des promoteurs et des architectes, il m’arrive souvent de penser, au cours de mes pérégrinations, au caractère même de notre habitat. Culturellement marqué par la structure classique du village ou l’on pouvait retrouver autour de l’église lieux d’habitation et petits commerces, je m’interroge aujourd’hui sur le lien et le bon fonctionnement humain de cette nouvelle urbanité. C’est ainsi que j’ai pu constater dans ces nouveaux espaces de vie pavillonnaires pour riches acquéreurs un grand vide humain, un repliement sur soi et une certaine théâtralité dans le décor et les comportements.
Il en est des villes nouvelles comme des quartiers nouveaux, il semble que les techniques de construction modernes nous livrent clé en main nos nouveaux villages, nos maisons, villas, voies de circulation ou autres espaces de verdure. Notre lieu de vie nait brutalement, comme sorti directement de la planche à dessin des urbanistes et des architectes. Tout y semble tellement parfait ou presque !? Le lotissement est par essence un conglomérat, un espace clos dans lequel va s’exprimer un certain style de vie très individualiste. Le rêve prend forme, comme si finalement l’humain voulait détenir un pouvoir définitif sur les éléments de la nature et ses congénères.
Ce programme immobilier francilien, tout récemment sorti des terres céréalières de la Brie, est largement destiné à une clientèle aisée. Je l’ai découvert sous la lumière estivale, comme auréolé d’une « toute puissance divine » ! Chaque demeure est savamment positionnée, imbriquée par rapport à sa voisine, et présente pourtant ses propres particularismes. En fait, dans cette apparente uniformité, les éléments d’architecture vont former un puzzle ou chaque pièce prend sa place. Tout y semble comme dans un décor de théâtre, la mise en scène singulièrement réglée, le rideau se lève dans le silence sur des tableaux désertés, comme pour un « Modern Opera » !