On reste attachés aux pavés parisiens. La couleur de Paris vous colle à la peau.
La terrasse du café compose le fil d’heures nouvelles et à venir, les instants et les longues nuits, l’angoisse et les joies.
Elle s’impose comme disposition transitoire à la fin de journée, transpirant à travers le temps, s’étendant et allongeant les jambes sur le trottoir. Sous le soleil qui décline, les citadins goûtent à quelques instants de répit, rêves et mots se noient dans la Corona et le Martini. L’espace et le temps s’étirent, joyeuses heures de fin de labeur, et restent attachés à la terrasse comme les cigarettes aux lèvres des parisiens.
Je m’assieds, et range mon livre. L’expresso commandé sera mon titre de voyage.
Hommes et femmes défilent, hâtifs : les paysages se forment.
Il y a toi. Boucher du marché d’Aligre, et ta voix rauque, bouffée par la clope et la caféine. Le tablier taché de sang, et les cernes qui implorent le sommeil. Tu es là, à 18h, et ici, à 5h. Café-calva à la main, et regard au loin, par dessus la Méditerranée et les embruns. Tu es un poème à toi seul, et les rides qui se forment au coin de tes paupières évoquent les vallées profondes de ta Kabylie natale. Merci d’être là, merci d’amener tes vies à la ville.
Toi, Général. Ou Colonel, selon les jours et l’humeur. A toi et ton « Grand verre de whisky sans alcool », à tes jeux de mots d’un temps révolu. A tes récits qui animent le zinc et le café d’une lumière nouvelle. A tes yeux gris-bleus qui sondent les jeunes gens assis en terrasse. La jeunesse d’aujourd’hui te semble si lointaine. Tu poses ton petit fils en équilibre sur une table ronde, fait claquer ta langue et lance « Et une grenadine à l’eau pour le jeune homme, ma fille ! ».
Attendez un instant, patientez un moment, et regardez les personnages se former, se défaire, apparaître. La terrasse forme les vallons et les collines d’une géologie humaine.
Ce temple urbain goudronné qu’est la capitale abrite reliefs et massifs, que, corps et esprits, dépeignent inconsciemment.
Ecrit au 138