Longtemps mis à l’écart des décisions politiques de la métropole, les habitants explosent. Un sentiment d’ignorance face à des politiques prêtes à parler d’”île” pour désigner le territoire français qui partage l’une de nos frontières les plus longues avec un autre pays, le Brésil. Au total, ce sont environ 250.000 personnes qui se sentent oubliées par leur gouvernement.
Il y a maintenant un mois, ces habitants d’Outre-Mer se sont rassemblés à Cayenne, chef-lieu du DROM, pour faire entendre leurs revendications. Mais quelles étaient-elles vraiment ? Qu’a-t-on voulu faire entendre dans les quartiers guyanais et comment ?
Tour d’horizons des chiffres !
Pour comprendre rapidement la situation, nous avons besoin de quelques chiffres significatifs qui montrent bien les différences de traitement entre ce département et le reste de la métropole.
Il s’agit d’abord de la deuxième région la plus grande de France, composée essentiellement de forêts (98%). Les guyanais se concentrent donc essentiellement au nord, sur le littoral. Ces paramètres impliquent un manque de présence et de surveillance au niveau des frontières, ce qui engendre un flux important de migrations. En Guyane, 35% de la population est d’origine étrangère, contre 6,4% en métropole. Un hémorragie qui se justifie d’autant plus que notre Guyane est riche de réserve en or et d’une forêt aux nombreuses ressources.
Si ce chiffre est déjà inquiétant, il n’est pas la seule cause de la révolte. Ce territoire pourtant riche en ressources, situé entre terre et mer, n’est pas optimisé. Les producteurs locaux manquent faute d’investissements. De fait, les guyanais se voient contraints d’importer en masse pour vivre. Sur ces imports, une taxe s’applique. Cela induit un niveau de vie moyen plus élevé de 12% par rapport à la métropole. Ce chiffre s’élève à 45% pour les produits de première nécessité que sont les denrées alimentaires. L’écart se creuse d’autant plus quand on sait que le salaire moyen local est de 30% moins élevé qu’en métropole.
Un effet boule de neige se crée en lien avec ce manque d’investissements. Investir pour l’autonomie locale c’est aussi créer de la richesse et de l’emploi. Or, faute de développement, les guyanais importent et subissent le manque d’emplois. Le taux de chômage, de 22,3%, y est de fois plus élevé que la moyenne nationale.
Manque d’emplois, manque d’infrastructures, manque de denrées locales et hémorragie migratoire : le mix parfait pour faire imploser le taux de criminalité ! Là encore, les chiffres sont révoltants. Le taux d’homicide est 14 fois plus élevé qu’en France métropolitaine ! Le taux de criminalité est de 17,2 pour cent mille habitants, un indice comparable à ceux de pays comme le Tchad ou la Sierra Leone.
Alors qu’est-ce qu’on fait ?
Pour se faire entendre, les habitants de la ville de Cayenne, soit plus de la moitié des Guyanais ont entamé depuis plus d’un mois une révolution « participative », comme la nomme l’anthropologue Isabelle Hidair dans son entretien pour le journal Le Monde du 30 mars dernier. Alors, qu’est-ce à dire qu’une « révolution participative » et en quoi bouleverse t-elle les codes territoriaux et urbains des territoires ?
Le 28 mars à Cayenne a été organisée une grande marche qui a réuni plus de 10 00 personnes, avec comme mot d’ordre « Nou bon ké sa ! » (« On en a marre » en créole). L’objectif est de faire réagir les politiques. Bien que la population du département ait doublé en vingt ans, aucun investissement public n’a été réalisé en conséquence.
Résultat, les équipements publics et sanitaires manquent. Aussi, les structures quand elles fonctionnent encore tombent doucement mais surement en ruine. Comme l’explique cette voyageuse, en Guyane, quand on souffre d’un cancer, on va se faire soigner en Guadeloupe ou en Martinique faute d’infrastructures !
Dans leur revendication d’un droit à l’urbanité et au bien-vivre, les « 500 frères contre la délinquance » se sont organisés. Ces militants cagoulés et entièrement vêtus de noirs ont donné l’injonction aux habitants de la ville d’en faire une « ville morte ». Pour ce faire, ils ont lancé une vaste appel à la fermeture de tous les commerces. Des barrages ont également été mis en place pour bloquer l’ensemble du territoire. Dans cette situation sociale d’urgence, les guyanais espèrent se faire entendre.
Alors, que dire de cette révolution « participative » ? Au delà de tout jugement sur le fond nous nous interrogeons sur la forme de cette protestation. À nos yeux, elle l’est, « participative » car en dehors de la mobilisation sociale de grande ampleur, elle s’appuie sur et dans le territoire, celui là même qui est vécu comme abandonné, et c’est ce territoire urbain, fermé, cloisonné, silencieux qui en fait, participe de ce soulèvement.