L’évolution des routes commerciales maritimes
L’histoire des routes maritimes commerciales n’est pas neuve. Au cours des siècles, les marins se sont aventurés de plus en plus loin, découvrant des routes menant à des terres inconnues et donc de nouvelles richesses avec de nouvelles possibilités d’échanges commerciaux.
Au fil des siècles, elles ont été dessinées pour relier les zones de production aux lieux de consommation. Elles ont été sillonnées en fonction des points de passage obligatoires, des contraintes naturelles, des frontières politiques. Le but étant de faire circuler les marchandises dans les meilleures conditions de sécurité et de rapidité possible.
L’accroissement des échanges a marqué en profondeur la géographie maritime. Les routes, toujours plus fréquentées, se sont déplacées. Les ports et les canaux ont été obligés de repousser leurs limites naturelles pour s’adapter à la taille croissante des porte-conteneurs.
Les chemins qui se dessinent aujourd’hui sont structurés par les trois grands blocs que sont la Chine, l’Union européenne et les Etats-Unis. Les routes principales les plus empruntées sont en effet la route transpacifique, qui relie l’Asie à l’Amérique, celle de l’Asie à l’Europe de l’Est et dans une moindre mesure la route transatlantique Europe – Amérique, auxquelles s’ajoutent des routes moins fréquentées, reliant les autres pôles : l’Afrique, le Moyen Orient, l’Amérique du Sud.
En bleu, les principaux couloirs de navigation. ©Lvcvlvs via Wikimedia CC
Le commerce maritime et les territoires
Énergie, biens de consommation courants, produits alimentaires etc… Les territoires sont liés par de multiples chaînes de valeur aux quatre coins du monde. Ils sont plus que jamais dépendants du commerce maritime qui représente en 2015 plus de 80% du commerce mondial en volume.
Les routes maritimes sont ponctuées de lieux stratégiques, les canaux, les caps et les détroits, qui sont des points de rencontre incontournables, permettant des gains de temps sur les distances. L’accident du porte-conteneur au Canal de Suez met en exergue l’importance et la vulnérabilité de ces points de passage du commerce mondial, véritables goulots d’étranglement. L’organisation du commerce en flux tendus aggrave alors les conséquences d’un ralentissement temporaire mais brusque du commerce mondial.
Les « nœuds » principaux sont bien évidemment terrestres. Les villes portuaires, qui sont directement exposées aux mutations du commerce maritime, sont centrales. Les ports fluviaux jouent un rôle clé d’interface du littoral, assurant une synergie entre l’arrière-pays (« l’hinterland ») et les territoires situés au-delà des mers. Ces activités portuaires ont eu tendance à se déplacer vers les estuaires ainsi que sur des terre-pleins artificiels (c’est particulièrement le cas en Mer de Chine).
Dépassant son rôle traditionnel de support des flux, le transport maritime serait-il devenu un agent essentiel de l’organisation des territoires ? Les acteurs maritimes jouent un rôle clé, avec une emprise accrue sur les territoires via la circulation terrestre. Au cours de l’histoire, le port étend toujours davantage ses activités loin du site originel, souligne cet article de recherche. Les acteurs des territoires répondent de façon très inégale à un phénomène qui jusque-là n’avait pas une telle incidence sur leur aptitude à organiser l’espace. Autrefois petits ports de pêche, certaines villes portuaires sont devenues des montres d’échanges maritimes. Des organisations en réseaux, où l’activité industrielle reste la principale caractéristique de ces espaces urbains, qui privatisent souvent de larges surfaces des villes, et créent des rapports à l’eau particuliers.
Via Pxhere
La nouvelle route de la soie polaire
La catastrophe écologique, une aubaine pour le commerce maritime ? Avec le réchauffement climatique, la banquise fond dans l’océan Arctique, ouvrant la voie à de nouvelles routes plus viables pour l’activité humaine. L’an passé, Reuters indique qu’un nouveau record a été établi en Arctique : 62 transits ont eu lieu, contre 37 en 2019.
En particulier, la route du Nord est un passage qui ouvre les appétits de ceux qui voient s’ouvrir de nouvelles opportunités. Le gain de temps est stratégique. En effet, par rapport aux itinéraires existants passant par le canal de Suez, le canal de Panama ou autour du cap de Bonne-Espérance, la route maritime du Nord est un itinéraire plus court permettant de relier l’Asie du Nord-Est à l’Europe occidentale.
L’accident qui s’est produit au Canal de Suez ne pourrait-il pas accéléré les dynamiques en faveur de ces nouvelles voies commerciales maritimes ? Comme le relate l’agence de presse russe Interfax, les responsables russes sont nombreux à avoir profité du blocus au Canal de Suez pour promouvoir la route commerciale de la mer du Nord, ce couloir maritime arctique que Moscou désire tant développer. Si le passage est encore bien trop risqué aujourd’hui, pour que les porte-conteneurs s’y engagent, la situation devrait donc très vite se renverser.
Derrière cette nouvelle route maritime se pose la question des territoires qu’elle va traverser. Jusqu’à présentant très peu habités, de nouveaux espaces urbanisés vont devoir être créés sur ces territoires colonisés pour permettre les ravitaillements et la réparation des cargos naviguant dans les eaux froides de l’océan Arctique.
Les ambitions chinoises dévorantes
Peut-être faudra-t-il aussi compter avec un nouveau sillon qu’entend établir la Chine : avec l’initiative « La ceinture et la route » lancée en 2015 à l’initiative du Président Xi Jinping, celle-ci entend mettre en œuvre de nouvelles routes commerciales, reliant la Chine, l’Asie, l’Europe et l’Afrique. Avec ce projet de très grande envergure, la Chine souhaite redessiner les célèbres « routes de la Soie », mais aussi s’affirmer comme une nouvelle puissance maritime, décrypte le géographe Michel Foucher dans cet article de Sciences et Avenir. Selon lui, « aucun état dans le monde n’a aujourd’hui un projet d’une telle ampleur », selon ses propos rapportés dans l’article.
La croissance des grands hubs portuaires chinois témoigne de ces dynamiques en faveur de la puissance chinoise. La Chine redécouvre qu’elle peut être une puissance maritime. Des ambitions qui inquiète évidemment de plus en plus les Etats Unis : la Mer de Chine est devenue le théâtre de rudes affrontements géopolitiques.
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