Quelle évolution de la pratique du sport pour les femmes ?
Il est intéressant de rappeler quelques chiffres : pour les Jeux olympiques de 1900, on ne comptait que 22 femmes sur 1000 athlètes ; en 2016, 45% des athlètes étaient des femmes. La pratique du sport de haut niveau a donc considérablement augmenté. Mais il y a d’autres inégalités. Peu de femmes sont présentes dans les grandes instances sportives et on observe de grandes inégalités entre sportifs masculins et féminins. Il reste donc encore beaucoup de travail pour réduire ces inégalités.
Le premier vecteur des stéréotypes, c’est l’éducation et le choix des pratiques sportives et de loisirs dès le plus jeune âge. Bien rares sont les parents qui présentent sur un pied d’égalité le judo et la danse à leur garçon, ou le foot et la gymnastique à leur fille ! Il est plus que nécessaire qu’à tous niveaux (écoles, centres d’animation, offices municipaux des sports, associations et fédérations sportives), qu’une attention particulière soit portée à la lutte contre les stéréotypes.
En quoi selon vous le sport en ville peut être source d’empowerment ?
Pour les Jeux Olympiques de 2016 à Rio de Janeiro, avec le Comité olympique et en partenariat avec Women Win et Always, ONU Femmes a mis en place un programme nommé « One Win Leads to Another » (Une victoire en entraîne une autre). Il s’agissait d’inciter les adolescentes de milieux défavorisés à pratiquer le sport dans l’une des 16 villas olympiques participantes. Deux fois par semaine, des adolescentes de Rio ont été conviées à pratiquer le sport et prendre part à des ateliers sur le thème du genre. Le sport est utilisé comme un instrument pour réduire les inégalités entre les sexes et aider les jeunes filles à s’affirmer. Cela a eu un réel impact puisque : 89% des filles se considéraient comme des leaders, comparé à 46% avant la mise en œuvre du programme.
Le sport est un excellent moyen pour combattre la baisse d’estime de soi dont les jeunes filles souffrent arrivées à l’adolescence. Ce programme a été aussi l’occasion de parler d’autres sujets, de déconstruire les stéréotypes autour du sport, mais aussi du genre. Nous avons par exemple abordé la problématique des violences faites aux femmes. Suite au programme, 68% des filles ont une meilleure connaissance et compréhension de la violence fondée sur le sexe et 93% d’entre elles savent à qui s’adresser pour signaler la violence. Nous avons fait un véritable travail au Brésil. Aujourd’hui, le programme est présent dans 25 pays et compte plus de 217 000 filles et jeunes femmes participantes.
ONU Femmes a utilisé le sport comme un moyen d’autonomisation des femmes, afin de leur redonner confiance en leurs propres capacités et les encourager à davantage prendre d’initiatives. Le sport est un vecteur d’égalité pour les femmes !
En France aussi, on voit un décrochage de la pratique sportive chez les filles à l’adolescence. Et cela s’explique notamment parce qu’être dehors pour une fille, c’est perçu comme dangereux. C’est là où on peut lier la pratique sportive avec l’empowerment des filles : grâce au sport les femmes retrouvent confiance en elles. Il s’agit de pousser les filles à reprendre leur place dans l’espace public.
Vos actions sont ici non-mixtes. Pensez-vous que c’est bon un moyen pour obtenir plus d’égalité ?
Plus qu’une fin en soi, la problématique de la mixité et de la non-mixité est en réalité une question d’outil. Les expériences de non-mixité, comme par exemple la réservation des skateparks à l’usage des filles à Malmö, je trouve cela très intéressant. Cependant, ces actions doivent se faire avec un accompagnement. Il ne faut pas juste créer un espace non-mixte réservé aux filles ; il faut prendre le temps de créer un véritable projet pédagogique.
Il est nécessaire d’expliquer pourquoi on a besoin de passer par une non-mixité dans le cadre de ces activités. Faire comprendre que c’est pour après atteindre l’égalité. L’ambition est qu’une fois ces actions terminées, on puisse encourager la mixité, sans que cela ne soit un problème. La non-mixité n’est donc qu’un outil pour tendre vers plus de mixité et non une fin en soi.
Comment rendre les villes plus égalitaires ?
L’égalité dans le sport est strictement corrélée à la place des femmes dans l’espace public. On sait qu’en France, 75% du budget des villes est dépensé pour les hommes (city stade, skate park) car les femmes sont minoritaires parmi les utilisatrices de ces équipements. Il faut donc repenser le budget sous le prisme du genre pour atteindre une meilleure égalité et surtout équilibrer les dépenses.
C’est aussi à travers un premier travail de réappropriation de l’espace public par la pratique sportive en ville, qu’on arrivera à une égalité en milieu urbain. Parce que finalement, travailler sur les aménagements n’est pas suffisant. Il faut aussi agir sur l’occupation de l’espace public par les femmes via la pratique sportive. On renforce ainsi l’estime des femmes en elles-mêmes, on les encourage à prendre cet espace qui est aussi le leur ! C’est comme cela qu’on travaillera à l’émergence de villes plus égalitaires, plus inclusives pour les femmes.