Paradoxalement, nous vivons à l’époque de la ville qui ne dort pas et où tout doit être accessible à n’importe quelle heure, de jour comme de nuit. Ces exigences nous amènent à vivre en majorité dans des espaces urbains de plus en plus saturés par des pollutions sonores et lumineuses diverses afin que la ville fonctionne en flux continu, ce qui perturbe nos manières de dormir. Face à ce constat d’un sommeil dégradé, certains projets architecturaux, urbanistiques, voire culturels essaient de minimiser les désagréments provoqués par nos modes de vie citadins. Nous inventons des formes de repos qui investissent l’espace public de manière novatrice et surprenante. Cependant, si ces projets existent, ils ne sont pas légion et certains de nos efforts tendent à faire disparaître le sommeil de l’espace public par une série d’aménagements hostiles.

La manière que nous avons d’accepter ou de refuser le sommeil en ville découle de la manière dont nous façonnons l’urbanité et révèle surtout pour qui nous la favorisons. S’il résulte de choix, le sommeil urbain peut devenir le vecteur de nouvelles solidarités et proposer un nouveau tissu social inattendu.

Un sommeil urbain perturbé

De plus en plus confrontés aux pollutions sonores et lumineuses, nous cherchons et devons trouver des compromis pour protéger nos instants de repos nocturnes ; c’est par exemple le cas de l’association Les Pierrots de la Nuit qui en a fait son cheval de bataille. Les Pierrots, engagés par la Mairie de Paris forment une sorte de brigade artistique anti-bruit qui propose des mini-spectacles aux riverains. Ils sortent dans les bars afin que ces derniers baissent d’un ton les discussions qu’ils entretiennent dans l’espace public. Sans être répressifs mais seulement préventifs, Les Pierrots sont généralement bien reçus, si bien que ces « sonologues » réussissent à apaiser des problèmes de voisinages ancrés parfois depuis de nombreuses années dans les quotidiens de quartier.

sommeil en ville

Si la pollution sonore peut être provoquée par des individus isolés, elle peut aussi -et surtout- être la résultante d’infrastructures urbaines lourdes. La ville de Bruxelles en sait quelque chose et en fait les frais avec son aéroport. Pour des raisons politiques et économiques, les couloirs aériens survolent la capitale belge à très basse altitude. Le plan Wathelet, mis en place depuis le 6 février 2014 accentue encore ces nuisances sonores avec des passages intempestifs d’avions au-dessus de zones urbaines très denses, ayant des conséquences très lourdes sur le sommeil des habitants bruxellois. C’en est trop pour une partie des riverains qui se sont mobilisés autour du mot d’ordre « Pas question » ! Le fondateur de ce mouvement, Antoine Wilhemi a réussi à fédérer très rapidement autour de lui en recueillant près de 20 000 signatures en quelques jours pour une pétition contre le projet. Cette pétition s’accompagne d’une levée de fonds importante qui prouve que le sommeil peut s’acheter, ou au moins que son maintien sera permis, sur ce point précis, par un bras de fer financier, ce qui interpelle sur l’égalité de l’accès au bien-dormir pour tous.

Le rapport de force entre sommeil et ville éveillée est donc difficile à ménager et le repos semble se détériorer dans nos modes de vies urbains. Pour pallier cet écueil, nous inventons de nouvelles formes de sommeil innovantes qui se jouent des codes traditionnels.

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