Je ne saurais pas vraiment définir à quel moment j’ai commencé à m’intéresser aux lieux et à ce qu’ils représentent pour chacun de nous. Mais je crois pouvoir dire que cet attrait remonte à bien loin dans ma jeunesse. Depuis, j’ai toujours été sensible à la puissance intrinsèque de chaque lieu, au-delà de leur seul aspect physique, parfois repoussant, ou au contraire, exaltant. 

Chaque lieu porte en lui une mémoire, celle des femmes et des hommes qui l’ont traversé, qui s’y sont reposés, qui s’y sont installés, qui se l’ont approprié, et qui y ont, au final, laissé un peu d’eux-mêmes. C’est bien cette puissance qui m’intrigue à chaque fois que je découvre un nouveau lieu, que je découvre un nouveau terrain d’expérimentation urbaine : Qu’est ce qui a bien pu se passer ici-même ? Dans quel contexte ce bâtiment a-t-il été construit ? Quelle en était la fonction ? Quels sont les hommes et les femmes qui sont passés par ici ? Qu’est ce qu’ils y faisaient ? Comment vivaient-ils à leur époque ? Et que sont-ils devenus ? 

Les lieux portent en eux la mémoire de celles et ceux qui les ont traversés. Les lieux sont vivants. Et dans un mouvement inverse, ils nous constituent tout autant qu’on les construit. Ils sont une part même de notre identité, ils sont en nous. Parfois, parce qu’on y a vécu, ou parfois seulement parce que l’on nous en a beaucoup parlé. Ils sont une part évidente de notre mémoire.

A l’heure où se pose la question de l’apaisement des mémoires de la guerre d’Algérie et de la colonisation, ici-même en France et dans une construction partagée avec l’Algérie, les lieux doivent prendre toute leur part dans la politique mémorielle qui doit être construite. 

Et pour apaiser les mémoires et contribuer à la construction d’un futur partagé pour les nouvelles générations, je crois que la mémoire doit avant tout être vivante. La faire exister sur l’espace public ne suffira pas, il s’agit surtout de lui permettre d’être appropriée par les nouvelles générations. 

Et à l’image de la révolution démocratique que vit actuellement la fabrique de la ville, les lieux de mémoire qui seront construits demain pour faire de la pédagogie sur cette histoire qui constitue une part majeure de l’histoire française, il est plus que nécessaire d’associer la jeunesse à la construction de ces lieux.