Qu’est ce que l’Observatoire de l’Immobilier Durable ?

C’est une association qui s’est constituée il y a déjà quelques années. Elle rassemble aujourd’hui une cinquantaine d’acteurs de l’immobilier, privés et publics, autour des questions de développement durable. Notre mission principale, c’est de promouvoir cet enjeu au sein du marché immobilier. En général, nous travaillons avec des acteurs de l’immobilier professionnel, mais pas que, puisque nous collaborons de plus en plus avec des collectivités.

Concernant les différentes thématiques sur lesquelles nous travaillons, historiquement, nous publions chaque année un baromètre de la performance énergétique, qui est une étude annuelle dans laquelle sont détaillés les résultats de différents indicateurs de la consommation énergétique réelle des bâtiments tertiaires.

Un sujet essentiel car les dispositifs réglementaires peuvent créer de la désinformation sur le sujet, puisque la performance des bâtiments s’appuie sur des calculs théoriques. Il s’agit d’estimations de consommations, or dans la réalité, dans la phase exploitation, les résultats peuvent être différents en fonction notamment des usages. Parce qu’au delà d’obtenir des certifications et des labels, il s’agit surtout d’atteindre de réels résultats avec une réduction de nos consommations réelles. C’est à cela que répond notre baromètre de la performance énergétique.

En 2018, nous sommes allés plus loin, en mettant au point un baromètre de l’immobilier responsable, qui est une extension de ce premier baromètre de la performance énergétique. Il met en évidence trois critères complémentaires : l’Environnement, le Social et la Gouvernance (ESG). C’est le triptyque dont on parle pour les politiques de RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Pour l’environnement à titre d’exemple, les critères peuvent être l’énergie, mais aussi l’adaptation au changement climatique, la biodiversité, les ressources, les déchets, l’eau, la mobilité. Pour l’aspect sociétal, il s’agit de l’impact social positif que peut avoir le bâtiment à l’échelle territoriale, avec par exemple la part de construction de logements sociaux, ou des mesures pour la santé, la sécurité des occupants, le confort et le bien-être.

Il y a ainsi un certain nombre de critères définis, avec un total de 18 indicateurs qui ne sortent pas de nulle part, puisque nous avons mis en place, d’une part, un comité d’experts regroupant des experts de l’Investissement Socialement Responsable français, et d’autre part, nous avons également réalisé une étude de marché sur quels étaient les critères ESG (environnement, social, gouvernance) prépondérant pour le secteur de l’immobilier. En réalisant en parallèle ces deux actions, nous avons convergé vers 18 critères absolus qui nous permettront d’analyser et observer les choix des acteurs de l’immobilier professionnel en France.

Pourquoi ce baromètre de l’immobilier responsable ?

Nous sommes aujourd’hui dans un contexte particulier. En effet, il y a un certain nombre d’acteurs qui sont en train de réfléchir au label ISR Investissement Socialement Responsable immobilier qui permettra à ce qu’il y ait des fonds labellisés ISR selon un certain nombre de critères de responsabilité. De même, la réglementation a changé en terme de transparence financière pour les sociétés qui sont cotées. Et depuis la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015, les investisseurs ont des obligations de transparence annuelles sur les risques ESG et le climat. De plus, au niveau européen, ils ont défini un plan d’actions pour promouvoir la finance durable ou responsable, qui a pour objectif d’orienter les investissements vers des actifs immobiliers vertueux.

Qu’est-ce que vous notez comme évolution de l’immobilier par rapport à ces questions ?

Il y a un enjeu fort autour du niveau de maturité du secteur, mais aussi de chacun. Appréhender toute la complexité du développement durable se fait dans un temps long. Or, nous nous se confrontons à l’urgence climatique puisque ses impacts apparaissent déjà.

La plupart des acteurs commencent à avoir des stratégies structurées sur l’énergie. Tous les sujets qui portent sur l’énergie ont maturé avec des mesures, l’intégration systématique d’objectifs énergétiques dans les programmes, l’appel à des bureaux d’études dans les équipes de projets et l’intégration d’annexes environnementales de façon volontaire, même pour des petites surfaces. Les résultats apparaissent peu à peu.

Quelques sociétés sont en bonne voie car elles ont déjà atteints les objectifs fixés, mais nous sommes en train d’évoquer seulement quelques acteurs professionnels de l’immobilier. Se pose alors la question de tous les autres. Le sujet n’est pas de savoir qui a la médaille ou non. Le véritable enjeu, ce sont les résultats réels. Or, ceux-ci ne sont malheureusement pas aujourd’hui à la hauteur du problème et de ses enjeux.

Je ne suis pas défaitiste en le disant, mais je pense qu’il y a aussi nécessaire d’avoir une prise de conscience de tout à chacun. Beaucoup de personnes ont encore une croyance forte en une résolution technique et politique des questions de développement durable. Certes, cela fait parti de l’équation, mais une donnée importante manque et c’est l’individu lui-même. Or aujourd’hui, en laissant penser que la résolution ne peut être que technique, avec notamment ce que sous entend le nom de la loi de « rénovation » énergétique, on ne permet pas à chacun de se responsabiliser. Il ne s’agit pas seulement de trier ses déchets, il faudrait entièrement changer nos modes de vie. Il y a un coût du changement que chacun doit faire individuellement.

Cependant persiste une vraie question d’acceptabilité sociale du développement durable. Par exemple, il s’agirait d’accepter de mettre moins de chauffage, changer son alimentation pour limiter sa consommation de viande, etc. Sans cela, et c’est mon sentiment, nous n’irons pas suffisamment vite pour atteindre les objectifs.

Quel est le rôle des propriétaires immobiliers ? Où s’arrête la responsabilité et comment trouver les outils ?

Son rôle s’est de faire en sorte qu’il intègre systématiquement la question énergétique dans la construction d’un bâtiment, c’est d’essayer d’embarquer ses résidents dans une démarche de réduction de consommation énergétique, et également d’être attentif à ce que son parc immobilier soit le moins énergivore en matériaux.

Après, le propriétaire va avoir aussi un impact indirect, car c’est un acheteur en ayant recours à tout un ensemble de prestations. Il a donc un impact sociétal énorme car il est en haut de la chaîne de valeur, ce qui lui confère un important rôle à jouer par le choix de ses achats. Il a le pouvoir d’entrainer l’ensemble de ses prestataires à faire mieux, en utilisant des matériaux peu émissifs, peu polluants, en promouvant des sociétés locales. Si l’on parle du bâtiment, c’est complexe, mais il doit mettre tout en œuvre pour qu’en terme de mobilité par exemple. Ainsi, il ne s’agit pas seulement d’atteindre un certain label. C’est beaucoup plus profond que cela.

A titre d’exemple, pour les achats responsables, avec ADP, ICADE et GECINA, nous avons un groupe de travail qui vise à publier un outil qui donne par catégorie de métiers, les critères les plus importants à prendre en compte. Parce que ces acteurs ont depuis plusieurs années mis en place des démarches et ils s’aperçoivent qu’il s’agit d’aller désormais plus loin que les chartes généralistes en s’intéressant à chaque métier. L’enjeu c’est d’avoir un ruissellement des obligations et des critères, afin que ceux-ci se déclinent chez l’ensemble des acteurs.

Quelle est alors la place des bureaux d’études techniques ?

C’est de résoudre techniquement les nouveaux défis qu’implique le développement durable pour la construction. Après, il existe bien sûr différents types de bureaux d’études, et d’ailleurs certains vont défricher en amont les problématiques de bases de données, de périmètre, etc. Ces derniers sont un peu à l’avant-garde pour trouver des solutions afin d’atteindre les objectifs demandés.

Leur rôle sera aussi de craquer le système, par exemple en étant innovant dans la manière de faire un bâtiment, dans l’objectif de répondre à des problématiques. Mais l’inertie du marché est encore très forte. En effet, les innovations ne sont pas toujours directement applicables, avec des matériaux qui demandent à être certifiés, des techniques de construction alternatives qui ne répondent pas aux normes actuelles. L’enjeu est donc de taille pour changer le secteur de manière interdépendante, entre les aménageurs, les législateurs, les labellisateurs, les industriels et les ingénieurs.

Qu’espérez-vous pour l’immobilier de demain ?

J’espère que l’on pourra continuer de s’exprimer sur que l’on peut observer, pour faire passer le bon message et pointer du doigt là où sont les vrais enjeux. Comme ce que j’ai pu faire ce matin à la conférence « Vers un patrimoine immobilier décarboné » organisée ce matin au SIMI et comme nous tentons de le faire aussi avec le baromètre de la performance énergétique depuis six ans maintenant.

Pour en savoir plus sur l’action de l’Observatoire de l’immobilier responsable, rendez-vous sur leur site internet ici. Vous trouverez le Baromètre de l’immobilier responsable ici.