Alors qu’on estime à 1% la part de la population atteinte d’autisme, cet handicap semble être le grand oublié dans la réflexion d’aménagement des villes. Même si l’on peut noter depuis quelques années de réels efforts d’inclusion des personnes handicapées dans les projets urbains, la méconnaissance de l’autisme et les différentes formes qu’il prend, contribuent à rendre les espaces de la ville encore inadaptés aux personnes porteuses de ce handicap puisque ces derniers n’intègrent pas un réflexion sur le sujet lors de leur conception. L’hypersensibilité sensorielle des autistes les oblige donc à éviter l’effervescence de la ville : le bruit, la chaleur, la luminosité et les odeurs étant de véritables sources d’anxiétés pour ces derniers.



Le label Autism Friendly cherche donc à référencer et rendre visibles les lieux et initiatives qui prennent en compte les caractéristiques des ressentis des personnes atteintes d’autisme. Ces “zones de retrait sensoriel” leur offrent un cadre paisible et leur permettent alors d’y pratiquer des activités en évitant toutes sources de stress. De nombreuses actions sont menées à travers le monde pour faciliter la vie des autistes et des familles.



D’ailleurs, en voici un petit aperçu :



Transport


Depuis 2011, l’association The Arc développe aux Etats-Unis un programme Wings for Autism qui donne la possibilité aux enfants atteints d’autisme de découvrir 44 aéroports volontaires, afin de préparer leurs voyages dans ces lieux souvent très stressants. Ainsi, les enfants sont accompagnés tout au long des procédures de contrôle de sécurité jusqu’à l’embarquement, afin qu’ils puissent mieux se familiariser avec l’ambiance sonore et le stress que cela peut engendrer. Ils sont ainsi accompagnés jusqu’à dans l’avion, où ils s’assoient et écoutent les consignes de sécurité, jusqu’à ce que les moteurs s’allument. Bien sûr, il s’agit d’une première approche, l’avion ne décolle pas, mais cette procédure très complète permet à l’enfant et aux familles de préparer au mieux les prochaines vacances.



Commerce


La fréquentation des centres-commerciaux et des supermarchés est souvent extrêmement compliquée pour les personnes atteintes d’autisme. C’est pour cela que certaines enseignes ont mises en place une Quiet hour (heure silencieuse) qui leur donne la possibilité de faire leurs courses de manière plus sereine. Ainsi, la marque Tesco, pendant une heure et chaque semaine, éteint la musique de ses magasins, arrête le fonctionnement des escalators et des téléviseurs, pour créer une ambiance plus apaisante à leur destination. Les rayons sont désertés par le personnel pour diminuer le dérangement, les lumières sont tamisées et des personnes aident en caisse pour faciliter l’emballage des courses. La Quiet hour est également l’occasion de sensibiliser le public à l’autisme avec des panneaux explicatifs des bons comportements à adopter. Un moyen de faire aussi connaître leur hypersensibilité.



Les centres commerciaux Oxford Properties, aux Etats-Unis, lors des périodes de fête de fin d’année ont également imaginé des créneaux horaires spécifiques pour que les enfants porteurs d’autisme puissent rencontrer le Père noël en toute tranquillité. Ainsi, un espace de calme leur est dédié pour faciliter l’attente lors de la cohue générale souvent spécifique à ces lieux et à ce type d’attraction en particulier.



Loisirs


En avril 2018, le premier parc d’attraction Autism Friendly a ouvert ses portes à Langhorne en Pennsylvanie : des pièces silencieuses ont été créées afin de proposer des lieux de pause pour les familles, un guide sensoriel a également été développé qui permet ainsi une expérience adaptée du lieu. De plus, des casques anti-bruits sont mis à disposition dans le but d’améliorer le confort des personnes.



Culture


Bien que la majorité des initiatives proviennent de l’étranger, en France, quelques associations portent des projets ambitieux qui offrent un accès adapté à la culture aux personnes autistes et plus généralement handicapées.


Ciné-ma différence met ainsi en place, depuis 2005, un réseau de salles de cinéma proposant des séances ouvertes à tous. Des bénévoles accueillent les familles à l’entrée des cinémas pour les accompagner jusqu’à la salle, permettant entre autre de diminuer les difficultés liées à l’attente aux caisses. Pour ne pas créer d’anxiété, la luminosité dans la salle est diminuée très progressivement et le son y est modéré. Pendant la séance, chacun est libre d’exprimer ses émotions et de se déplacer dans la salle. Depuis sa création, ce sont en tout 63 salles qui ont rejoint le réseau. 2 226 séances ont été organisées, pour le plus grand bonheur des personnes handicapées mais également des familles, souvent gênées par le regard des autres lors des séances grand public.



Education


L’accès à l’éducation, notamment supérieure, est, malheureusement encore de nos jours, très difficile pour les personnes atteintes d’autisme. Les amphithéâtres trop bruyants, les travaux en groupe, sont alors des facteurs excluants, ce qui explique la difficulté d’inclusion des autistes dans les facultés.  En 2018, selon une étude réalisée par l’université de Toulouse, alors qu’1% de la population est atteinte d’autisme, sur l’ensemble des étudiants inscrits à l’université en France, un total de 5 000 étudiants sont déclarés atteints du syndrome d’Aspeger (forme d’autisme) soit 0,3%. Un nombre qui reste conséquent, mais faible comparé à la part de la population atteinte.. C’est pour cela que l’université fédérale de Toulouse, regroupant une vingtaine d’établissements, a décidé de mettre en place un nouveau programme nommé Aspie Friendly. Développé sur 10 ans, celui-ci vise à repenser les dispositifs d’accueil de ces étudiants dans les facultés. Il a pour ambition de proposer des parcours individualisés pour chaque étudiant afin de construire un projet de transition vers l’enseignement supérieur grâce à des outils pédagogiques adaptés et ainsi de mieux préparer leur insertion sociale et professionnelle.



Il est évident qu’une meilleure connaissance de l’autisme pourrait sans doute engendrer de nouvelles initiatives améliorant l’inclusion des personnes atteintes dans notre société. Les exemples développés montrent qu’il existe déjà des pays qui ont pleinement pris conscience des enjeux liés à l’insertion des personnes handicapées dans les villes et qui agissent avec des mesures finalement simples à mettre en oeuvre. La devise française “Liberté, égalité, solidarité” a encore un bon bout de chemin à faire… À nous de faire que ces initiatives soient automatiquement appliquées dans les projets urbains, dans la pratique urbaine et ses lieux en général, pour créer une ville accessible pour tous.



Illustration de couverture – Unsplash