Qui n’a pas déjà entendu parler des wagons réservés aux femmes dans certains pays ? La non-mixité est aujourd’hui employée dans une pluralité de contextes. Pour les acteurs qui la mettent en place, il s’agit « de garantir un environnement sécurisé pour les femmes ». À défaut, et suite au constat que les femmes ne s’approprient pas certaines pratiques notamment sportives, des acteurs et actrices réagissent en proposant une solution : la non-mixité.



C’est le cas de Byke collective à Baltimore (Etats-Unis). L’association a mis en place il y a deux ans un programme d’ateliers de réparation de vélos. Seulement, les femmes se faisaient rares, et quand elles s’y rendaient, elles ne restaient pas, bien trop mal à l’aise dans ces séances majoritairement fréquentées par des hommes. Tout récemment, le collectif a alors organisé des sessions réservées aux femmes. Il s’agissait pour eux que les jeunes femmes « puissent profiter pleinement de ce moment ». Toujours selon les organisateurs, « les filles se sentent désormais plus sereines et investissent davantage l’espace ». “Quand les garçons sont là, c’est plus bruyant, ils occupent tout l’espace. Alors que quand on est entre filles, c’est calme et on est moins nombreuses”, raconte l’une des participantes. L’usage du vélo est un véritable vecteur d’émancipation qui permet aux femmes de sortir davantage.

En Suède, à Malmö, c’est un skatepark qui est réservé aux femmes deux journées par semaine. L’objectif des concepteurs du skatepark est de permettre aux jeunes femmes “d’investir ce sport presque exclusivement masculin, en les invitant à s’entraîner dans un espace de confiance non-mixte”. “C’est l’opportunité de s’entraîner sans avoir peur d’utiliser tout le skatepark. Le skate c’est plus pour les garçons, j’ai jamais vu de femmes sur un skate. Je trouve le principe de réserver une journée aux femmes génial, car c’est intimidant de faire du skate avec que des garçons autour”, explique une des utilisatrices. Aujourd’hui, selon les organisateurs, “les filles entraînées ont pris confiance et vont aussi pratiquer le skate les jours où le skatepark ne leur est pas réservé“.



Pour les partisans de cette vision, la non-mixité sert alors à créer des espaces sécurisants, tout en restant temporaires, qui permettent de travailler sur l’autonomisation des filles et des femmes. Comme facteur de réussite commun aux démarches évoquées : l’accompagnement du projet par un véritable programme pédagogique facilitant l’appropriation de la démarche, mais aussi favorisant une meilleure compréhension des genres. L’idée de cette forme d’urbanisme temporaire non mixte est selon ses concepteurs, de permettre aux jeunes filles de gagner en confiance, de monter en compétences et de les aider à s’affirmer.

Dans cette logique, la ville d’Umeå, également en Suède, a fait le constat que les enceintes sportives étaient utilisées dans 70% des cas par des hommes. En 2000, la ville a donc décidé que les heures d’entraînement de football devaient être divisées de manière plus égale entre les équipes de femmes et d’hommes. Les équipes masculines n’ont plus eu nécessairement la priorité pour choisir les meilleures heures d’entraînement. Umeå fut la première municipalité de Suède à prendre ce genre de décision sur la manière de diviser les heures d’entraînement entre les genres.

Cette décision a suscité beaucoup de réactions et certain·e·s citoyen·ne·s ont soutenu que la situation était injuste, étant donné qu’il y avait moins de femmes qui jouaient au football. Néanmoins, avec la dénonciation des inégalités beaucoup de citoyen·ne·s ont pris conscience de cette problématique et l’intérêt pour le football féminin a grandi. Peut-on aujourd’hui dire que la la non-mixité joue un rôle de sensibilisation et ouvre le débat sur l’appropriation des pratiques des femmes et des hommes ? Le débat est posé. Aujourd’hui, il y a presque autant de filles que de garçons qui jouent au football dans la ville d’Umeå.



En Chine, ce sont les femmes elles-mêmes qui ont créé des espaces de quasi non-mixité en sortant dans le rue en groupe pour danser ou faire du Tai-chi-chuan. Développés partout dans le pays, ces groupes de femmes se réunissent très régulièrement sur l’espace public et favorisent la pratique d’un sport dans la rue. Selon elles, il s’agit de récréer un climat de confiance et de sécurité par leur grand nombre. On se pose donc la question : Cette occupation plus importante des femmes en ville permet-elle de constituer des villes plus sûres ?

Ces expériences de non-mixité temporaires posent donc de nombreuses questions. Elles apportent différentes possibilités pour les femmes et pour leurs partisans, ce sont « des outils nécessaires pour amorcer l’émancipation des femmes, leur réappropriation de l’espace encore occupé majoritairement par les hommes, mais aussi les aider à s’affirmer ». La non-mixité pourrait donc selon ses partisans, « être le point de départ d’une prise de confiance et d’une sensibilisation quant à la pratique sportive des femmes dans l’espace public ». Elle ne serait donc en aucun cas une finalité, mais « plutôt un moyen par lequel les femmes peuvent (re)trouver une place et (re)créer ainsi davantage de partage et de mixité en ville ». En résumé, les défenseurs d’une telle vision disent que « c’est un coup de pouce temporaire qui peut donner aux femmes les clés du droit à la ville ».

Le débat est posé aujourd’hui ! Alors vous vous en pensez quoi ?

Pour retrouver Byke collective, le skate park de Malmö ou encore les danseuses de Chine, et surtout découvrir davantage d’exemples : http://www.webdoc-womenability.org/