En 1973, s’installe le cinéma La Clef en plein cœur du 5ème arrondissement de Paris. En référence au nom de la rue qui jouxte le local mais aussi à l’objet mystique qui permet d’ouvrir et fermer des portes, le cinéma prend le nom de La Clef. Alors pourvu de trois salles, il permettait de diversifier l’offre culturelle du quartier par des films indépendants programmés avec soin par le fondateur Claude Franck-Forter et son bras droit Bernard Martinand. Avec ses tarifs abordables et sa qualité de projection, le cinéma est rapidement passé au degré supérieur des salles Art et Essai en devenant un cinéma labellisé Recherche et Découverte.
Après sept années positives de conférences, de projections et de débats, les avancées technologiques de l’époque tuent malheureusement petit à petit les cinémas indépendants. Avec la démocratisation des téléviseurs en couleurs et les innovations filmiques (3D, son stéréo…) la fréquentation des salles indépendantes chute considérablement. La Clef se trouve alors contrainte d’être vendue au Comité d’Entreprise de la Caisse d’Épargne d’Ile-de-France qui décide d’en faire un centre culturel pour ses employés. L’une des trois salles sera consacrée à cette fonction tandis que les deux autres conserveront leur vocation première de salle de projection et seront mises à disposition d’associations qui exploitent le cinéma. Les collectifs vont alors se succéder, mais l’un d’entre eux va fortement contribuer à forger l’identité culturelle du lieu : “Images d’Ailleurs” dédiée à la promotion d’œuvres issues des cultures noires et des cultures sous-représentées. Par la suite l’association prendra le nom “Cinéma La Clef” et continuera de proposer une programmation unique à Paris jusqu’à la fermeture “définitive” des lieux en 2018.
Si ce lieu a fortement animé le quartier et permi d’y façonner une réelle identité culturelle par le monde cinématographique, celui-ci n’a pas trouvé repreneur lorsque le Conseil social et économique de la Caisse d’Epargne l’a mis en vente. Va alors débuter, dès septembre 2019, le mouvement militant d’occupation du cinéma. Les anciens salariés, mais aussi des cinéphiles, des réalisateurs, des habitants, des artistes et d’autres professionnels du milieu vont se mobiliser et s’installer dans les locaux pour conserver la vocation et l’âme du cinéma devenu un symbole culturel du quartier. Des prix libres, un bar improvisé, un salon collectif mais surtout des projections à la programmation engagée et hors cadre, c’est ce que propose cet îlot révolutionnaire et qui plaît tant aux visiteurs.
🏝️Venez boire un café, travailler ou prendre un verre à La Clef, dès 6h du matin🏝️
— Cinéma La Clef Revival (@LaClefRevival) February 16, 2022
💥Soyons nombreux et #SauvonsLaClef contre l’expulsion de notre collectif par le #GroupeSOS ☠️ pic.twitter.com/haITcYdA5o
Cette occupation, à la dimension notamment politique, ne plaît cependant pas aux propriétaires qui tentent tant bien que mal de vendre le cinéma. Les comparutions au tribunal se suivent au même rythme que les passages des huissiers, pourtant l’association “Home Cinéma” du collectif La Clef Revival, créée spécifiquement pour ce combat, persiste et maintient l’occupation jusqu’à ce qu’une solution confirmée, concrète, écrite et orale soit prononcée pour que ce “cinéma reste un cinéma indépendant parisien, et un cinéma associatif avant tout”. Les tentatives de rachat par le Groupe SOS, spécialisé dans l’économie sociale et solidaire, et par la ville de Paris n’aboutissant à rien, les forces de l’ordre ont décidé d’agir début mars de cette année pour expulser les occupants. Un coup dur pour l’association et les militants qui appellent aujourd’hui la population à se mobiliser à leur côté, notamment par le biais de dons pour la cagnotte qui servira en partie à financer le rachat des lieux. Alors si vous souhaitez participer au combat pour le maintien du cinéma La Clef, vous pouvez autant montrer votre soutien par des dons que par le partage de cette histoire !
Photo de couverture : ©Wikimedia Commons