Réconcilier un monde déchiré par la guerre
Alors que la première forme de jumelage date de 860 lorsque les villes du Mans et de Paderborn se sont liées par intérêts religieux, le jumelage tel qu’on le connaît aujourd’hui est, quant à lui, apparu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Après que les relations européennes, et même mondiales, entre chaque pays aient été fortement dégradées à cause des conflits, l’idée du jumelage est née dans le but de réconcilier les ententes entre pays, et notamment l’entente franco-allemande. La France compte alors plus de 7 000 jumelages et occupe la deuxième position juste après l’Allemagne qui est le pays avec le plus de villes jumelées. Comme un instrument de paix, le jumelage joue un rôle pour rassembler les populations et les communautés du monde entier mais offre surtout une nouvelle base à l’Europe pour se reconstruire.
Les villes jumelées sont reliées par un contrat politique illimité dans le temps dans le but de partager et d’échanger des connaissances, des expériences, et du savoir-faire dans tous les domaines de la vie locale. Une entente politique essentiellement basée sur la culture qui se définit, dans la charte des villes jumelées de 1957, comme : “Le lien qui unit, dans un esprit d’égalité et de réciprocité, des populations entières de deux ou plusieurs pays différents en vue de favoriser le contact des personnes, l’échange des idées, des techniques, des produits. Il est un instrument de culture populaire et de formation civique internationale, et il ne saurait être détourné de son objet à des fins personnelles ou partisanes ou politiques”.
Concrètement, cela se matérialise par des actions réciproques comme des manifestations culturelles, des échanges réguliers entre citoyens ou la mise en place de mémoriaux et monuments dans l’espace public, toujours en référence à la culture de la ville sœur.
Dernièrement, la petite ville bretonne de Cléder a reçu 220 convives à sa table pour déguster le plat régional et typiquement breton Kig ha farz pour partager la culture locale aux allemands venus des villes de Herleshausen et Lauchröden, qui sont jumelées depuis quasiment une soixantaine d’années avec la ville bretonne. Une relation socio-culturelle qui permet de tisser des liens et qui offre l’opportunité de voyager et découvrir de nouveaux modes de vie grâce aux échanges chez l’habitant.
À Cléder, 220 convives au kig ha farz du jumelage allemand
— LeTélégramme Morlaix (@TLGMorlaix) July 27, 2022
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“Seule Paris est digne de Rome, seule Rome est digne de Paris”
Dans la majeure partie du temps, le jumelage se fait entre deux villes de pays différents, mais il arrive parfois qu’elles fassent partie du même pays, comme c’est le cas pour Créteil (Val-de-Marne) et les Abymes (Guadeloupe) ou encore pour Plouhinec (Finistère) et Arbent (Ain). Il arrive aussi très fréquemment qu’une seule ville soit jumelée à plusieurs villes de plusieurs pays, Marseille compte par exemple plus d’une douzaine de villes soeur réparties partout dans le monde : Chine, Allemagne, Belgique, Sénégal, Italie, Maroc, Ukraine, Grèce, Côte d’Ivoire, Israël, Danemark, Royaume-Uni, et Japon.
Pourtant, si les plus grandes villes ont habituellement un jumelage généreux dans le but d’accroître leur rayonnement et leurs relations internationales, comme c’est le cas pour Marseille la deuxième plus grande ville de France, certaines métropoles ont un jumelage exclusif et unique. C’est le cas pour la capitale française qui n’est jumelée qu’à une seule ville : Rome. Ce partenariat est effectif depuis le 30 janvier 1956, date à laquelle son exclusivité a été prononcée à travers le slogan “Seule Paris est digne de Rome, seule Rome est digne de Paris”. Une manière de mettre en avant et de souder la puissance de ces deux piliers culturels du continent mais aussi d’engager des échanges culturels et scientifiques. Outre les nombreux concerts, expositions, représentations théâtrales ou colloques, le partenariat culturel s’étend même jusqu’à la gratuité des musées pour les habitants venus rendre visite à leur ville jumelle, une façon de partager mutuellement l’histoire respective de chacune des deux villes. Alors, si vous êtes parisiens, aux prochaines vacances à Rome dégainez votre carte d’identité avec une adresse parisienne et tous les musées vous seront gratuits !
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Au-delà des avantages culturels, on retrouve aussi des marques de ce jumelage dans l’espace public de chacune des capitales. En 1962, Rome a fait un cadeau symbolique à Paris en lui offrant une réplique en bronze de la célèbre statue capitoline. Alors, s’il ne vous est pas possible de vous rendre à Rome pour voir l’originale aux musées du Capitole, vous aurez peut-être plus l’occasion de venir admirer la reproduction au square Paul Painlevé dans le cinquième arrondissement de Paris. Et à l’inverse, si vous vous rendez à Rome, vous aurez peut-être la chance de voir la rue Via Parigi qui rend honneur à Paris avec une statue représentant une Caravelle, symbole de la capitale française.
Le jumelage sous toutes ses formes
Le jumelage ne s’arrête pas qu’aux villes : des rues, des gares, des institutions culturelles, des monuments mais aussi des écoles se lient d’amitié entre elles au-delà des frontières pour échanger plus facilement et avoir des partenariats. Ainsi, on retrouve par exemple la rue du Faubourg Saint-honoré à Paris jumelée à la Cinquième avenue de New York et à la Via Condotti de Rome, mais aussi la Villa Savoye du Corbusier avec la Maison Melnikov en Russie qui sont toutes les deux des oeuvres architecturales modernes remarquables du 20ème siècle.
Le jumelage, comme son nom l’indique, n’est possible qu’avec des entités jumelles qui disposent des mêmes caractéristiques et fonctions. Ainsi, pour les villes : il faut que leur taille en population soit similaire, pour les rues : leur longueur mais aussi leur importance dans le maillage urbain doivent se rapprocher, et enfin pour les monuments : leur origine ou leur représentation doivent être identiques. De cette sorte, en étant jumelées, chacune de ces entités tire partie et s’enrichit de sa jumelle pour se développer. À titre d’exemple, le jumelage des gares permet une évolution conjointe des services, un échange d’expérience et de savoir-faire, et un développement des compétences culturelles du personnel pour, dans la majeure partie des cas, aboutir à la création d’une ligne directe entre les deux gares.
Gare de Lyon : un jumelage avec la gare de Téhéranhttps://t.co/oi5TfU2pAm @Connectgares pic.twitter.com/YgCYdqFrcG
— L’important (@Limportant_fr) April 27, 2016
Cette logique, très représentative du dicton “Seul on ira loin mais, ensemble on est plus fort”, se poursuit dans les jumelages entre établissements scolaires. Comme le programme Erasmus, créé en 1987 et qui agit sur toute l’Europe, les établissements communaux jumelés favorisent l’échange d’élèves et oeuvrent pour un projet commun dans le but de promouvoir l’apprentissage des langues étrangères et renforcer les liens inter-villes au travers d’immersion scolaire et socio-culturelle. De ce partenariat naissent souvent des relations entre “correspondants”, entre élèves d’échange, cela vous rappelle peut-être des souvenirs de votre enfance ou d’étudiant ? On présente d’ailleurs le programme Erasmus comme une agence matrimoniale, avec environ un tiers des étudiants qui trouvent leur partenaire durant leur séjour à l’étranger. Finalement, entre ville soeur on peut aussi y trouver son âme soeur…
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