Le 24 décembre dernier, après de nombreux rebondissements dans les négociations du Brexit, la sentence tombe pour des milliers d’étudiants européens : le Royaume-Uni se retire de la liste des pays membres du programme Erasmus +. Créé en 1987, l’European Action Scheme for the Mobility of University Students est l’un des programmes le plus populaire et réussi de l’Union européenne. Son principe est simple, permettre chaque année, à des centaines de milliers d’étudiants européens, de partir étudier 3, 6 ou 12 mois dans une autre université européenne grâce à la mise en place de partenariats entre les écoles et l’attribution de bourses financières.

Depuis sa création, le programme a permis à plus de 10 millions d’étudiants européens de partir étudier à l’étranger et il a aujourd’hui véritablement prouvé son efficacité. Il offre aux étudiants l‘opportunité de bénéficier d’une large ouverture culturelle par la découverte d’autres modes d’apprentissage mais aussi d’autres coutumes locales, d’autres modes de vie et leur permet de faire de nouvelles rencontres, aussi enrichissantes pour leur parcours personnel qu’universitaire. 

Il permet également de donner aux étudiants de nouvelles possibilités en termes de formations pour atteindre au mieux leurs objectifs professionnels. Même si la volonté première, clairement affichée par le programme, est de faciliter la création d’une identité commune à l’ensemble des étudiants participants, une identité européenne, le programme Erasmus+ a, lui aussi, un impact élevé sur les villes accueillantes. 

Une ville qui attire les étudiants étrangers est une ville qui va bien

Existe-t-il un rapport entre l’attractivité d’une ville et la fréquentation des étudiants Erasmus+ de cette dernière ? Il semblerait que oui. Selon un rapport de l’agence française des mobilités Erasmus, les critères de sélection des étudiants concernant les villes d’accueil s’axent principalement sur : la qualité de l’université et de la vie étudiante, le coût et la qualité de vie, la facilité d’accès au logement, le développement des mobilités sur le territoire local et national, et la qualité de la vie culturelle et nocturne. Des critères qui, aujourd’hui, résonnent avec ceux qu’un nouvel arrivant pourrait avoir. 

Plus qu’une certaine qualité des enseignements de l’établissement universitaire, les étudiants étrangers sont à la recherche d’une qualité de vie optimale dans leur ville accueillante qui leur permettra de vivre une expérience unique. Les critères de sélection peuvent ainsi autant concerner le logement, la mobilité ou la culture que le prix de la bière… En tête des pays attirant le plus d’étudiants Erasmus, l’Espagne tire son épingle du jeu et pour cause : climat agréable, faible coût de la vie et attractivité nocturne attirent de nombreux jeunes étudiants. 

Juste après, l’Allemagne et l’Autriche arrivent respectivement en deuxième et troisième place. Deux pays qui sont également en tête des pays européens les plus attractifs aux yeux du reste du monde. Une ville qui accueille bon nombre d’étudiants étrangers est donc bel et bien une ville attractive et dynamique.

Des étudiants Erasmus qui participent à l’économie locale

En plus du simple fait d’étudier dans une ville étrangère, les étudiants Erasmus ont un rôle clé à jouer dans la vie locale du territoire choisi. Comme vu précédemment, ils participent activement à donner une image attractive de leur ville d’accueil, mais participent également à la faire vivre et la développer.

La mise en place d’un programme Erasmus au sein d’une ville qui l’accueille engendre, de fait, le développement de partenariats entre universités à l’échelle locale et européenne. Cela vient souder des liens tangibles, qui peuvent par la suite, en créer de nouveaux. Des villes comme Metz ou encore Strasbourg renforcent considérablement leurs interactions avec leurs voisines frontalières et permettent à certains étudiants de passer de l’une à l’autre. Sur le long terme, ces liens créés devraient renforcer la collaboration à la fois économique et culturelle de ces zones frontalières.

Symbole de l’hypermobilité à l’échelle européenne, les étudiants Erasmus ne perdent pas leur mobilité une fois arrivés dans leur ville accueillante. D’après Eugénie Terrier dans Mobilités spatiales des étudiants internationaux. Déterminants sociaux et articulation des échelles de mobilité  (2009), ces mêmes étudiants parcourent le territoire national activement : on estime, lors de leurs séjours, qu’ils partiront en visite de leur ville d’accueil plus d’une dizaine de fois. Même si leur pouvoir d’achat et de consommation est moins élevé que la majorité de la population locale, ils sont des consommateurs actifs des lieux culturels et historiques des territoires. 

Photo Rudy and Peter Skitterians via Pixabay

Et au sein même des villes, ces derniers participent en partie au développement de la vie nocturne, que ce soit en termes de fréquentation de bars, boites de nuit, restaurants mais aussi de lieux culturels comme les salles de spectacles et théâtres avec en moyenne 8 sorties par mois dans le centre-ville (Terrier, 2009).

Des futurs ambassadeurs de la ville et du pays d’accueil

Les années Erasmus, pour la grande majorité des étudiants, sont des années marquantes qui participent à forger non seulement une vie sociale cosmopolite, mais aussi à renforcer leurs compétences linguistiques et quelques fois à dessiner leurs futurs projets. Ils gardent bien souvent des liens intimes avec leur ville d’accueil qui sont réactivés lors de nouvelles visites, ou au détour de conversations. Ces étudiants revêtent la plupart du temps un rôle d’ambassadeur vis à vis de leur ville d’accueil, voire même du pays. Depuis plus d’une trentaine d’années, le programme forme donc des millions d’étudiants à adhérer à une Europe de villes cosmopolites et de partage, où la rencontre de l’autre enrichit le parcours personnel de chacun. 

« Erasmus is not on year in your life but your life in one year » Lisboa 2017 » Photo ©Ittmostt via Flickr

Dans un présent où les tensions entre les différents pays européens sont bel et bien présentes, et où la pandémie mondiale qui touche l’Europe de plein fouet limite la circulation de chacun entre les pays, les étudiants Erasmus pourraient très vite manquer à nos villes. Nous avons plus que jamais besoin de cet échange culturel réciproque pour (re)donner naissance à une génération curieuse, collaborative, qui demain participera à créer des villes plus accueillantes, cosmopolites et connectées entre elles.

Photo de couverture Bruno /Germany via Pixabay