C’est donc en toute logique qu’en cette période inédite, nos modes de vie évoluent pour s’adapter aux impératifs de la crise sanitaire, que sont le confinement, la distanciation physique ou les gestes barrières. Ainsi, les différents aspects de la vie quotidienne sont transformés, laissant place à une nouvelle expérience de notre pratique urbaine qui n’est pas si anodine et qui génère de nouveaux débats à quelques jours du deuxième tour des Municipales.
Par le passé, les épidémies ont marqué le 19ème siècle. Elles sont devenues le point de départ de nombreux travaux d’ampleur visant à la transformation des grandes villes. Le 21ème siècle ne fera pas exception et le Covid19 aura donc forcément des répercussions sur la manière de faire et penser les villes. Nouvelles préoccupations et enjeux émergents, comment la crise sanitaire aura-t-elle un impact sur les actions des collectivités ? Quelles sont les thématiques pour lesquelles les urbains post-covid auront des attentes particulières pour ce deuxième tour des municipales ?
La santé, une préoccupation renforcée
Dans ce climat anxiogène, qui n’a pas éprouvé une certaine peur pour lui ou ses proches ? La menace du virus plane toujours sur nos vies, venant soudainement mettre les problématiques de santé au cœur de nos inquiétudes. Révélateur de notre fragilité, pour beaucoup d’urbains le Covid19 a enclenché une prise de conscience quant au lien entre leur mode de vie en ville et leur santé.
En plus de ce constat, l’expérience du confinement a engendré une chute drastique du trafic automobile et par conséquent une baisse de la pollution de l’air. Dès les premières semaines, des images du ciel prises des fenêtres urbaines circulaient sur les réseaux sociaux, pour attester de cette transformation bénéfique et mettre en évidence le phénomène. Les cieux au dessus des grandes villes se sont éclaircis, l’environnement sonore s’est apaisé, sensibilisant les urbains à leur environnement qui prenaient conscience d’une meilleure qualité de vie sans pollution sonore ou atmosphérique.
À quelques jours du prochain tour des municipales, l’annonce récente de la Maire de Paris, Anne Hidalgo, à propos d’un abaissement à 30 km/h de la vitesse automobile autorisée dans presque toute la capitale, s’inscrit en continuité de cette préoccupation. D’ailleurs, l’argument avancé pour cette mesure est bien celui de lutter contre les pollutions comme enjeu de santé publique, grâce à la réduction progressive de la place de la voiture en ville.
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La question du maintien de certains espaces destinés aux piétons ou de quelques pistes cyclables temporaires pourraient aussi faire l’objet de débats et d’arguments en vue des prochaines élections municipales dans les villes ayant transformées leurs rues pour répondre aux enjeux sanitaires. D’autres thématiques liées à la santé pourraient aussi s’inviter dans le débat, notamment pour inscrire territorialement des actions de santé et tendre vers plus de souveraineté sanitaire locale.
Le logement, de fortes attentes pour un mieux vivre en ville
Enfermés pendant le confinement, l’univers des urbains s’est limité en grande partie à leur habitat. Les conditions de logement ont donc été une préoccupation importante, mettant en lumière l’insalubrité ou l’exiguïté et le phénomène plus global du mal logement. Suroccupation, vétusté des lieux de vie, manque d’espace, abordabilité, le confinement est venu rappeler combien la question du logement est centrale.
D’ailleurs, la question du logement social, du phénomène de logements vacants et de l’encadrement des loyers, ont été au centre des débats du premier tour des municipales pour de nombreuses villes. Avec la crise sanitaire, d’autres enjeux émergent ou se renforcent.
C’est le cas de la préoccupation apportée sur la qualité des logements. Exigence en termes d’espace, de luminosité, d’espaces en partage, des chartes de qualité existent déjà avec divers critères de qualité à l’échelle de certaines collectivités. Les villes pourraient se saisir de manière plus systématique de cet outil dans ce contexte post-covid.
Le travail, un changement en faveur du télétravail
En cette période de distanciation physique, le travail s’est invité dans les foyers. Le développement du télétravail s’est affirmé comme une solution à la crise. Pour certains, cette entrée du monde professionnel dans l’espace de vie n’a pas été de tout repos.
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Différentes conditions idéales, telle que trouver une place adéquate pour la réalisation d’un travail de bureau, n’ont pas toujours pu être trouvées dans des logements trop petits. Salles à manger transformées en bureau, aménagement d’une table dédiée au travail dans une chambre, investissement d’une cave ou d’un grenier, la pratique du télétravail vient changer le rapport à nos espaces de vie.
Le télétravail implique aussi le rapprochement de l’habitat et l’emploi, en ouvrant la possibilité de travailler n’importe où, réduisant ainsi la notion de transport ou de distance. On rompt la contrainte qu’impose l’adresse de l’emploi dans le choix du lieu de vie et donne l’opportunité de s’installer loin des centres urbains des métropoles. Une dynamique qui pourrait changer les logiques territoriales de certaines collectivités.
La proximité, une nouvelle priorité pour la résilience
Limités à quelques kilomètres autour de chez-eux, le territoire des urbains s’est vu rétrécir lors du confinement, mettant en évidence la qualité d’équipement, ou non, de leur espace de vie immédiat. Les commerces et services de proximité ont été des alliés de choix durant cette période, garantissant l’approvisionnement nécessaire aux habitants et un contact social indispensable. Les quartiers coupés de ces services se sont vus désavantagés, tandis que les lieux de vie les plus mixtes ont bénéficié d’une variété d’offre plus facilement disponible.
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La quête de proximité s’est aussi traduite par une solidarité habitante renforcée, parfois soutenue par les municipalités. Par exemple, pour faire face à la crise, la Mairie de Grenoble a mis en place une plateforme nommée Voisins, Voisines pendant le confinement. Un dispositif qui pourrait perdurer dans le temps, à l’image d’autres démarches déployées lors de cette période.
Casser les distances et recréer la proximité, c’est aussi développer des circuits courts. La crise sanitaire est venue souligner le besoin d’autonomie, notamment en ce qui concerne les productions essentielles à tous. L’aspect productif des villes revient dans le débat, questionnant la relocalisation d’industries et de savoir-faire artisanaux essentiels à la résilience des territoires.
La question alimentaire prend aussi le chemin des circuits-courts. Pour plus d’autonomie, le développement de l’agriculture locale autour des villes ou au sein même de celle-ci, apparaît comme l’un des enjeux du monde d’après à investir.
La nature, un retour à la source indispensable
Cloîtrés chez eux, souvent dans un environnement urbain laissant peu de place à la nature, les habitants des centres urbains et banlieues des grandes villes ont ressenti un réel appel de la nature comme condition indispensable à leur bien-être. Projet de revégétalisation, création de potager urbain, nouvel attrait pour les jardins et les espaces extérieurs, beaucoup d’habitants des villes ayant vécu le confinement replacent la nature au cœur de leur vie.
Des villes ont d’ailleurs déjà réagi, comme par exemple Le Havre qui a mis récemment en place un potager urbain à destination des habitants. De telles initiatives pourraient fleurir pour répondre à une tendance de plus en plus forte visant une reconnexion des habitants avec la nature.
Au centre des préoccupations, la crise sanitaire du Covid19 s’invite au cœur des municipales, questionnant en profondeur la résilience des territoires et le modèle urbain de nos villes. Développement des circuits courts, valorisation de la nature, réduction de la pollution, les enjeux soulevés entre en résonance avec la crise écologique actuelle.
Le local, la solidarité et la qualité de vie prennent place au centre des réflexions. L’avenir nous dira quels seront les changements entrepris à l’occasion des municipales 2020 et comment ces engagements permettront de renforcer le rôle clé d’une action locale qui a su affirmer sa résilience face à la crise de nous venons de vivre.
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