En bon fils de la génération Y j’ai grandi avec les blockbusters hollywoodiens et les premiers murs que j’ai observés sont ceux de Détroit dans Robocop en 1987. J’étais fasciné par l’architecture froide de cette pseudo ville du futur qu’on apercevait toujours en arrière plan. Et puis je me suis rendu compte que les murs avaient leurs rôles dans pas mal de films. Et même dans ceux datant d’avant ma naissance.

De Naissance d’une nation de D. W. Griffith, à M Le Maudit de Fritz Lang en passant par la plupart des films de Kubrick, tous ont un environnement bien précis, qui définit le film en lui-même. Bien souvent cet environnement est d’ailleurs le reflet d’une époque. Mais il est aussi le symbole d’une ville, d’un pays ou d’un continent.

Que le film soit tourné en décor naturel, en studio ou sur fond vert, les villes jouent un rôle essentiel au cinéma.

Ici, je ne m’amuserai donc pas à analyser l’architecture présente dans les films de manière géométrique et à trouver des significations pour le moins contestables à chaque angle de mur, fenêtre ou coupole. Laissons cette activité étrange aux universitaires qui auront plaisir à continuer de voir des symboles phalliques dans chaque building qui se dressent sur la pellicule.

Aujourd’hui, j’aimerais comprendre les films qui ont traité de l’avenir. J’aimerais comprendre comment les scénaristes et réalisateurs qui ont écrit sur le futur voyaient notre époque en terme architectural. Comment de nos jours les réalisateurs voient le monde de demain ?

Il y a deux sortes de films futuristes en termes d’architecture : les pessimistes et les optimistes. Autant dire que la première catégorie est majoritaire. Dans le film pessimiste l’architecture a avalé la ville, le béton ne coexiste plus qu’avec lui même et la nature est absente, comme évanouie.

Démarrons donc par une vielle société moderne, des plus célèbres, également adorée par les universitaires mais pas pour le moins inintéressante.

Quand Fritz Lang réalise Metropolis, il croit dur comme fer en sa ville de 2029. Elle n’est en réalité qu’une vision déformée et exagérée de sa propre époque. En 1927, nous sommes à 102 ans de la temporalité du film, la seconde révolution industrielle est à son apogée, le fordisme fait ses preuves et Fritz Lang, tout comme Marx avant lui, en a une peur bleue. Une ville démesurée, inhumaine où les pauvres travailleurs sont au service des riches qui vivent dans l’opulence, une vision qui perdure encore de nos jours.

Metropolis – Fritz Lang – 1927

Fritz Lang ne pensait sûrement pas que sa vision allait faire autant de petits.

Des voitures volantes (grand fantasme du XXème siècle), des buildings gigantesques, des systèmes de transport complexes dans des villes plus grandes et déshumanisées, c’est le lot de la plupart des villes dans les films futuristes.

Le Cinquième élément – Luc Besson – 1997

Je me revois alors à l’aube de mes 10 ans, dans cette salle obscure, la bouche grande ouverte devant le vertige que nous offrait la ville de Luc Besson dans Le Cinquième Elément. C’était à la fois excitant et effrayant. Et pour cause, je n’avais vraiment pas envie de vieillir à ce moment là. Cette ville me terrifiait. Cette vision de la ville du futur (caractérisée par l’absence totale d’horizon) je la retrouverai dans plusieurs longs métrages qui me seront contemporains comme Minority Report (2002) ou Time Out (2011).

Minority Report – Steven Spielberg – 2002

Time Out – Andrew Niccol – 2011

Evidemment, ces visions pessimistes des villes du futur sont presque toutes liées à un déclin de l’humanité et de la vie végétale, une dérive à laquelle, nous, spectateurs, n’aimerions pas assister.

Et puis il y a les très minoritaires films optimistes, du moins au niveau architectural. Dans Demolition Man (1993) dont l’action se déroule en 2032, la ville dans laquelle se réveille Stallone est plutôt propre, écologique et semble moins peuplée au premier abord. Les espaces verts sont respectés, les fontaines sont là, la vie semble être au cœur de la métropole. Le genre de ville que nos architectes d’aujourd’hui préparent dans leurs cartons à dessins. Bien évidemment, cette ville idéale est contrebalancée par une société à la politique totalitaire, loin des réalités sociales et qui fait régner l’ordre à coups de contraventions. Une société qui n’intègre pas les pauvres, rebuts de la collectivité, qui tentent de survivre dans la ville souterraine.

Ainsi, quand les scénaristes imaginent des villes futuristes propres intégrant des espaces verts, il est quasi obligatoire pour eux que la société abritée par cet environnement ait régressé au niveau des droits humains.

Comme c’est le cas dans Elysium (2013) où une population richissime vit désormais sur dans une gigantesque « ville-station spatiale » (très verte et fleurie) loin des pauvres, restés sur la Terre surpeuplée et polluée.
Ironie de l’histoire du cinéma, le pitch de départ est à peu de choses près le même que celui de Metropolis.

Elysium – Neill Blomkamp – 2013

Demolition man – Marco Brambilla – 1993

Nos scénaristes n’essaient donc pas seulement de taper juste quand ils décrivent les villes du futur, ils essaient surtout, quelque soit le scénario, de prévenir les dérives de l’humanité. Pour certains, il leur suffit de relever nos excès architecturaux contemporains (les banlieues, les buildings), de les amplifier et de les déformer pour créer des villes excessives, polluées, énergivores et déshumanisées. Si l’intention des cinéastes n’est sûrement pas de faire peur, elle est bien d’alerter. En effet, si l’on peut regretter aujourd’hui que nos scénaristes se soient trompés sur l’Overboard (Retour vers le futur) ou sur les voitures volantes (Le Cinquième Élément), on est ravi qu’ils se soient trompés (pour le moment) sur les architectures trop bétonnées, cloisonnées et centrées sur elles-mêmes comme celle de Metropolis.

Cinéma - Architecture - Films - Urbain - Villes

Jonathan Demayo est scénariste de profession, il a collaboré à différents projets notamment pour M6, W9 et Canal+. Après avoir étudié l’économie du cinéma à l’université Sorbonne Nouvelle Paris III et Paris Dauphine, Jonathan se tourne vers l’écriture. Il est également auteur et metteur en scène de plusieurs pièces de théâtre à Paris.