En ville toujours, certaines personnes escaladent également les façades des bâtiments, parfois jusqu’à des hauteurs démesurées, non pas cette fois pour acquérir une nationalité, mais plutôt dans l’optique de se lancer le défi d’une appropriation de la ville plus intense. Comme un challenge personnel pour se sentir vivant. Encore une fois : est-ce vraiment nécessaire d’en arriver là pour que les citadins puissent faire corps avec l’urbain ?

L’escalade urbaine comme défi pour se sentir vivant

De manière générale dans une ville que l’on ne connaît pas, les premières choses que l’on y fait restent assez classiques. On y visite les monuments les plus remarquables, ceux que l’on aperçoit massivement sur les réseaux sociaux. Bien souvent également, nous nous dirigeons en bons touristes urbains vers les rues passantes du centre-ville, les rues commerçantes et les rues les plus fameuses. Parfois même au risque de principalement tomber sur des enseignes d’ailleurs pas vraiment locales, ou en tout cas que l’on peut croiser dans un grand nombre d’autres villes. Il n’y a qu’à voir par exemple Les Champs-Élysées, avenue parsemée de grosses enseignes comme McDo, Zara, Nike…

Mais quand on a appris à connaître une ville, quand on l’a suffisamment arpentée et vue sous toutes ses formes, rien ne nous empêche de partir de nouveau à sa rencontre. Rien ne nous empêche de continuer à la découvrir encore un peu plus intimement.

En ce sens, certaines personnes n’hésitent pas à avoir une pratique de la ville plutôt marginale… et surtout dangereuse ! Principalement attirés par des lieux situés le plus en hauteur possible, les urban climbers ne sont pas du genre à avoir le vertige. En escaladant les parois abruptes des immeubles du monde entier et après avoir bravé quelques règles, leur objectif est d’atteindre le sommet d’un édifice en passant par l’extérieur de l’enveloppe architecturale, la plupart du temps sans protection… Parmi les plus connus, le français Alain Robert a déjà gravi tous les gratte-ciels les plus hauts du monde, à la main et sans harnais !

Alain Robert en pleine action !

Les raisons qui poussent ces urban climbers à atteindre les hauteurs les plus folles de la ville peuvent être compréhensibles : atteindre un point de vue imprenable sur la ville qui s’étend sous leurs pieds ; l’accès privilégié à un lieu normalement inaccessible et surtout, une prise de risque maximale qui stimule les plus téméraires ! Cette prise de risque une fois surmontée est en effet tellement vivifiante, que l’on comprend qu’elle puisse agir comme une drogue chez les escaladeurs urbains !

Mais qui dit prise de risque dit évidemment grand danger encouru. D’ailleurs, les accidents ne sont pas rares : Alain Robert lui-même, encore en activité aujourd’hui, a déjà subi une sévère chute de 15 mètres qui l’a plongé dans le coma pendant près d’une semaine. D’autres encore, ont eu moins de chance que lui et des grimpeurs médiatisés ont trouvé la mort après des chutes d’immeubles.

Est-ce que ça vaut donc vraiment le coup ?

La pratique de l’urbex comme un voyage temporel

D’autres amateurs de sensations fortes cherchent également à mieux découvrir leur ville. En se rendant dans des endroits moins connus et plus à l’écart, ils s’aventurent dans des lieux plus énigmatiques, qui attisent leur curiosité. Ils peuvent parfois tomber sur des bâtiments, des espaces un peu délaissés, en dehors de toute animation urbaine et qui pourtant, mystérieusement, les attire tant, dans un mélange un peu étrange mêlant excitation et apaisement.

« Quel était ce grand bâtiment aujourd’hui en ruines et pourquoi est-il toujours délaissé ? Pourquoi toutes les maisons de ce quartier sont-elles dans le même état d’abandon ? Qui vivait là ? » Autant de questions qui piquent l’envie, le fantasme de se faufiler dans un lieu littéralement hors du temps qui a un jour pourtant connu la vie. C’est donc cela l’urbex, l’exploration urbaine. C’est ce petit pas que l’on franchit depuis le monde du présent pour entrer dans un rêve, pour renouer avec le passé. Comme une cure de jouvence ou un filtre d’amour urbain qui nous pousse à réinventer la vie d’une ville qui semble avoir tant de choses à nous dévoiler.

Mais à l’image d’un fantasme, l’urbex reste illégal. Du moins en France. Nous pouvons donc comprendre les réticences de certains à préférer ne pas se rendre dans ces espaces poétiques, parfois féériques mais qui sont malgré tout à la marge du monde réel de la ville et dans lesquels les risques existent. Celui de croiser des personnes mal intentionnées loin d’une foule de témoins oculaires, ou bien celui de fondre dans un plancher rouillé et agressif sans possibilité d’en sortir, loin d’une foule de témoins auditifs.

L’urbex permet d’avoir un rapport direct avec le passé de la ville, dans un cadre enchanteur

Est-ce que ces pratiques valent-elles donc vraiment le coup ?

Ces deux pratiques urbaines, l’escalade de hautes façades et l’exploration urbaine de lieux abandonnés, invitent à découvrir d’un nouvel œil la ville par des méthodes plus ou moins extrêmes mais en tout cas marginales voire underground. Illégales, il semble toutefois presque impossible d’empêcher les amateurs de s’y adonner.

Mais est-ce vraiment la seule méthode pour faire corps avec la ville ? Comment découvrir intimement la ville sans passer par de telles pratiques ?

On comprend que les amateurs d’urbex et d’escalade urbaine sont à la recherche de choses bien précises. Au-delà de la quête d’une transgression des règles, il s’agit d’une retrouvaille avec leur ville. D’un point de vue très haut pour embrasser le paysage dans son ensemble, ou bien par la plongée dans l’histoire intime de la ville, il s’agit bel et bien d’une facette supplémentaire de l’urbain, inconnue, qui est recherchée.

L’urbex est à nos yeux une solution merveilleuse pour se plonger dans les confidences de la ville. À condition que la philosophie de la pratique soit respectée par tous ses pratiquants. En conservant la magie que peut procurer l’exploration, dans le respect du lieu, alors le rêve du passé urbain pourra être entretenu et sauvegardé.

Mais explorer la ville, apprendre à la connaître intimement ne nécessite pourtant pas tant de complications, qu’elles soient légales, éthiques, ou de sécurité. Savoir déambuler au rythme des rues en se laissant perdre dans les coins moins touristiques ou en se laissant guider par son intuition permet également de développer un autre regard sur l’urbain. Si la transgression n’est plus au menu, l’âme de la ville est toujours présente, derrière le moindre angle de rue, au détour de chaque bâtiment. Embrasser la ville d’un seul regard, c’est beau, mais rien ne vaut le contact direct, des éléments de la ville pour se l’approprier au mieux.

Partir à la découverte d’anciennes rues comporte assez de charme et d’histoire pour apprendre à mieux connaître la ville