Fondée au Moyen-Age, la communauté des Compagnons du Devoir, regroupée désormais sous la forme de l’association ouvrière des Compagnons du Devoir et du Tour de France (AOCDTF), forme chaque année pour de 10 000 jeunes aux métiers de l’artisanat. Au delà de l’apprentissage en alternance d’un métier dans 6 filières professionnelles (métiers du vivant, du bâtiment, du goût, de l’industrie/métallurgie, de l’aménagement/finition et des matériaux souples), le Compagnonnage se veut d’abord comme un apprentissage de vie par des codes et des pratiques communautaires à intégrer. Particulièrement reconnu dans les métiers du bâtiment, les Compagnons du devoir (charpentiers, couvreurs, maçons, plombiers, serruriers-métalliers, et tailleurs de pierre) assurent la transmission de savoirs techniques ancestraux et sont souvent appréciés comme bâtisseurs sur les chantiers de restauration de patrimoines bâtis.

“Ni se servir, ni s’asservir, mais servir”

Leur devise est claire : le Compagnonnage est avant-tout un état d’esprit. Basé sur trois principes clés ayant un double objectif : celui de former des hommes et des professionnels accomplis. En effet, pour le compagnonnage la conception du métier ne se limite pas uniquement à un savoir-faire, mais à une histoire, des hommes, un langage, des écrits et ouvrages transmis par les anciens. La transmission est d’ailleurs l’une des bases de la communauté : tous s’engage moralement à transmettre le savoir-faire acquis mais également des principes de vie qui aideront chacun à devenir un “homme bon”.

Le voyage revêt une place importante dans l’apprentissage des Compagnons puisqu’il est considéré comme une étape nécessaire dans la construction d’un homme. Les apprentis devront au cours de leur formation voyager au moins 3 années pour découvrir les différentes méthodes, rencontrer des professionnels et découvrir le monde.

L’aspect communautaire est primordial chez les Compagnons du Devoir puisqu’il régit l’ensemble de son fonctionnement : les apprentis sont logés dans des maisons de Compagnons, ce qui permet de se rencontrer, découvrir des métiers différents, des personnes d’origines variées pour mieux s’épanouir. Des cérémonies structurent la vie des Compagnons pour une initiation totale à la vie communautaire.

Une formation longue permettant l’acquisition d’un savoir-faire unique de bâtisseurs

La formation proposée par les Compagnons du Devoir est plutôt longue et difficile, pour des jeunes de 15 à 25 ans. Elle est rythmée par différents stades. D’abord, au commencement, le jeune est appelé Apprenti, et il suit une formation en fonction de son niveau d’étude. Suite à une cérémonie compagnonnique, il devient Aspirant et il est alors invité à réaliser le Tour de France. Pendant une durée de 3 à 5 ans (voir plus si nécessaire), l’Aspirant se forme dans différentes entreprises, en changeant 1 à 2 fois de villes par an. Il est également obligé de se former à l’étranger pendant une année. Lors de son Tour de France, il doit réaliser un travail de réception, une pièce chef-d’œuvre exposée par la suite dans les différentes Maisons des Compagnons. Ce travail de réception lui permettra ou non d’être reconnu par ses pairs lors de la cérémonie de Réception qui valorise son savoir-faire. Il deviendra par la suite Compagnon itinérant, puis sédentaire chargé de transmettre ses connaissances aux jeunes.

Ce long apprentissage demande certains sacrifices (éloignement familial, mis en pause de la vie couple) mais permet d’acquérir différentes techniques, approches et méthodes de travail. Cela rend également possible l’opportunité de se construire en tant qu’homme grâce aux rencontres, ainsi qu’aux étapes à franchir et aux difficultés à surmonter.

Les Compagnons du Devoir ont su, depuis des siècles, allier tradition et modernité puisqu’ils se sont ajustés à l’évolution de la société et des métiers. Ces véritables bâtisseurs s’intéressent aux innovations technologiques pour adapter des savoir-faire ancestraux à la société contemporaine.

Depuis 2010, le Compagnonnage a été ajouté à la liste du Patrimoine Culturel Immatériel de l’UNESCO en tant que “réseau de transmission des savoirs et des identités par le métier”. Une valorisation appréciée du travail de conservatoire vivant des savoir-faire, ce qui prédit le maintien de l’adresse et de l’agilité des bâtisseurs du passé pour de nombreuses années à venir !

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