À l’heure où les modes de vie sont de plus en plus diversifiés et où les attentes envers les projets urbains sont toujours plus ambitieuses, il nous semble important d’analyser comment les acteurs de l’aménagement réorganisent les villes en plaçant l’humain au cœur de leurs réflexions. Jusqu’à lors principalement centrés sur des questions de rentabilité, les programmes immobiliers ne prennent que partiellement en compte l’évolution des modes de vie, les plaçant trop souvent en second plan. Cela entraînait des aménagements peu qualitatifs, des quartiers finalement peu attractifs. Un constat qui a impulsé une remise en question du métier de promoteur qui a entrepris de repenser son mode d’actions afin de sortir des schémas de la promotion immobilière classique.

Lors de la 30ème édition du MIPIM, le salon international de l’immobilier, tenue comme chaque année à Cannes, nous avons pu rencontrer des promoteurs immobiliers qui à travers leur approche nouvelle ré-inventent leurs métiers et proposent des approches diversifiées et innovantes. Mettant l’accent sur la qualité de vie et la pratique de l’espace par les habitants qui seront, dès le projet habité et investi, les bénéficiaires du projet, ils contribuent ainsi à la fabrication d’une ville plus vivante.

Comment le rôle de promoteur peut évoluer pour répondre aux attentes de notre société ? Comment faire émerger une ville vivante à travers les projets urbains qui la fabriquent ?

L’apparition des appels à projet, une impulsion nouvelle dans la manière de penser la ville pour les promoteurs

“Réinventer Paris”, “Dessine moi Toulouse”, “Devenir Tours” ou encore, “Imagine Angers” :  depuis environ cinq ans, le succès des “appels à projets (urbains) innovants” ou API vient chambouler la fabrique traditionnelle de la ville. Véritables projets de territoires, portées par des collectivités ambitieuses, ce nouveau mode d’aménagement urbain  propose de s’affranchir des codes habituels de la construction pour chercher à développer des projets “sur-mesure”, adaptés à l’environnement local et proposer une richesse de programmes et des qualités de services urbains plus poussés.

Depuis le début des années 2000, même si les API ont quelques limites, ils ont néanmoins peu à peu provoqué de profondes mutations dans la façon dont certains promoteurs immobiliers pensent et fabriquent la ville et les ont ainsi mené à transformer leurs logiques d’actions.

Développer des projets innovants ancrés dans le territoire

Cette nouvelle approche a changé les attentes des collectivités vis à vis de la qualité de la production des promoteurs. Le promoteur est désormais poussé à réfléchir à un meilleur ancrage territorial des projets urbains, ce qui se traduit par l’intégration d’acteurs locaux, alors sollicités par les promoteurs pour être intégrés au projet. Alors, le lien collectivité-promotion immobilière a fortement été renforcé ces dernières années notamment pour tendre vers la co-conception d’ensembles immobiliers répondant aux attentes et besoins locaux.

De plus en plus de promoteurs cherchent également à intégrer dans leur processus de projet des personnes qui fabriquent le territoire au quotidien : habitants, associatifs ou encore start-up. Ainsi, ils fédèrent l’ensemble des acteurs autour du projet, leur assurant une meilleure acceptation de ce dernier, mais également d’acquérir une connaissance pointue du territoire.

C’est dans cette dynamique, par exemple, que le développeur immobilier Altarea Cogedim s’appuie sur le savoir de ses équipes locales pour apporter la compétence des grands projets tout en travaillant avec des acteurs locaux, de manière à se saisir des enjeux du territoire. Une démarche qui s’inscrit dans la recherche de l’intérêt général, et au-delà de l’unique démarche de rentabilité. Au contraire, il s’agit désormais de prendre en compte le besoin des territoires, notamment en contribuant à leur rayonnement, mais aussi en intégrant leurs ambitions et incluant les habitants afin de répondre le plus justement aux réels besoins.  

Ainsi, à travers leur caractère innovant, les API poussent donc le métier de promoteur à entreprendre des réflexions dès le début des projets, sur les questions de pratiques de l’espace urbain et quant aux services proposés. Comme leurs projets doivent s’inscrire dans le maillage d’innovations du territoire, ce qui les obligent à s’ajuster aux besoins des sites et à innover dans les choix programmatiques. Pour cela, les promoteurs endossent alors un nouveau rôle, celui d’initiateur et non plus celui de partenaire : ils créent des groupements inédits, mêlant aménageurs, programmistes, spécialistes des usages, concepteurs, faisant d’eux de véritables chefs d’orchestre… Ainsi, on n’attend plus des promoteurs qu’ils construisent seulement un bâtiment, mais qu’ils se glissent finalement dans la peau d’aménageur en pensant un tout, pour des bâtiments où mobilités, usages, activités, bien-être sont maîtrisés et intégrés au quartier qui les accueillent.

Au-delà de la promotion immobilière classique, réinventer la profession pour répondre aux nouveaux modes de vie

Pour répondre à ces nouvelles attentes, les opérateurs de l’immobilier travaillent sur des méthodologies internes permettant d’aller au-delà de leur rôle et approche classique qui consistaient à monter un programme immobilier techniquement et financièrement soutenable. Ils rivalisent ainsi de créativité pour proposer des méthodes internes qui offrent des services adaptés dans le but de répondre aux besoins et attentes des citoyens, premiers bénéficiaires des projets et principaux inspirateurs des appels à idées et des appels à projets des aménageurs urbains.

Promoteur : une profession en transition pour de nouvelles compétences

Une manière d’intégrer la pratique urbaine quotidienne des habitants est de créer des pôles de recherche au sein de l’activité du promoteur. C’est ce que le groupe Réalités propose avec la création de filiales dédiées à mener des réflexions quant à ces différentes pratiques de l’espace urbain en fonction de leurs lieux de vie. Ainsi, ces dernières cherchent à identifier les différents modes de vie en se mettant à la place des bénéficiaires des équipements. Avec la création de la filiale Heurus, Habitat et services, le groupe réinvente  par exemple un modèle pour prendre en compte les besoins des personnes âgées avec l’implication d’experts et de chercheurs, comme un professeur en gérontologie.

Deux autres filiales se sont également développées au sein du groupe comme Réalités Life + qui propose des solutions dans divers domaines, tel que le médico-social, la petite enfance ou les résidences services pour étudiants, personnes âgées et loisirs. Il s’agit d’offrir une expérience urbaine de qualité à l’utilisateur par la transformation du bâtiment en un lieu de vie ouvert, flexible et adaptable, tout en respectant la dimension environnementale. Pour le groupe, il s’agit de repenser l’organisation de la ville, imaginer la densification des villes, avec la mixité comme potentiel de développement vertical. Enfin, une nouvelle filiale vient de débuter ses activités Up2Play afin de développer une expertise sur les pratiques sportives et de loisirs.

Un projet de ferme urbaine dans la Résidence Novatio à la Rochelle prévu pour 2020, est un exemple de la volonté de remettre la qualité de vie au cœur des projets immobiliers urbains du groupe Réalités. Le projet comprend deux bâtiments connectés par une serre en verre et il met à disposition des habitants, des terrasses, des balcons, des loggias et des potagers urbains dans une volonté de créer une écologie urbaine. Proche de la nature, ces espaces se présentent comme des extensions des espaces intérieurs. Le lien à la nature est présenté par le groupe comme une manière d’améliorer le bien-être des occupants des résidences qu’ils conçoivent et selon Christophe Noel, directeur général délégué en Aquitaine, ce projet vise “à reconnecter les habitants aux rythmes de la vie”.

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  Les potagers urbains prendront place sur le toit de la résidence – Crédit photo avec l’aimable autorisation du promoteur ©Réalités

Des projets monofonctionnels à des projets mixtes à haut niveau de services

Depuis quelques années s’observe un glissement de logique dans la fabrique de la ville. Souvent pensée comme une addition de zones fonctionnelles, c’est à dire d’espaces où travailler, où habiter ou encore se divertir, de nos jours, à contrario, il s’agit de penser les grands projets urbains comme des lieux mixtes où les activités se croisent et se regroupent. Cela reflète aussi des modes de vie plus complexes.

Limiter les déplacements inutiles, très pollueurs alors que nous sommes en pleine crise écologique, et se re-concentrer sur les besoins humains, tant dans les usages que dans le bien-être, est le parti qu’a pris Altarea Cogedim. Actuellement en cours de construction au sein de la ZAC Toulouse Aerospace, Altarea Cogedim y propose un ensemble pluri-fonctionnel regroupant logements, bureaux, équipements culturels et commerces de proximité. Située sur le site historique de Montaudran, d’où décollaient historiquement les pionniers de l’aviation civile, le quartier se construit autour de la célèbre piste d’aviation. Cette dernière devient ainsi une centralité pour la ville.

Ce sont 56 hectares qui vont être bâtis avec, au sud, une partie dédiée à la technologie en cohérence avec le site d’Airbus, et au nord, un ensemble de lieux culturels avec l’implantation du musée de l’aéropostale et de la halle des machines accueillant le Minotaure. Cet ensemble vient créer un nouveau morceau de ville, avec une forte mixité fonctionnelle qui vient apporter dynamisme et vie au sein du quartier. Dans la même logique, le promoteur propose de favoriser la mixité des usages avec la création de 13 500 m2 de bureaux et commerces, de 800 logements et d’un cinéma. En résonance avec le passé historique du site et l’ambition portée par la ZAC, le travail du groupe cherche à renforcer la qualité de vie des habitants en leur offrant une offre de services correspondant à leurs besoins.

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Le futur quartier Aerospace à Toulouse qui accueillera une mixité programmatique riche – Crédit photo avec l’aimable autorisation du promoteur ©Altarea Cogedim

Par ailleurs, d’après Altarea Cogedim, un bon cadre de vie passe également par la limitation des nuisances des chantiers de construction d’un grand projet urbain. Ainsi, un effort particulier s’appuie sur le phasage des travaux qui bien orchestrés peut permettre d’offrir aux premiers résidents un cadre de vie plus agréable. C’est ce qui s’opère actuellement sur le quartier de la ZAC de Montaudran, un très grand projet qui se fait sur une temporalité longue et où souvent les premiers habitants arrivent dans un lieu où les équipements et services ne sont pas encore sortis de terre. La sortie des diverses fonctions et services de l’ensemble de son opération a été répartie afin que les premiers arrivants subissent le moins possible les nuisances des chantiers. Il s’agit aussi de leur faire bénéficier des services essentiels dès leur arrivée. Pour cela, seulement six mois sépareront l’installation des habitants de l’ouverture des commerces.

Appréhender l’évolution des modes de vie implique-t-elle une autre forme de gouvernance ?

Notre société est en train de vivre de fortes mutations : on ne vit plus de la même façon que nos aînés. D’un point de vue familial, le recul de la vie active avec l’allongement des études engendre une vie de couple et l’arrivée du premier enfant plus tardifs. Les structures familiales se complexifient : le nombre de familles recomposées, ou monoparentales augmente. De plus, le rapport au travail évolue avec toujours plus de travailleurs indépendants et de télétravailleurs chaque année. Enfin, les rythmes de vie sont toujours plus intenses et obligent à une optimisation des temps “libres”, chaque geste de la vie quotidienne doit prendre le moins de temps possible.

L’ensemble de ces mutations viennent re-questionner la façon dont la ville est fabriquée : ce qui est construit est-il réellement adapté à la façon dont les personnes vivent et pratiquent la ville ? Bien que premiers concernés par les projets urbains, les habitants ont été longtemps mis de côté dans le processus de fabrication de celle-ci. Aujourd’hui, ils revendiquent des projets urbains à leur image et adaptés à leurs modes de vie. Ils se considèrent à nouveau légitimes dans leur pratique de la ville et de leur quartier.

Des espaces flexibles et adaptables à nos modes de vie contemporains

Dans le domaine du travail, Altarea Cogedim cherche donc à prendre en compte l’évolution des besoins dans la conception de ses bâtiments de bureaux.  L’évolution de l’approche managériale les a poussé à repenser l’organisation des espaces : les nouvelles générations de travailleurs attendent de nouveaux modes de gouvernance. Pour cela, le promoteur réfléchit à l’intégration d’espaces de convivialité, qui permettent à chacun de parler de manière moins formelle et qui se révèlent être des lieux où les échanges sont constructifs.

Comme nous l’explique le promoteur, la création de ces lieux conviviaux ne répondent pas seulement à un phénomène de mode, mais ont un réel impact dans la manière de concevoir des bureaux. L’organisation de ces derniers est remise également en question : le modèle de l’open-space n’est plus favorisé, au profil de la création d’espaces aux degrés d’intimité repensés. Ainsi, le promoteur cherche à créer au sein de ses bâtiments des espaces modulaires et flexibles qui puissent s’adapter à la fois au fonctionnement de l’entreprise, mais également de ses travailleurs.

Préfigurer les modes de vie par l’expérimentation

Les villes font donc face à des défis liés à la diversification des modes de vie et à un renouvellement rapide des tendances et pratiques de l’espace urbain. Par ailleurs, la vacance de bâtiments dont l’organisation interne, devenue obsolète, fait souvent l’objet d’études de transformation. Alors dans l’attente des travaux, le bâtiment se trouve toutefois le plus souvent vide. Cette absence d’activités peut alors rendre des quartiers peu attractifs et vides, alors même qu’ils sont situés à des emplacements particulièrement stratégiques limitant les flux et la vie urbaine.

Pour éviter ce phénomène, Novaxia mise sur l’occupation temporaire. L’enjeu est d’optimiser la vacance et de créer de la valeur en favorisant la mixité afin de répondre aux nouvelles tendances et aux nouveaux modes de vie. Cette occupation prend forme par un aménagement interne du bâtiment qui permet l’adaptabilité des pièces dans le but de répondre aux besoins futurs car, selon le fondateur de Novaxia, rien ne garantit que le modèle patron-salarié encore prépondérant ne soit le même dans une trentaine d’année. Les tendances qui se développent comme le télétravail, le freelancing ou le développement de start-ups démontrent une certaine émancipation de l’employé. Pour cela, il s’agit d’interroger les données démographiques et sociologiques pour créer un projet adapté à la demande et anticiper par la modularité du bâtiment les modes de vie futurs.

Ainsi, le temps de la mise en route d’un projet, au lieu de simplement rémunérer un gardien pour surveiller les locaux, Novaxia propose la location de ses biens à des associations ou des organismes pour seulement 1 euro symbolique. Un projet qu’ils ont par exemple mené lors de l’achat d’un bâtiment vacant du 5ème arrondissement de Paris, Les petites serres, où l’exploitation d’un peu plus d’un an a été confiée à l’association Aurore, et au gestionnaire Plateau urbain. Le lieu est ainsi devenu un laboratoire de nouveaux usages accueillant des hébergements temporaires pour personnes sans domiciles fixes, ainsi qu’une forte diversité d’acteurs, tels que des start-ups, des associations, des artistes, des structures immobilières, mais également un théâtre immersif “Le secret”. Ce lieu a fermé ses portes en octobre 2018 pour laisser place à un hôtel.

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Entrée du théâtre “Le secret”, installé dans Les petites serres – Crédit photo avec l’aimable autorisation du promoteur ©Novaxia

Ainsi, les opérateurs de l’immobilier, impulsés par les appels à projet urbains innovants des métropoles, doivent aujourd’hui repenser la ville vivante, c’est-à-dire la ville dynamique qui offre et mixe toutes les fonctions. Ils suivent ainsi les tendances urbaines marquées par l’évolution des modes de vie des habitants pour améliorer le cadre de vie et le rendre plus durables aux changements de société.

Reste que l’anticipation des tendances urbaines restent incertaines ce qui pousse certains promoteurs immobilier innovant comme Novaxia à intégrer des campagnes de crowd funding dans toute la France pour un minimum de 5 000 euros d’investissement dans un projet. Une initiative encourageante, mais qui questionne encore la capacité à terme pour tous les habitants d’y participer. Une ambition que l’entreprise porte à plus long terme et qui ouvre un nouvel enjeu pour le partage de la gouvernance entre le métier de promoteur et les citoyens.

Pour plus d’infos proposées par les promoteurs, rendez-vous sur cette page.

Crédit photo de couverture ©Dakota Roos via Unsplash