Chaque année, le début de l’été annonce le départ d’une des compétitions de cyclisme les plus suivi au monde. Diffusé sur plus de 80 chaînes de télévision dans environ 190 pays, c’est près d’un milliard de téléspectateurs qui suivent le mois d’épreuves, et qui en font la troisième compétition sportive la plus suivie au monde après les jeux Olympique d’été et la coupe du Monde de Football. Entre compétition sportive, suspens et découverte du territoire français, le tour de France a réussi à allier culture et sport, découverte patrimoniale et ferveur populaire, de quoi séduire un large panel de supporters.
Promouvoir les territoires par le tour
En 2020, ce sont 280 villes qui ont candidaté pour accueillir le tour le temps d’une étape. Un grand engouement qui s’explique par la deuxième vocation de l’événement, celle de promouvoir les territoires français. Les villes sélectionnées doivent répondre à certains critères : avoir une capacité hôtelière conséquente permettant d’accueillir les 176 coureurs, les 450 membres des équipes, et les 1800 journalistes présents sur le tour, mais également une avenue longue de 800 mètres et large de 10 mètres pour assurer la sécurité des cyclistes.
Devenir ville étape du tour de France, c’est surtout s’assurer des retombées économiques et promotion touristiques pour la ville : les investissements financiers ( de 60 000 à 110 000 euros pour la ville) sont rapidement comblés par des retombées pour la ville, que se soient en terme d’hébergement, de restauration mai aussi touristique puisque qu’on estime qu’accueillir le tour le temps d’une étape amène l’année suivant 10 % de fréquentation touristique en plus (Source : Les échos).
Plus que d’accueillir un événement sportif, les villes en font un véritable élément de marketing territorial : compte à rebours, décoration de la ville, mise en valeur du patrimoine et célébrités locales, chaque ville essaye de tirer son épingle du jeu, faisant preuve de créativité pour marquer les esprits et attirer le maximum de curieux par la suite.
Crédit ©Rob Larsen via Wikipédia
Mais alors, pourquoi certaines refusent ?
Suite au désistement de la ville de Copenhague suite au coronavirus pour le départ du tour de 2021, la ville de Rennes était pressentie pour accueillir la compétition. Mais suite aux élections municipales qui ont élu Nathalie Appéré (PS) à la tête de la mairie, la ville a souhaité retirer sa candidature. Derrière cette décision qui n’a pas convaincu tout le monde, des revendications écologiques et financières face à un tour de France trop gourmand.
En pleine crise du coronavirus, les dépenses engendrées par les villes accueillant le tour de France peuvent poser question. À l’heure où une crise sociale se dessine, la ville de Rennes a choisi de préserver ses finances dans le but d’anticiper au maximum cette dernière. Même si la compétition sportive est un événement qui participe à la renommée de la ville, les dépenses engendrées, sans garantie totale du retour sur investissement, sont un frein pour la ville : « Dans le contexte actuel, chaque dépense nouvelle ne peut entraîner que l’annulation d’autres dépenses. Il nous faut également prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire et de la crise sociale à venir. Nous avons collectivement préféré la prudence et la raison » explique Marc Hervé, 1er adjoint à la mairie.
Mais derrière les dénonces du coût de l’événement, c’est également l’impact écologique qui est décrié. Chaque année, ce sont près de 15 millions de goodies qui sont distribués par la caravane du tour aux spectateurs postés sur le bord des routes. La plupart de ces goodies sont fabriqués en Chine et ne serviront pratiquement pas. L’an dernier, une tribune écrite par plusieurs associations écologistes et zéro déchet avait été publiée sur le JDD demandant aux organisateurs “de stopper la distribution de ces gadgets de plastique” et de faire entrer le tour dans un cercle plus vertueux.
Crédit photo ©Rob Larsen via Flickr
Vient s’ajouter à cela, l’importante quantité de déchets, en partie créée par la distribution des goodies, mais aussi par les coureurs eux mêmes. On estime d’ailleurs à 3 tonnes le poids de déchets à ramasser dans chaque ville étape après le passage du tour.
L’empreinte écologique du tour est fortement détériorée par le nombre de véhicules motorisés qui suivent les cyclistes tout au long du mois de compétition. Entre les voitures des équipes des coureurs, les véhicules des journalistes, les motos qui animent la course, les équipes médicales, les hélicoptères qui filment le tour et l’ensemble des voitures sponsorisées de la caravane, ce sont près de 550 véhicules qui se sont élancés sur le tour en 2017. De nombreux militants et élus écologiques pointent d’ailleurs du doigt la pollution engendrée par ce nombre faramineux de véhicules qui suivent les cyclistes pendant le mois de compétitions. En réaction aux critiques, l’organisation du tour a décidé cette année que la vingtaine de véhicules officiels (les véhicules rouges) rouleront en hybride.
Le tour, un événement à réinventer ?
À l’image des dernières élections municipales françaises où une majorité de maires élus dans les grandes villes sont écologistes, les villes et leurs habitants se mettent au vert. Le refus de la ville de Rennes de devenir ville étape du tour de France pourrait largement se démocratiser. Pourtant ce sont ces mêmes villes qui cherchent à valoriser la pratique du vélo dans leurs rues afin de diminuer la place de la voiture. Car rappelons-le, le vélo reste l’une des mobilités les plus écologiques. Le Tour de France pourrait d’ailleurs être un bon moyen de promotion de cette pratique. C’est d’ailleurs ce que souhaite un bon nombre d’élus en demandant aux organisateurs de promouvoir une pratique plus vertueuse du cyclisme, loin des goodies plastiques, de la pollution des véhicules et du dopage.
Les villes et le Tour de France pourraient travailler main dans la main à oeuvrer à transformer cet événement populaire et incontournable : les villes-étape pourraient par exemple être le temps du Tour des lieux de formations aux règles de sécurité routière, à la sensibilisation à la pratique du vélo en ville, de réparation et entretien des vélos des particuliers.
Dans une époque où la sobriété écologique ne peut être écartée des politiques publiques des villes mais aussi de l’organisation de grands événements, le Tour de France doit lui aussi faire preuve d’inventivité pour transformer son fonctionnement. Les villes ont également leur rôle à jouer la-dedans : faire du passage du tour un vrai moment de pédagogie !
Photo de couverture crédit ©Nicolas DUPREY/ CD 78 via Flickr