Abeilles : une idylle en ville

À premiĂšre vue, les abeilles semblent avoir trouvĂ© leur refuge en ville. On les voit butiner dans nos rues et la mode est aux ruches sur les toits. Contrairement Ă  la campagne oĂč l’agriculture chimique les dĂ©cime, en ville la baisse de l’utilisation des pesticides leur rend la vie facile. Elle profitent de tempĂ©ratures plus agrĂ©ables et d’une grande diversitĂ© florale. Balcons, jardins, pĂ©piniĂšres, parcs et mĂȘme cimetiĂšres, autant de sources de pollens pour les abeilles qui peuvent ainsi se rĂ©galer : une aubaine pour les butineuses !

À Lyon, Bordeaux, Paris, malgrĂ© les pics de pollution, les abeilles se sentent bien, on y installe des ruches depuis plusieurs annĂ©es et l’on produit mĂȘme du miel de ville. On vante les ruches urbaines comme une preuve de rĂ©ussite Ă©cologique. Mais toutes les abeilles ne sont pas gagnantes dans cette affaire.

abeilles

Les ruches du Jardin du Luxembourg Ă  Paris – CrĂ©dit photo ©Guilhem Vellut via Flickr

Une ruche qui cache la forĂȘt

Les chercheurs Jonas Geldmann et Juan P. GonzĂĄlez-Varo ont prĂ©sentĂ© dans le magazine Science, “Conserver les abeilles Ă  miel n’aide pas la faune sauvage” (“Conserving honey bees does not help wildlife”). Ils veulent mettre en avant la confusion entre l’abeille domestique (ou Ă  miel), celle que nous croisons quotidiennement et les diffĂ©rentes espĂšces d’abeilles dans la nature. Leur travaux ont dĂ©montrĂ© que l’installation d’un grand nombre de ruches peut causer une rude concurrence pour la faune. Selon-eux, il faut “penser l’abeille Ă  miel comme du bĂ©tail, pas comme la faune naturelle”. Les scientifiques avancent mĂȘme que l’abeille Ă  miel pourrait causer de la disparition des autres espĂšces, car elle consomme la majoritĂ© des ressources.

Les abeilles comptent des centaines d’autres espĂšces, et la majoritĂ© d’entre elles ne sont pas de grandes productrices de miel. Elles ne vivent pas dans les ruches, mais sont solitaires. Ces abeilles sauvages sont un peu les oubliĂ©es de la disparition massive des insectes pollinisateurs. Moins connues, elles ne trouvent pas de refuge en ville, oĂč l’artificialisation des sols et le manque de plantes ne leur permet pas de s’installer, tandis que dans les parcs, notre abeille domestique occupe toute la scĂšne, ne laissant que peu de place pour ses cousines sauvages.

Au final, si la ville est un lieu de vie privilĂ©giĂ© pour nos abeilles domestiques, la biodiversitĂ© des butineuses est elle toujours grandement menacĂ©e. Les chercheurs prĂ©cisent que l’apiculture n’est pas une ennemie pour les autres espĂšces d’abeilles. Mais elle peut ĂȘtre envahissante pour celles-ci si elle est sur-reprĂ©sentĂ©e dans un territoire restreint, comme une ville oĂč les espaces de nature sont rĂ©duits. Il est donc nĂ©cessaire de faire attention au placement et au nombre des ruches pour ne pas trop concurrencer les autres insectes pollinisateurs. Mais l’avantage de la “starification” des abeilles Ă  miel, est que cela permet de rendre visible l’extinction massive en cours pour toutes les autres espĂšces d’abeilles.

La ville reprĂ©sente un lieu de vie agrĂ©able pour toutes ces espĂšces chassĂ©es des campagnes par les pesticides de l’agriculture intensive, il faut donc Ă©viter qu’elle ne devienne le territoire d’une seule espĂšce. Car on le rappelle les abeilles et tous les insectes pollinisateurs sont des espĂšces essentielles pour la vie des plantes. La conservation ne doit pas seulement se concentrer sur les espĂšces qui semblent “utiles” Ă  l’homme, toutes les espĂšces le sont. Elles reprĂ©sentent une biodiversitĂ© qui ne peut ĂȘtre retrouvĂ©e si elle vient Ă  disparaĂźtre, une richesse naturelle qui s’agit de protĂ©ger dans sa globalitĂ©, pas uniquement quelques espĂšces.

La crĂ©ation d’espace verts avec une diversitĂ© florale riche est un bon moyen d’aider les abeilles ©trackmetal via Pixabay

Des progrĂšs environnementaux

Heureusement il y eu a des avancĂ©es environnementales. La loi de transition Ă©nergĂ©tique pour la croissance verte de janvier 2017 a interdit l’usage des pesticides pour l’entretien des espaces verts. En 2019, les particuliers ne pourront plus acheter et utiliser de produits phytosanitaires.

Des associations environnementales ont d’ailleurs crĂ©Ă© une carte des villes et villages sans pesticides. Un recensement qui prend du temps, vous pouvez les aider en vous rendant ici.

Cependant, ces mesures reste principalement urbaines, pour sauver les abeilles, le problĂšme est plus grand. L’épandage de pesticides reste le principal problĂšme dans les zones rurales. Tout comme la disparition des zones naturelles. En attendant des jours meilleurs pour les abeilles de la campagne, on espĂšre que le refuge urbain permettra de maintenir un maximum d’espĂšces en vie mais il faut pour cela permettre Ă  toutes d’y trouver une place.

Si vous voulez agir pour la conservation de toutes les abeilles, l’association “avenir d’abeilles” propose de nombreuses solutions pour accueillir les butineuses, notamment pour fournir des abris aux abeilles sauvages.

Photo de couverture par Damien TUPINIER via Unsplash