Le réseau international des villes apprenantes “learning cities” est un label créé par l’Unesco dans les années 2012-2013. Le référentiel sert à définir et récompenser les villes qui se mobilisent fortement pour assurer une éducation et un apprentissage de qualité à l’ensemble de leurs citoyens, ce, tout au long de leur vie. La ville apprenante est donc une ville qui apprend à ses citoyens, mais qui apprend également de ses citoyens. 

Pourquoi l’apprentissage est au cœur des enjeux dans les villes ? 

Alors qu’on estime que trois quarts de la population mondiale habitent dans une zone urbaine (selon Atlas Human Planet 2019)  les stratégies d’éducation et d’apprentissage au sein des villes deviennent donc de véritables enjeux sociaux, politiques, environnementaux et économiques. La culture de l’apprentissage est une stratégie d’attractivité et de rayonnement territorial des villes apprenantes sur le long terme. Elle y est aussi associée à une certaine qualité de vie. 

Selon l’UNESCO, la ville apprenante est une ville qui mobilise toutes ses forces vives pour assurer à ses habitants un apprentissage de qualité tout au long de la vie, de l’éducation de base à l’enseignement supérieur, sans oublier l’éducation informelle.”. Un concept encore un peu obscur pour de nombreux citoyens, qui connaît pourtant, à l’international, de plus en plus de succès. Désormais, plus de 200 villes mondiales, dans 53 pays, ont rejoint le réseau international des villes apprenantes. 

Ce réseau, créé en 2013, a donc pour objectif de réunir un ensemble de villes autour du monde, afin de favoriser l’apprentissage et l’éducation de long terme des citoyens sur les territoires urbains. Les mesures doivent permettre d’accélérer l’intégration par le travail et les études, assurant par là une forme de cohésion sociale et territoriale. Le développement économique et durable des territoires sur le long terme est également visé, par l’acquisition d’une solide base éducative. Les initiatives invitent à impulser la culture de l’apprentissage dans nos villes, et ce à tout âge, et par le biais d’outils innovants. 

La ville apprenante mobilise les outils modernes d’éducation comme les nouvelles technologies et favorise les synergies entre différents acteurs présents dans la ville – citoyens, étudiants, collectivités territoriales, associations, élus, enfants, adultes …-. L’ensemble de leurs réflexions, travaux et actions concertées permet de dessiner un guide de bonnes pratiques et de projets réussis pour les nouveaux arrivants dans le réseau et pour les institutions politiques qui construisent la ville apprenante. 

Utopie ou réalité ? 

En France, seules 4 villes font partie du palmarès des villes apprenantes mondiales. Rien d’étonnant lorsque l’on sait que le concept reste encore assez méconnu dans notre pays. Mais alors, qu’est ce qui distingue finalement Montpellier, Clermont-Ferrand, Mantes-la-Jolie et encore Évry-Courcouronnes du reste des villes françaises qui ne sont pas inscrites dans ce réseau ? 

Clermont-Ferrand est la première ville française à être labellisée Ville Apprenante, et se distingue par son travail autour de la filière de la viande, un sujet au cœur des actualités sanitaires, écologiques et économiques. La ville a également développé un incubateur, l’espace nelson Mandela, destiné à recevoir toutes les propositions innovantes en lien avec la ville apprenante. La commune de Mantes-la-Jolie, elle, a fait le pari de développer l’apprentissage, afin de favoriser l’emploi dans une ville où la moyenne du nombre de non-diplômés est de 10 points supérieure à celles du reste de la France. La ville a également mis en place des initiatives éducatives comme “collège d’excellence” ou encore des incubateurs pour les femmes “entreprenariat au féminin” afin d’accompagner les femmes dans leur projet de création d’entreprise. 

La ville de Montpellier a fait son entrée en 2019 dans ce réseau et est donc la dernière arrivée. Elle s’est distinguée pendant le confinement par la distribution de matériel pédagogique connecté dans les quartiers défavorisés, destinés à assurer la continuité éducative et un suivi pédagogique pendant le confinement. C’est également une initiative qu’a menée Evry-Courcouronnes tout au long du confinement. Des initiatives très louables, mais parfois hors de prix pour certaines communes, bien que représentant un investissement de long terme. 

La contrainte budgétaire est souvent un premier frein à la mise en place de telles actions : renouveler les infrastructures locales, assurer la distribution de matériel, notamment numérique – donc coûteux- pour les plus défavorisés, attirer l’attention du public par des campagnes de sensibilisation et des conférences… Cela a un coût important, d’autant plus que chaque quartier ne nécessite pas toujours la même attention. La question de répartition des fonds et des ressources débloquées par l’Etat à ces sujets peut alors devenir essentielle. 

Un deuxième facteur, qui peut expliquer ce pourquoi les villes apprenantes ne suscitent pas une adoption générale : la difficulté de percevoir et de mesurer les retombées des actions engagées. L’investissement initial, très important, n’est souvent rentabilisé que des années et des générations a posteriori. De quoi susciter un certain nombre de réticences. Mais le point le plus important à souligner en ce qui concerne la mesure des résultats est sans doute davantage le manque d’outil adaptés. Quels critères doit-on choisir afin de mesurer le niveau éducatif d’un quartier ? Comment calculer les besoins précis des habitants ? Des obstacles – parfois intellectuels- qui peuvent être compliqués à dépasser. Certaines villes apprenantes développent donc leurs propres outils de quantification en parallèle de leurs projets.  

Enfin, le risque principal des villes apprenantes est peut-être de lisser les spécificités de chaque individu, en imposant une culture commune, trop formelle et scolaire sur l’ensemble d’un territoire. Comment instruire et accompagner la population dans son apprentissage sans trop la cadrer, ni effacer les spécificités qui font ses caractéristiques ? Certaines villes se montrent très innovantes et réfléchissent au développement d’apprentissages “informels”, une solution pour les villes de demain ?

Que nous indiquent les villes apprenantes sur ce que seront les villes de demain ? 

S’il est bien une chose à retenir, c’est que la ville apprenante se tourne vers demain : l’apprentissage et l’éducation sont leur investissement de long terme. Les actions qui seront mises en place aujourd’hui auront une répercussion dans quelques années. En quelques mots, la ville apprenante forge la ville compétitive et collaborative de demain. 

Ces villes apprenantes de demain penseront sans doute l’apprentissage sous tous ses angles, même plus informels. Il s’agit ici d’ouvrir la culture  et l’éducation sur la ville, en profitant d’une tendance lancée après le confinement par certains artistes. Gamification de l’apprentissage, investissement des rues et des lieux publics sont des exemples d’initiatives qui ont fait leurs preuves. C’est d’ailleurs déjà un mouvement impulsé par Mantes-la-Jolie, qui se fait le laboratoire d’implantation de solutions alternatives à un apprentissage “”formel”, uniquement scolaire ou universitaire. La création d’un nouveau collège est prévue, dans lequel un amphithéâtre permettra aux habitants du quartier et aux élèves d’apprendre de manière ludique. La médiathèque locale prévoit aussi d’investir l’espace public par une extension sur le parvis qui lui fait face. Les passants pourront alors découvrir au gré de leurs balades la terrasse de lecture, une invitation à s’asseoir et à plonger dans des livres. 

Il semblerait que la ville de demain, plus apprenante, soit également participative et place le citoyen au cœur de ses préoccupations. C’est un des axes principaux sur lequel repose la ville apprenante : une envie de donner une place centrale au citoyen dans la ville, à ses besoins. Elle sera la ville des synergies, du collaboratif. Elle veillera à mettre en contact une diversité d’acteurs, à favoriser la concertation, l’échange et la collaboration. Les notions de solidarité territoriale dans les villes apprenantes ont d’ailleurs révélé leur efficacité pendant l’épisode du covid 19, où, par exemple dans la ville de Clermont-Ferrand a instauré des refuges pour les sans-abris, fragilisés par la crise sanitaire.

Enfin nous pouvons espérer, qu’à la manière de la ville apprenante, la ville de demain soit le fruit d’un double mouvement d’apprentissage : la ville apprendra à ses citoyens et de ses citoyens. Une avancée majeure permise par le big data : en établissant des statistiques, à partir des objets connectés, il sera possible de tirer des conclusions sur les pratiques de la ville et leur impact sur l’espace urbain. Régulation du trafic urbain par celle des feux tricolores, optimisation de l’éclairage urbain, collecte des déchets, sécurité… Tant de sujets sur lesquels les villes peuvent agir en favorisant la concertation avec les citoyens, et peut-être l’exploitation du big data avec toute la parcimonie que cela nécessite.

Photo de couverture Susan Yin via Unsplash