Alors signe de modernité, cette nouvelle forme architecturale et urbaine a pourtant rapidement démontré ses limites et les critiques ont commencé à fuser à leur encontre dès les années 1970. Mais après presque un demi-siècle d’existence dans plusieurs villes françaises, les dalles urbaines ont accueilli de nombreux logements ainsi que de nombreux commerces. Avec eux, une appartenance particulière de la part des habitants à ces lieux parfois très critiqués. De quelles manières ces éléments de la ville ont-ils donc évolué et quel pourrait bien être leur avenir dans les prochaines décennies ?

Les dalles urbaines, nouveau lieu urbain plein d’ambitions

Dès les années 1920, l’idée de dalle apparaît dans l’esprit de certains architectes et urbanistes. Parmi eux, Le Corbusier ou encore Ludwig Hilberseimer participent à l’émergence d’une réflexion à propos de l’agrandissement et de la réorganisation des villes. Ils souhaitent trouver une solution architecturale dans le but de faciliter les déplacements de chaque utilisateur de la ville, en particulier les automobilistes et les piétons. À cette époque en effet, les circulations automobiles étaient de plus en plus compliquées au cœur des villes, rendant plus dangereux encore le passage des piétons. S’il ne s’agit alors que de théories sur ces aspects, la concrétisation des concepts proposés par les architectes de l’entre-deux guerres ne voit finalement le jour en France que quelques décennies plus tard.

Après la Seconde Guerre Mondiale, dans les années 1950-1960, se pose la question de la dangerosité du développement automobile et de la nécessité de protéger les piétons tout en facilitant l’usage des voitures. En 1963, le rapport anglais dit « Buchanan » et intitulé « Traffic in towns » préconise ainsi la réalisation de grandes esplanades urbaines afin de mieux sectoriser les déplacements : au niveau du sol, les voitures ; au niveau supérieur, les piétons. La principale intention de ce rapport est ainsi d’adapter la ville au trafic routier… en le contournant par-dessus.

De vastes dalles sont alors construites à quelques mètres au-dessus du sol dit « naturel » de la ville, au lieu de creuser de nouveaux espaces publics en profondeur. Sous les voiries se multiplient les réseaux en tous genres, comme le métro et l’alimentation en eau ou en électricité. Il semble alors aux architectes bien plus pertinent d’élever le sol de la ville, pour ensuite y ériger de nouveaux immeubles de logements ou de bureaux. L’objectif est alors de construire une ville à différents niveaux de hauteur, plus sûre et plus agréable à vivre, sans les nuisances liées à la présence de l’automobile.

À Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) par exemple, la dalle surplombant la RN 186 supporte un ensemble de commerces, de logements, de bureaux, de services administratifs et de parkings depuis 1957. Cette nouvelle centralité se voyait déjà comme « le cœur vivant de la cité, le lieu des échanges, du travail et des loisirs », comme l’indique un bulletin municipal de l’époque. Mais entre ce qui était projeté et ce qui a finalement été réalisé, se trouve un gouffre. Si bien qu’en 1977, l’opération est déjà stoppée par décision du conseil municipal, du fait de l’échec indéniable de l’opération.

Près d’un demi-siècle plus tard, à Choisy ou ailleurs, l’état des lieux concernant les dalles urbaines semble plutôt peu concluant. À défaut d’avoir eu pour objectif de faciliter les séparations entre des strates hautes et basses et de protéger les piétons des flux routiers ou ferroviaires, les quartiers créés en deviennent alors isolés et bien moins animés que prévu. Parfois même, c’est un sentiment d’insécurité qui peut régner sur ces grandes esplanades usées par le temps.

Lire la suite de l’article ici.

Image en couverture : La dalle de la Défense. Crédit : hrohmann