Pouvez-vous nous présenter l’Agence Thierry Maytraud et ses missions ?

L’Agence Thierry Maytraud (ATM) est une structure pluridisciplinaire fondée en 2011, qui se spécialise dans tout ce qui touche à « l’eau dans la ville », avec un accent particulier mis sur les eaux pluviales. Thierry Maytraud, urbaniste et hydrologue, son fondateur, avait acquis une expérience significative dans le domaine du développement durable urbain depuis 1992. Il avait ainsi pu la mettre au service de la direction d’une équipe de professionnels de divers horizons, à la fois des paysagistes, des ingénieurs, des hydrologues, des architectes, des hydromorphologues, sans se limiter à un profil type. Cette approche transversale permet à l’agence de développer des solutions écologiquement responsables pour la gestion des eaux de pluie et la découverture des cours d’eau.

Les missions de l’Agence Thierry Maytraud sont diversifiées et peuvent être regroupées en deux grands volets. D’une part, les missions opérationnelles : l’agence intervient à toutes les échelles de projets urbains, de la conception de petites places publiques jusqu’à l’élaboration de plans guides urbains sur plusieurs hectares. Elle opère soit en tant qu’Assistant à Maîtrise d’Ouvrage (AMO) soit comme Maître d’Œuvre (MOE), généralement au sein de groupements pluridisciplinaires. Ces missions visent à fournir des réponses immédiates et concrètes dans le cadre de projets spécifiques, souvent à la demande de maîtres d’ouvrage.

D’autre part, nous agissons aussi dans le cadre de politiques publiques : ces missions consistent à travailler avec des départements, métropoles et autres acteurs institutionnels dans le champ de l’action publique   pour révéler et accentuer la place de l’eau au sein des stratégies territoriales. Ces interventions s’inscrivent dans une temporalité plus longue et visent à impulser un changement de perspective durable sur le rôle et la visibilité de l’eau (pluies, nappes, cours d’eau) dans l’aménagement du territoire.

En quoi consiste l’approche moderne d’aménagement urbain dans la gestion des eaux pluviales ?

Historiquement, la gestion des eaux urbaines, notamment des eaux pluviales, s’est longtemps inscrite dans une logique dite du « tout-tuyau », qui vise à évacuer l’eau hors des villes le plus rapidement possible. Cette approche, héritière des principes d’hygiénisme urbain, a longtemps été privilégiée pour des raisons sanitaires et de commodité.

Cependant, à partir de la période d’après-guerre, l’urbanisation massive des territoires cumulée au busage des rivières et surtout à la mise en réseau systématique des ruissellements dans les opérations d’aménagement, a participé d’une accélération de la vitesse de l’eau qui a profondément modifié les équilibres des bassins versants. L’augmentation du nombre d’inondations dues à la saturation des canalisations a poussé les services d’assainissement à réinterroger leurs pratiques en matière d’eau pluviale. À l’origine, les réponses apportées à ce problème ont été essentiellement hydrauliques, se concentrant sur l’amélioration des capacités du réseau existant.

Parallèlement, une nouvelle approche a émergé, s’éloignant de la vision technique et rigide du « tout-tuyau » pour privilégier l’intégration de l’eau dans la ville. Elle s’appuie sur la création d’espaces verts, de parcs et d’aménagements urbains capables de recueillir et d’infiltrer l’eau de pluie, favorisant ainsi le cycle naturel de l’eau.

1- Temps sec2- Pluie décennale 3- Pluie trentennale Croquis perspectifs illustrant la gestion des eaux pluviales pour différents niveaux de pluie. De gauche à droite : 1. temps sec, 2. pluie décennale, 3. pluie trentenale

Croquis perspectifs illustrant la gestion des eaux pluviales pour différents niveaux de pluie. De gauche à droite : 1. temps sec, 2. pluie décennale, 3. pluie trentennale

Cette approche moins technique et plus orientée vers l’aménagement offre plusieurs avantages : elle permet de réduire la pression sur les réseaux d’assainissement, de limiter les risques d’inondations, de recharger les nappes phréatiques, d’améliorer la qualité de l’eau par des processus naturels de filtration et de renforcer la biodiversité urbaine en créant des milieux humides favorables à diverses espèces. En somme, elle constitue une réponse durable et écologique aux défis de la gestion des eaux pluviales en milieu urbain, ainsi qu’à l’adaptation de nos villes au changement climatique.

Au-delà d’une simple maîtrise des inondations, la pluie devient alors une matière à valoriser dans la conception des espaces publics et privés. En parallèle des services d’assainissement, la pluie convoque d’autres métiers liés à l’aménagement, l’écologie et le paysage.

Que désigne-t-on précisément par “gestion alternative”, “gestion intégrée” ou encore “zéro rejet” ?

Il s’agit peu ou prou de termes équivalents, chacun d’entre eux désigne une facette différente de l’approche moderne de la gestion des eaux pluviales. Ces termes illustrent également l’évolution du concept au fil du temps : à l’origine considérée comme une alternative possible au tout-tuyau, la gestion de l’eau pluviale doit aujourd’hui être intégrée durablement à notre environnement.

Concrètement, ces approches encouragent la gestion de l’eau au plus près de là où elle tombe, dans des dispositifs visibles favorisant les processus naturels comme l’évapotranspiration et l’absorption par les sols superficiels. À une échelle plus large, cela se traduit par la restauration d’un parcours hydrographique naturel, souvent effacé par le développement urbain, et peut inclure le rétablissement de zones d’expansion de crues naturelles et de débordements contrôlés. 

La rue Sœur Valérie à Asnières-sur-Seine (Conception et réalisation ATM – Crédit photo QUATREVINGTDOUZE)

La rue Sœur Valérie à Asnières-sur-Seine (Conception et réalisation ATM – Crédit photo QUATREVINGTDOUZE)

Chez ATM, nous cherchons à valoriser l’eau tout en nous inscrivant dans le champ de la géographie, de l’urbanisme, de l’écologie. En portant une attention à la singularité des sites et des territoires, l’objectif recherché est aussi de sortir d’une ingénierie standardisée, et de valoriser les savoirs faire vernaculaires liés à l’eau, tels que les dispositifs en pierres sèches ou les chemins creux.

Ces approches sont de plus en plus adoptées et acceptées, même si des freins d’ordre technique, organisationnel et parfois psychologique liés à une peur de l’eau en ville restent encore à lever. 

Rencontrez-vous des difficultés pour convaincre des bénéfices de cette gestion ?

Il peut exister une certaine réticence chez les collectivités habituées à des systèmes de gestion « tout-tuyau ». L’adoption de ces nouveaux dispositifs représenteLire la suite.