Le retour des années folles ?

Cent ans après les années folles, l’entrée en 2020 pourrait-elle nous rappeler une des décennies qui a le plus marqué le siècle dernier ? Il semblerait bien que quelques similitudes concordent entre ces deux décennies.
Alors que 1919 sonnait la fin d’une période compliquée, notamment pour l’Europe, avec les traumatismes laissés par la première guerre Mondiale, la grippe espagnole,  le début des années 20 était un renouveau : l’économie se relance, et les avancées technologiques propulsaient les Etats-Unis et l’Europe dans une modernité certaine. L’électrification des villes se généralisait, l’électroménager envahissait peu à peu les foyers, la voiture se démocratisait et s’installait progressivement dans le quotidien des citadins. En parallèle, les années folles étaient également une intense période de création artistique : les groupes de jazz faisaient danser dans les clubs en vogue, l’art déco s’invitait dans le design et l’architecture, et Joséphine Baker et Coco Chanel vivaient leurs heures de gloire… ! 

Ce début de 2020 sonne lui aussi la fin de deux décennies qui ont donné naissance à des événements tristement célèbres : le 11 septembre 2001 marquait l’apparition du terrorisme islamiste qui a engendré de nombreux conflits géopolitiques à travers le monde ces vingt dernières années. Une période également marquée par plusieurs crises : la crise économique de 2008, la crise écologique et sa prise de conscience tardive, ainsi que les crises sociales qui secouèrent plusieurs pays ces dernières années (des gilets jaunes à Hong Kong, en passant par les printemps arabes ou encore les vives tensions dans les pays d’Amérique du sud). 

Dans ce climat tendu, il semblerait que le monde ait également besoin d’un nouveau souffle, et il se pourrait donc bien que cette décennie incarne elle aussi celle du renouveau et de l’espoir. Une période à venir qui sera certainement marquée par de nombreux enjeux avec le dépassement certain des 8 milliards d’habitants sur la planète, avec le vieillissement de ces derniers (1,4 milliard de plus de 65 ans), l’arrivée sur le marché du travail des millennials et le départ à la retraite des babyboomers, et bien évidement de la limitation du réchauffement climatique et l’assurance d’une la transition énergétique plus que conseillée.

Une décennie pour inventer de nouvelles façons de vivre ?

Une chose est sûre, la question écologique sera au cœur des préoccupations des prochaines années. 

De grands enjeux environnementaux qui vont, on l’espère, nous obliger à changer de façon de vivre, de nous nourrir, de consommer et de nous déplacer. Cette décennie pourrait d’ailleurs être la dernière époque où le pétrole est encore disponible, à l’heure où les ressources s’épuisent et où les solutions alternatives sont de plus en plus mises en avant. L’apparition et la production de nouveaux modes de production d’énergie plus verte risquent de venir modifier nos habitudes quotidiennes. 

Crédit photo Gábor Molnár via Unsplash

Alors que les années 20 du siècle dernier ont été les années de la démocratisation des automobiles, celles du XXIème siècle pourraient être celles de leurs transformations. Les prochaines années signent la fin des véhicules diesel dans de nombreuses villes, la ville de Paris ayant d’ailleurs annoncé leur interdiction en 2024. Une plus grande place aux véhicules électriques devrait donc être accordée, et même aux voitures sans conducteurs. La valorisation de la consommation locale et éthique devrait s’affirmer d’autant plus. Les années folles projetaient la société dans un système de consommation de masse, celles de notre siècle devraient sonner le renforcement de la décroissance amorcée. Le local tend à se généraliser tant dans l’alimentaire (développement des circuits courts), que dans l’habillement et la fabrication d’objets, avec la valorisation des savoirs-faires locaux, et la production de seconde main. Enfin, les matières plastiques devraient peu à peu disparaître de notre quotidien : depuis le 1er janvier, la vente de certains objets en plastique à usage unique a été interdite en France, et devrait se durcir et se généraliser à plusieurs pays. 

Notre manière de communiquer devrait également largement évoluer pendant la prochaine décennie, et ce avec l’apparition et le déploiement de la 5G. Cent fois plus puissante que la 4G, la 5G risque de faire de cette décennie, celle de l’ultra-connectivité. Des changements qui devraient optimiser l’efficacité de l’utilisation de la domotique et des smartgrids dans l’aménagement des villes et des habitats. Mais qui devraient également modifier notre manière de communiquer, et même de travailler.

Enfin, cette décennie nous promet de beaux moments de ferveur et de cohésion. En effet, la France accueillera deux événements sportifs majeurs dans les dix prochaines années à venir : en 2023, la coupe du monde de Rugby viendra envahir les différents stades de France, et en 2024, Paris accueillera les Jeux olympiques. Des moments qui sont souvent l’occasion de célébrer ensemble, et de rassembler la population, comme nous l’a montré la victoire de l’équipe de France lors de la Coupe du monde de football en 2018. D’un point de vue artistique, il se pourrait bien que cette décennie soit également prometteuse, avec une plus grande place accordée à la culture dans la ville et dans l’éducation.

Années 20 : et pour la ville ?

Dans les prochaines années, le visage de nos villes risque lui aussi d’être profondément modifié. Dans un premier temps, il se pourrait bien que ce soit la dernière décennie où la voiture ait une place aussi importante dans les rues : la transformation des rues et des places déjà initiée ces dernières années dans de nombreuses villes devrait s’accélérer en privilégiant une plus grande place aux mobilités douces. La loi mobilité présentée, en décembre 2019, devrait d’ailleurs favoriser le déploiement de mobilités vertes, pour affirmer une transition des villes vers des systèmes urbains post-pétrole. 

20

Crédit photo ©Filipe Lourenço Marques via Unsplash

Dans cette même dynamique, la tendance à la débetonnisation des villes devrait se confirmer, en partie grâce au recul de la place de la voiture, mais également par la réintégration de la nature en ville : Milan promet par exemple la plantation de 3 millions d’arbres d’ici 10 ans. Avec la problématique du réchauffement climatique et des périodes de canicule de plus en plus intenses en milieu urbain, les villes devront s’adapter en proposant de nouveaux espaces verts, appelés îlots de fraîcheur, permettant la régulation de températures excessives. Par ailleurs, l’agriculture urbaine devrait être également un des éléments clés d’un futur proche, comme l’illustre l’ambitieux projet de la plus grande ferme urbaine d’Europe en cours de construction à Paris. L’idéologie de la ville durable développée ces dernières années devrait donc se renforcer et tendre vers une ville nature au service de ses habitants et de la planète. 

Les avancées techniques en termes de construction et de matériaux risquent également d’affirmer la place de l’architecture écologique dans nos paysages urbains : le milieu de BTP va devoir également renforcer sa transition écologique avec la mise en place de chantiers propres, la mise en place de logiques constructives davantage respectueuses de l’environnement avec l’utilisation plus importante de bio matériaux par exemple.

La place de la technologie de plus en plus croissante dans nos villes avec un recentrement sur l’humain : la technologie devra être au service d’une ville collaborative avec une optimisation des énergies consommées, et l’information des citoyens via le libre accès aux data. 

Mais, est-ce que cette nouvelle décennie ne serait-elle pas celle de la diminution de l’importance du phénomène de métropolisation pour une préférence aux petites et moyennes villes ? La crise des gilets jaunes qui a agité l’ensemble du territoire français ces derniers mois illustre bien la nécessité de reconnecter les territoires français, et de créer des liens entre les grandes métropoles françaises et les petites et moyennes villes. C’est d’ailleurs durant cette décennie que l’on devrait voir les premiers résultats du dispositif Action cœur de Ville, créé pour redynamiser 222 communes françaises. L’importance de l’échelle locale dans les dispositifs d’emplois, d’industrie, d’éducation et de démocratie sera certainement l’un des points forts de la décennie prochaine. 

Les années 20 de notre siècle s’annoncent donc pleines de promesses : une décennie charnière où la notion de transition devra être de mise. Et dans cette transition, les villes auront bien sûr un rôle clé à jouer :  depuis des siècles, elles portent les progrès techniques, médicaux, sociaux… Dans cette même dynamique, elles devront être, pour cette décennie à venir, le berceau de solutions écologiques, solidaires, éthiques qui feront de ces dix ans une décennie plus égalitaire, juste et respectueuse de l’humain et de la planète.

Crédit photo de couverture ©Jon Tyson via Unsplash