La campagne, l’idéal d’un mode de vie calme et sain
Depuis des années, le paysage français se transforme, restructuré par un phénomène toujours plus prégnant, celui de la métropolisation. En effet, les Français choisissent toujours plus de vivre en ville, le lieu qui capte le plus d’emploi et de services. A l’opposition de cette polarisation, à la campagne, on assiste à une désertification des services publics et la fermeture de certaines lignes de transports, ce qui semble créer des territoires en déclin. Or, malgré ce constat, les espaces ruraux ont toujours une portée symbolique, autant pour les ruraux que les urbains, étant associé à l’idéal d’un mode de vie calme et serein, dans un cadre moins stressant et moins pollué, où il fait bon vivre.
Un modèle de vie qui inspire toujours puisque le 9 octobre 2018, l’association Familles Rurales a publié un rapport dans ce sens. Son étude « Territoires ruraux : perceptions et réalités de vie » réalisée par l’Ifop voulait comprendre les conditions d’attractivité des territoires ruraux. Deux enquêtes ont été menées, dont une interrogeait environ 1 000 personnes représentatives du “grand public” et l’autre environ 1 500 ruraux.
Les résultats ont été particulièrement révélateur d’un des grands paradoxes que connaît la France : alors que le monde rural est associé à des difficultés socio-économiques, notamment à cause d’un mauvais accès aux soins, vivre à la campagne incarne la “vie idéale” pour 81% des interrogés. Ce pourcentage est pourtant à déchiffrer, car si 38% de l’ensemble du “grand public” indique que le mode de vie idéal serait de vivre et de travailler à la campagne, 43% souhaiteraient habiter à la campagne mais travailler en ville.
Cependant, seulement 19% aspirent donc à une vie totalement urbaine. Il semble alors nécessaire de se questionner sur les qualités associées au style de vie idéal (le calme, l’environnement non pollué et la nature) qu’évoque la campagne et de faire notre petite enquête afin de savoir si ces dernières ne pourraient pas être aussi présentes dans nos villes.
Comment favoriser le bien-être des habitants au sein de nos villes ?
Les villes, attractives pour leur offre de services et d’emplois, sont pourtant souvent lieux de tension et de stress. Avec le phénomène de l’urbanisation croissante à travers le monde, l’importance de créer un environnement favorable à la santé et au bien-être de ces habitants est devenue un objectif pour beaucoup d’acteurs urbains. Certains concepts, comme celui de la Cittaslow (plus communément connu sous le nom de slow city), sont révélateurs de la nécessité du ralentissement de nos rythmes de vie pour réduire les problématiques d’anxiété et de stress urbain qui amènent les citadins à se sentir en mauvaise santé.
Inspiré par le concept du slow food, l’idée de la slow city est née en 1999 au nord de l’Italie lorsque les habitants d’un village se manifestent contre l’installation d’une filiale McDonald’s. Le mouvement se répand rapidement dans l’ensemble de l’Europe, où plus d’une vingtaine de villes se labellisent et se transforme ensuite en réseau international qui compte aujourd’hui 252 villes dans 30 pays différents.
Label de Cittaslow ©voyage.tv5monde.com
Pas moins de 72 critères figurent sur la liste pour devenir une slow city dont les principaux sont les suivants : la disposition d’espaces verts, de zones piétonnes et de modes de transports écologiques, la mise en valeur du patrimoine urbain en évitant la construction de nouveaux bâtiments, la mise à disposition d’un mobilier urbain public, la favorisation de la solidarité intergénérationnelle, la réduction de déchets, le développement du commerce de proximité, le développement d’infrastructures collectives et d’équipements adaptés aux handicapés et la préservation des coutumes locales et produits régionaux. Une longue liste à laquelle s’ajoute un autre critère pour pouvoir adhérer : de ne pas compter plus de 50 000 habitants ! En France, Segonzac en Charente devient la première slow city en 2010.
Ralentir le rythme au sein des métropoles, idées et concepts
Si le concept de la Cittaslow pourrait ralentir le rythme de nos villes, le critère de la taille est un frein majeur pour la labellisation des métropoles mondiales. C’est la raison pour laquelle l’ancien maire de Barcelone, Xavier Trias, et l’architecte en chef de la municipalité, Vicente Guallart, ont travaillé avec le comité des Cittaslow sur un projet Cittaslow Metropole. Les villes de San Francisco, Rome et Milan sont également impliquées, tandis que d’autres villes dans le monde élaborent d’autres concepts afin de ralentir leur rythme.
De différents mouvements prennent forme, rapprochant ville et campagne, comme celui du développement de l’agriculture urbaine. Ainsi, dans le cas de Paris, alors que la présence de l’agriculture autour et dans la ville a diminué avec la forte urbanisation du 20ème siècle, celle-ci revient pas à pas dans le paysage de la capitale.
Cependant, comme dans toutes les villes soumises au processus de densification, la question de la place des espaces verts au sein de Paris se pose. De plus en plus de villes développent des concepts d’”agriculture verticale” afin de produire des produits alimentaires dans une structure occupant une emprise au sol réduite. Mais si ces fermes proposent une solution pour plus de production alimentaire, l’inclusion des valeurs symboliques liées au bien-vivre qu’évoque la campagne demeure compliquée.
Alors comment créer une ville avec les aménités de la campagne ?
Les villes reconnaissent leur déficit en termes de qualité du cadre de vie, et sont alors de plus en plus soucieuses de la mise en place d’équipements permettant de retrouver les qualités du monde rural en leur centre. En effet, si autrefois, les villes étaient attractives grâce au fait d’attirer les entreprises, elles doivent aujourd’hui réussir de devenir un endroit où l’on veut être.
Le concept de la “ville marchable”, notamment prôné par l’urbaniste américain Jeff Speck, s’attaque à une des raisons, et des conséquences majeures de la moindre qualité de vie en ville : la pollution sonore et atmosphérique. Une ville marchable est une ville où il fait bon marcher et où le quotidien se saisit à portée de marche. La ville marchable n’a non seulement comme avantage de réduire les pollutions, mais également de pousser les individus à se déplacer à pied, et, par conséquent, d’être favorable à leur santé grâce à une activité physique élevée. Ainsi, notamment les villes américaines voient ici un bon moyen pour lutter contre l’obésité. La diminution de voitures permet d’ailleurs de dégager de l’espace, utilisables pour la mise en place d’espaces verts, de détente et de bien-être.
©ceosforcities.org
Mais la ville marchable ne se caractérise pas uniquement par la question de la mobilité. C’est une ville qui favorise les services de proximité et qui souhaite réduire les déplacements quotidiens des habitants.
Ces dernières années, de plus en plus de structures s’occupent de la vente de produits locaux, et grâce à certaines initiatives comme La Ruche qui dit oui !, entreprise commerciale qui a comme objectif principal de réduire le nombre d’intermédiaires entre les producteurs et artisans et les consommateurs. Sur une plate-forme en ligne, les “Ruches” proposent chaque jour des produits frais que les consommateurs peuvent récupérer à un jour fixe par semaine dans un lieu public. Il existe une multitude d’autres démarches, comme Les Incroyables Comestibles, un mouvement qui veut créer une offre importante de nourriture gratuite à partager. Ce mouvement a émergé en Angleterre en 2008 qui est aujourd’hui international.
En ville, les marchés représentent aussi ce lieu à la campagne, apportant de bons produits mais aussi des liens entre commerçants et clients différents. On propose dans la ville une sorte de parenthèse de proximité. Un esprit de village que l’on retrouve dans de nombreuses initiatives actuelles qui visent à créer un lien social nouveau en ville.
Avec le numérique, de nombreuses plateformes de réseaux de voisinages voient le jour, comme ShareVoisins des prêts et emprunts d’objets du quotidien entre voisins, via une interface collaborative. De même, dans les villes se développent des conciergeries de quartiers qui apportent des services simples et quotidiens de proximités aux habitants, comme pouvaient le faire des petits commerces de campagne à l’époque où ils étaient le cœur du village et jouaient un rôle aussi social dans celui-ci.
Lulu dans ma rue est une conciergerie de quartier ©luludansmarue.org
Enfin, bien sûr, pour s’inspirer de la campagne, les villes se doivent d’intégrer plus d’espaces verts et de lieux de respiration dans leur conception. Car ils participent grandement à améliorer la santé des citadins (stress, pollution de l’air, …) mais aussi apportent de la fraîcheur en été. C’est aussi là où se promènent les habitants et où ces derniers vont pratiquer différentes activités. Comme par exemple, le projet de Toulouse Métropole qui propose de créer une sorte de « Central Park » sur l’Île du Ramier. Les villes remettent les espaces verts au cœur de leur ville et les considèrent comme des projets d’ampleur à part entière.
Mais la ville peut être elle aussi une source d’inspiration pour les campagnes ! Elle est le coeur d’une vie culturelle riche, elle accueille une grande diversité de populations, de cultures, d’activités, et représente ainsi un lieu d’ouverture sur le monde. C’est le foisonnement, l’imprévu, la découverte. Un mode de vie certes plus rythmé, mais qui possède aussi son charme et qui permet de s’épanouir dans une variété d’activités. La ville donne accès à une vie différente de celle de la campagne, qui est complémentaire. Il ne s’agit donc pas de créer un espace uniforme qui regrouperait ces deux univers, mais davantage de créer des ponts entre eux pour toujours plus de bonheur en ville.