La gare du Nord avec ses 700 000 voyageurs jours regroupant les grandes lignes ferroviaire Thalys, Eurostar, TGV, mais également les lignes de banlieue et TER, et les métros, dont la dernière rénovation prévoyait un demi million d’usagers quotidien, paraît plus que jamais saturée. Avec une prévision à 900 000 voyageurs journaliers d’ici 2030, la rénovation de la gare semble obligatoire.
Pourtant, porté par SNCF Gares & Connexions et la foncière Auchan, co-désignés lauréats de l’appel d’offres en 2017, le projet de rénovation et d’extension de la Gare du Nord fait couler beaucoup d’encre depuis plusieurs mois. Dans une tribune publiée par une vingtaine d’architectes et d’urbanistes de renom, dont Jean Nouvel et Roland Castro, sur Le Monde, ces derniers dénoncent la démesure et la sur-commercialisation du projet au détriment de l’expérience voyageur. En effet, le projet prévoit de doubler la surface de la gare en y agrégeant 30 000 m² de surface commerciale, 15 000m² de bureaux, une salle de spectacle et un club de sport.
La mairie de Paris jusqu’à présent en faveur, se désolidarise du projet en novembre dernier en émettant des premières réserves. Elle mandate alors 4 architectes et urbanistes, Pierre Veltz, Jean Louis Subileau, Anne Mie Dupuyat et Caroline Poussin, ainsi que le cabinet de conseil suisse SMA, pour analyser et proposer des améliorations au projet, dans le cadre de l’enquête publique qui se clôturera le 7 janvier. Le rapport, présenté lundi 6 janvier par les 4 experts, souligne, selon Jean Louis Missika, 1er adjoint à la mairie de Paris chargé de l’urbanisme “des problèmes majeurs en matière de congestion à l’intérieur et à l’extérieur de la gare, de sécurité des voyageurs, de surdensification du quartier, de programmation commerciale inadaptée et de la détérioration des conditions pour les voyeurs du quotidien”.
Mais alors que faut-il retenir de ce rapport ?
Une prévision du trafic surévaluée
Estimée à une fréquentation de 900 000 voyageurs par jour d’ici 2030, il se pourrait bien que ces chiffres, annoncés par les concepteurs du projet, ne soient en réalité faussés. En effet, les experts projettent quant à eux une estimation deux fois moins élevée, avec une augmentation de 1% de la fréquentation par an. La différence de ces deux estimations s’explique en réalité dans la prise en compte de l’offre commerciale et tertiaire portée par le projet : avec plus de 45 000 m² ajoutés à la gare, la fréquentation journalière sera de ce fait amplifiée.
Une programmation surdimensionnée
C’est d’ailleurs l’une des principales critiques émises par les experts : le projet de rénovation de la Gare du Nord risque de provoquer une densification excessive dans un espace et un quartier déjà fortement saturés. L’ajout de surfaces commerciales, de bureaux et de loisirs, est perçu comme une cause de dégradation des futures conditions de voyage des usagers. L’équipe mandatée propose d’ailleurs de réduire de 15 000 m² le projet commercial.
Une dégradation des conditions de voyages pour les utilisateurs quotidien
La solution proposée pour l’amélioration des trajets voyageurs au sein de la gare, c’est à dire l’ajout de passerelles pour la différentiation des flux arrivée et départ est fortement pointée du doigt par les experts. L’ajout de ces passerelles viendrait considérablement augmenter les durées d’accès aux quais pour les voyageurs quotidiens de la gare, qui représentent 70% de la fréquentation journalière.
Un projet qui vise à réorganiser les grandes lignes
Enfin, les experts soulignent que les aménagements proposés favorisent principalement l’accès aux grandes lignes ferroviaires au détriment des plus petites lignes, majoritairement concentrés dans les souterrains et qui sont actuellement celles qui ont le plus besoin de restructuration.
A quelques mois des municipales, le projet de la Gare du Nord est donc au cœur des préoccupations de nombreux élus, alimentant alors le débat avec l’exécutif qui soutient le projet qui y voit le besoin urgent de rénovation notamment avec l’arrivée des Jeux olympiques en 2024. En réaction aux conclusions portées par les experts, Anne Hidalgo, la maire de Paris, demande un nouveau phasage du projet : dans un premier temps, les travaux devront mener à l’amélioration concrètes de conditions des voyages des usagers avant les Jeux, et appelle à repenser les programmes complémentaires et l’insertion urbaine du projet dans une temporalité plus longue.
La fin de l’enquête publique lancée en novembre dernier, devrait mener rapidement à la prise de décision du préfet quant à la délivrance ou non du permis de construire pour le projet. Une affaire à suivre de prêt.
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