Après quelques rebondissements, la COP 25 se déroule finalement à Madrid, sous la présidence du Chili qui devait initialement l’accueillir. En effet, les mouvements sociaux qui secouent le pays ont poussé à renoncer à cet effort logistique difficile à concrétiser dans la capitale. La proposition de l’Espagne de se charger de cet événement international, à un mois seulement de la date prévue en refusant de le reporter, témoigne du sentiment d’urgence qui se répand à propos des questions environnementales.
Après un sommet spécial sur l’action climatique à l’ONU en septembre dernier, c’est aujourd’hui la nécessité d’un effort réel de coopération internationale et d’une action engagée vers des objectifs communs qui s’affirme de plus en plus. En effet, cette COP 25 est particulière puisqu’elle ouvre sur 2020, année où les 200 pays signataires de l’Accord de Paris de 2015 sont censés revoir leurs engagements en matière de réduction d’émissions carbone.
Avec l’organisation de cette COP 25, Madrid passe de la 7e ville à la 3e ville organisatrice de Congrès à l’échelle internationale, derrière Paris et Vienne. Avec un slogan officiel tel que #Tiempodeactuar, ou #Timeforaction, le message est clair : il faut désormais que les Etats impulsent une action globale de manière beaucoup plus poussée et coordonnée. Alors qu’il existe également un sommet international à l’échelle métropolitaine, le C40 qui rassemble les maires des plus grandes villes du monde engagées contre le dérèglement climatique, il faut aujourd’hui généraliser ces actions à toutes les échelles. Le décret de l’Europe, qui en fait le premier continent à déclarer l’urgence climatique, est symptomatique.
Mais alors, comment la ville de Madrid parvient-elle à incarner ce rôle dans la préparation de la COP 25 ? En quoi les villes peuvent-elles devenir des leaders de l’action climatique ?
Madrid et l’action climatique
Depuis le 24 novembre 2019, à l’occasion du lancement d’un programme de sensibilisation climatique en prévision de la COP 25, la ville de Madrid arbore le slogan “Madrid Green Capital”. Une série d’initiatives sont organisées entre le 24 novembre et le 13 décembre 2019. Ainsi, il est possible de faire une visite guidée des parcs de l’une des villes les plus arborées au monde ! Des ateliers d’installation de compost sont également proposés. Mais surtout, la ville s’apprête à présenter sa stratégie de sensibilisation environnementale 360, avec un projet sur 4 ans et des investissements qui atteignent les 200 millions d’euros. Un projet qui inclut notamment le passage aux transports publics électriques et le développement des pistes cyclables avec l’opération BiciMAD.
Une série de conférences destinées aux différents acteurs de la ville est également mise en place. En incluant notamment les élus municipaux, l’objectif est d’analyser les différents prismes de l’action climatique, et le rôle fondamental des institutions dans cette tâche. Une initiative qui met, une fois de plus, l’accent sur la collaboration des experts et la formation des différents acteurs impliqués dans la décision publique. Un ensemble de mesures qui entend faire écho aux attentes actuelles pour la COP 25.
Son organisation rapide constitue à elle seule un enjeu, notamment dans la limitation des émissions carbone liées à l’événement. On compte près de 20 000 visiteurs, et ce sont 65 000 de tonnes de CO2 créées qui sont prévues. Si le bilan réel est encore incertain, Madrid a fait appel à environ 600 volontaires pour, entre autres, proposer des activités de sensibilisation environnementale, au sein de lieux comme le Parque Retiro, dans le cadre de la mise en valeur du patrimoine naturel de la ville. Le lancement de la plateforme “Volontarios por Madrid”, en collaboration avec la Plateforme des Volontaires d’Espagne, et la Fédération des associations des volontaires de Madrid, permet de revaloriser les forces associatives et la coopération entre les acteurs.
Quand les villes revendiquent le changement
Les villes ont un rôle particulier à jouer dans l’action climatique, et pas seulement parce qu’elles organisent de tels congrès internationaux. En effet, elles se veulent de plus en plus des lieux clefs de revendications pour le climat et d’expression du souci environnemental. On pense notamment aux successives Marches pour le Climat : à la mi-mars, la Marche du Siècle a rassemblé près de 50 000 personnes à Paris, et jusqu’à 350 000 personnes au total dans 22 villes françaises. Le mouvement Fridays For Future mobilise également 6 600 villes, dans plus de 224 pays ! La métropole de New York a même autorisé pas moins de 1,1 millions d’élèves de 1800 écoles publiques à ne pas aller en cours à l’occasion de la marche du 21 septembre 2019.
Une coopération entre ces villes qui sont les lieux d’accueil des revendications pour le climat, et les habitants qui profitent de l’espace public pour s’exprimer sur ces questions. Face à l’inertie des Etats, les actions se multiplient et se diversifient. Ainsi, l’occupation de certains lieux urbains emblématiques devient aussi un moyen d’expression, pour les associations et les populations. Certains équipements symboliques de la ville sont particulièrement visés, comme en témoigne le blocage du centre commercial Italie 2 à Paris, contre le projet d’EuropaCity, avorté il y a quelques semaines face aux réactions citoyennes.
Le travail sur la signalétique urbaine compte aussi : le groupe Extinction Rébellion s’est emparé, fin septembre, des espaces publicitaires lyonnais, en reprenant la charte graphique du Grand Lyon pour sensibiliser en créant des messages forts sur l’urgence climatique. La ville est à la fois le théâtre de ces mouvements, parce qu’elle est un lieu de rassemblement, et l’objet, parce que l’urbanisation accélérée et intempestive est aujourd’hui remise en question. Avec le relais massif de ces actions sur les réseaux sociaux, et une plus grande ampleur des mouvements, il est possible que cette COP 25, déjà particulièrement attendue, soit également une des plus médiatisées.
Quelles initiatives urbaines ?
Plus encore, les villes sont aujourd’hui des leaders de l’action climatique. À l’échelle métropolitaine, les actions se multiplient, et sur différents secteurs. Le C40 qui s’est déroulé du 9 au 12 octobre à Copenhague, a d’ailleurs réuni près de 70 maires de grandes mégapoles cette année ! Ce foisonnement d’initiatives urbaines se fait à échelle locale, ce qui rend parfois les actions plus concrètes que ce que les Etats engagent eux-mêmes. Selon le GIEC, c’est d’ailleurs au niveau local que se joue l’action climatique, avec 50 à 70% des solutions qui s’appliquent à cette échelle. L’agriculture urbaine ou partagée, les espaces qui mettent en avant la consommation locale, les circuits courts, la réparation ou le recyclage des objets fleurissent dans nos villes.
Le rôle des pouvoirs publics est là encore essentiel. Depuis le 1er juillet 2019, la municipalité de Shanghai a rendu obligatoire le tri des déchets, pour ses 24 millions d’habitants. À Grenoble, le projet d’une taxe incitative sur les ordures ménagères pour encourager les gens à réduire leurs déchets devrait être mis en place dans les années à venir. La ville de Deauville se place elle aussi dans cette optique : il est désormais possible d’échanger ses mégots de cigarettes contre des entrées gratuites dans les équipements sportif (piscine, tennis…) plutôt que de les jeter dans la rue.
Le secteur des transports est pour les villes un secteur clé de la transition énergétique. La ville d’Adélaïde, en Australie, a mis au moins un réseau gratuit de bus électriques, fonctionnant à l’énergie solaire. Les bus viennent ainsi se recharger à la gare centrale, pourvue de panneaux solaires. Si toutes les villes ne disposent pas d’un tel ensoleillement, certaines ont su trouver d’autres atouts : ainsi la ville de Reykjavik, élue ville la plus écologique en 2018, a misé sur l’hydroélectricité et la géothermie pour être aujourd’hui alimentée à 100% par des énergies renouvelables !
Un foisonnement d’initiatives urbaines, portées à la fois par les habitants, les pouvoirs publics, les entreprises, qui montrent toute l’imagination et tout le potentiel de l’action climatique en ville. Reste à savoir comment vont-elles s’intégrer dans les négociations de la COP 25 et quels leviers seront proposés pour généraliser l’action climatique.
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