Qu’est qu’un désert médical ?
Un désert médical est grosso modo une zone géographique où le nombre de médecins, notamment généralistes, est par rapport à sa population et ses besoins significativement plus faible que dans les autres zones du pays. On désigne généralement un département qui compte moins de 250 médecins pour 100 000 habitants comme désert médical.
Toutefois, ce terme ne connaît pas de définition officielle, car la question du rapport entre le nombre de professionnels de la santé et la taille de la population ne peut pas être uniquement posée en termes quantitatifs. Notamment l’offre de services et l’attractivité économique, mais aussi des facteurs structurels de la population (âge, revenu etc.) sont à respecter.
À l’utilisation du terme, les pouvoirs publics ont introduit des zones en fonction de plusieurs critères comme l’accessibilité à un professionnel de santé, les caractéristiques de la population, le nombre de professionnels de santé, ainsi que leur âge, leur activité etc. Si les critères de calcul varient selon la spécialisation, ils permettent pourtant de classer un territoire en plusieurs zones : zone fragile (pour les médecins) et territoires gradués (de zones très sous-dotées à zones très sur-dotées) pour les autres professionnels.
Mais comment les identifier et où se trouvent-ils ?
Globalement, même s’il est toujours mieux qu’en avoir davantage, la France ne manque pas de médecins. C’est leur répartition qui est surtout désavantageuse et qui pose le principal soucis. Cette inégale répartition de médecins provoque une augmentation des distances à parcourir pour les consultations professionnelles, notamment dans les régions les moins couvertes par le réseau médical, les trajets pour une consultation de certains spécialistes peuvent dépasser les 45 min (sans compter l’attente sur place).
Pour mesurer la concordance spatiale entre l’offre et la demande à un échelon géographique fin, le gouvernement a introduit en 2012 l’Indicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL), qui vise à améliorer l’accessibilité aux soins. Basé sur des données de l’assurance-maladie et de l’Insee, et calculé à l’échelle communale, l’indicateur tient également compte du niveau d’activité des professionnels et de la structure par âge de la population.
D’après celui-ci, les déserts médicaux se trouvent en France dans les zones montagneuses : en Corse, Alpes du Sud, Pyrénées et Massif central) et dans les zones à très faible densité de population comme l’Eure-et-Loir ou Champagne. Ceci s’explique principalement par des facteurs sociologiques, en partie causés par le système de formation : les étudiants en médecine sont en majorité issus des classes moyennes et classes moyennes supérieures, catégories qui vivent aujourd’hui essentiellement en ville.
S’y ajoute le fait que l’accomplissement d’une formation en médecine demande un investissement de plusieurs années d’études, durant lesquelles les étudiants sont souvent à la charge des parents. Étant donné que les facultés de médecine se trouvent majoritairement dans les villes de taille grande ou moyenne, les jeunes médecins sont habitués à un style de vie urbain.Une installation en milieu rural serait donc un déracinement.
Et pourtant, les déserts médicaux ne se trouvent pas uniquement en milieu rural … En effet, il s’avère (à notre grand étonnement !) que l’île-de-France est elle aussi un désert médical. La pénurie se fait ici le plus sentir à Saint-Denis, en Essonne, en Seine-et-Marne et et Hauts-de-Seine, mais aussi dans certains arrondissements de la capitale. Une des principales raisons s’explique par les prix de l’immobilier et le manque de place de stationnement. Le terme de désert médical s’applique dans ce cas selon d’autres critères : ce n’est, contrairement au milieu rural, principalement pas la distance, mais le temps d’attente qui est facteur déterminant.
Alors comment lutter contre ces déserts médicaux ?
Un des objectifs principaux du plan santé, présenté mardi dernier, est la lutte contre ces déserts médicaux. Afin d’y parvenir, le gouvernement vise à créer 400 postes de médecins généralistes et 4.000 postes d’assistants médicaux, notamment dans les zones où l’accès aux soins demeure difficile. Malheureusement, il se pourrait que ces postes soient juste des réaffectations, ce qui pourrait augmenter la tension qui existe déjà dans certaines zones urbaines. On peut donc espérer que la logique soit davantage de créer des emplois.
La mise en place de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les permanences de médecins dans les hôpitaux de proximité visent par ailleurs la décharge des hôpitaux et un équilibre plus stable entre zones rurales et zones urbaines. Une démarche qui prouve également un besoin de davantage de médecins en milieu rural.
Quelques maires ont d’ailleurs ces dernières années multipliés les démarches pour attirer des médecins dans leurs communes. A l’image de celui de Barneville-Carteret dans la Manche qui proposait de mettre à disposition un appartement avec vue sur la mer et même un bateau avec une place dans le port. L’anecdote peut prêter à sourire mais elle reflète bien la surenchère liée à la détresse de ces petites communes vis-à-vis de cette problématique. Perdre un médecin, c’est voire ses habitants partir ailleurs. Certains services de proximité sont essentiels pour les petites villes et villages.
D’ailleurs, l’Association nationale des étudiants en médecine (Anemf) a récemment proposé dix propositions pour lutter contre les déserts médicaux, avec notamment l’idée de créer des véhicules de santé itinérants qui se rendent dans les zones où la présence médicale est encore faible. Une mesure qui permettrait d’aller dans des bourgs isolés et à la rencontre des patients, mais qui se doit d’être complétée par d’autres démarches complémentaires.
Une autre démarche complémentaire mise en place par la ministre de la santé, Agnès Buzyn, est la suppression dès la rentrée 2020 du numerus clausus, examen qui limite le nombre d’étudiants admis en deuxième année d’études de médecine. Cela devra permettre d’ouvrir la filière de médecine à d’autres profils et à diversifier les centres de formation aux soins. Cependant, nous nous demandons si la suppression du numerus clausus aidera effectivement à lutter contre les déserts médicaux.
Peut-être que des quotas pour un numerus clausus par région aiderait plus à l’harmonisation des disparités… ? On peut craindre que si les études sont toujours en ville, orientée vers celles-ci, et dans des quartiers « privilégiés », il n’y ait pas la démarche de certains médecins d’aller dans des territoires qu’ils connaissent peu, mais où les besoins n’en reste pas plus prégnants. Et cette problématique existe autant à la campagne qu’en ville, où certains lieux se retrouvent également peu dotés en médecins. Espérons que l’engagement des maires, les nouvelles mesures et la créativité de certaines initiatives puissent rééquilibrer un jour l’accès aux soins, pour que villes et espaces ruraux bénéficient d’un même service.
Droit photo de couverture : cdn5.lequotidiendupharmacien.fr