La ville, un domaine d’étude transversal noyé dans les disciplines

Comment offrir plus de liens entre les habitants ? Comment limiter les ségrégations spatiales ou améliorer l’ambiance d’un quartier ? Des questions fondamentales non pas seulement pour ces métiers, mais pour tous les urbains et qui semblent donc intéressantes de poser dès le plus jeune âge. Ces réflexions sont souvent survolées dans les programmes scolaires ! Difficile pour les élèves de s’orienter vers les domaines de l’aménagement de la ville, quand ceux-ci n’ont pas connaissance de leur existence. Lorsque l’on observe les parcours des étudiants en urbanisme ou en politiques urbaines, il est courant de croiser des étudiants qui n’avaient pas encore connaissance de ces parcours lors de leur accès aux études supérieures.

Ceci s’explique aussi par l’absence d’accès direct à des études portant sur la ville puisque ces parcours sont accessibles le plus souvent à partir de la troisième, voire même la quatrième année d’étude supérieure. Il n’y a pas un chemin pour aller vers l’étude de la ville, mais beaucoup de passerelles, ce qui fait aussi la richesse des profils ! L’urbanisme est aussi souvent synonyme d’une poursuite d’étude après un premier diplôme, il vient se greffer à un autre domaine comme spécialisation ou domaine de recherche, notamment dans l’architecture ou la sociologie ce qui mène à des études très longues.

Quant aux écoliers, il est rare de rencontrer dans leur parcours scolaire la ville comme un sujet à part entière. Ils se heurtent très vite à un problème, celui du manque de programmes sur l’aménagement urbain et sa pratique. Mais cela n’est pas une fatalité, puisque de nombreux enseignants, acteurs de la ville et bien d’autres encore ont remarqué cette absence et cherchent par différentes procédés à réduire ce manque.

Quelle place pour l’enseignement de la ville dans le système scolaire ?

Dans une société de plus en plus urbaine, l’absence de cours pour sensibiliser les jeunes à la ville semble être un non-sens qu’il s’agit de corriger. Pour contrer cela, différentes actions sont mises en place, partout en France dans les écoles, les collèges, les lycées ou via des associations, pour leur faire découvrir l’aménagement mais aussi faire sortir les élèves de leurs salles de classe afin d’appréhender l’urbain par le terrain. L’enjeu est de donner les clés de compréhension de cet environnement à tous pour permettre à chacun de s’emparer de ces questions essentielles.

Car encore aujourd’hui, de l’élémentaire au collège, la question urbaine n’est que partiellement traitée via des notions théoriques comme les politiques de l’aménagement du territoire, à travers la géographie ou l’éducation civique. L’urbain est présenté par les flux de population et de richesse, la mondialisation, les aires urbaines, etc. La ville est enseignée à travers des échelles et des chiffres.

On note cependant quelques évolutions. Le programme de géographie au lycée qui a connu des modifications mettant en lumière l’importance croissante de la ville dans l’enseignement. En comparaison, le programme de géographie en seconde entre 2001 et 2010 sur le sujet de la ville est passé d’un thème unique “Dynamiques urbaines et environnement urbain” portant sur l’environnement, la démographie et les aires métropolitaines, à un programme plus développé autour des plusieurs thèmes : la croissance urbaine toujours, mais aussi l’aménagement durable des villes et les mobilités. Il y a donc une prise en compte croissante des problématiques de la ville dans les programmes scolaire face à l’évidence que la majorité des individus sont ou seront urbains. Néanmoins, si l’on voit des éléments de l’enseignement du monde urbain se répartir dans les programmes scolaires de la fin collège au lycée, ils restent essentiellement théoriques et vus à travers le prisme de la géographie.

Or la ville n’est pas qu’un fragment de la géographie, c’est aussi un domaine d’étude à part entière qui regroupe des savoirs variés, de matières techniques et scientifiques, de l’architecture à la sociologie. La vision offerte par les programmes scolaires est donc limitée à ce prisme géographique et ne permet pas de sensibiliser suffisamment les jeunes à la ville dans son ensemble. La ville est donc une matière en elle-même que les professeurs d’histoire-géographie ne peuvent pas transmettre en plus des deux matières actuelles dont il est déjà difficile d’aborder toute la richesse.


Université de Washington ©

Alors enseigner la ville par la pratique de celle-ci ?

Ne faudrait-il donc pas plutôt proposer aux élèves des cours en dehors du cadre scolaire actuel ? Comme par exemple, des ateliers sur la ville qui sortent de ce cadre théorique, via des travaux pratiques et activités extra-scolaires, évitant ainsi de surcharger des programmes déjà lourds ? Cela leur permettrait d’ailleurs d’aller à la rencontre des acteurs de la ville ! De mieux la comprendre et l’appréhender, afin qu’ensuite à l’âge adulte, les jeunes puissent davantage participer à la construction, aux évolutions mais aussi aux actions menées dans leur ville.

Pas besoin d’attendre les études supérieures pour découvrir l’aménagement de la ville, car même si la discipline théorique semble ardue, celle-ci peut être un terrain de jeu sensoriel auquel les enfants peuvent se joindre dès leur plus jeune âge. Ainsi fleurissent un peu partout des initiatives pour sortir les enfants (mais aussi les adultes) des salles de cours et leur apprendre à connaître leur lieu de vie comme les balades urbaines ou des jeux ludiques autour de l’aménagement de la ville.

C’est ce que propose des associations comme Robins des Villes, TEPOP ou Vivacités ! Elles souhaitent sensibiliser les habitants, via des activités participatives comme des débats, des balades urbaines ou des projections, au partage de l’espace public, à la participation citoyenne et à la vie des quartiers.

Comment mieux sensibiliser et enseigner la ville aux plus jeunes ?

Peut-être que l’arrivée des activités périscolaires le mercredi après-midi et d’autres jours de la semaine dans les écoles françaises est la solution. Certaines associations d’éducation populaire comme Robins des villes organisent déjà dans les écoles primaires des ateliers autour de l’aménagement de l’espace. Car la ville est un terrain d’étude accessible à tous, y compris les enfants, et son enseignement ne devrait pas être que théorique. Au Lycée, la ville pourrait être aussi un sujet d’étude transversal à travailler dans des Travaux Pratiques ou des ateliers réguliers. Beaucoup de solutions sont ainsi envisageables.

Car il s’agit aussi de former les enfants et les jeunes, citoyens de demain, à leur lieu de vie et de sociabilisation. Il y a donc à travers l’enseignement de la ville, l’objectif de faire comprendre les fonctionnements de l’urbain dès le plus jeune âge, mais aussi du politique, de la citoyenneté, du mieux vivre ensemble en société. C’est aussi garantir que ces futurs acteurs de la ville, que cela soit parce que c’est leur métier ou simplement leur lieu de vie, soient davantage conscients des enjeux (écologiques, sociaux, économiques…) et de leur pouvoir d’action sur la ville ! Enseigner la ville, c’est permettre d’éveiller les citoyens à leur environnement et en faire des acteurs plus actifs pour les villes de demain.