Parmi les villes du Grand Ouest, Nantes présentait un projet hors du commun. Celui des Marsauderies. Ce projet allie mise en valeur des ressources du collectif et révélation géographique du site. Le projet est novateur car il s’adapte aux nouvelles réalités urbaines. La conception s’est effectuée dans une démarche de co-conception. L’objectif est de construire des espaces partagés multiples, s’est constitué dans une logique d’échange entre les différents acteurs. Des institutions aux bailleurs en passant par les opérateurs immobiliers, il s’est construit ensemble pour faire vivre les gens ensemble.

Ataraxia Nantes Les Marsauderies from ATARAXIA on Vimeo.

Les Marsauderies ou l’emblème d’un phénomène actuel généralisé : l’apparition de fragments de ville.

Depuis les années 90, nos villes font face à une nouvelle configuration. D’abord, nous devons stopper l’étalement pour penser durable. Ensuite, nous faisons face à l’obsolescence de certaines activités, qui bouleversent notre paysage urbain. Des zones d’activités déchues libèrent 1 à 5 ha de foncier en cœur de ville.

Le site des Marsauderies hébergeait la zone d’activité de l’ancien siège social du Crédit Mutuel. Implantés dans les années 70, les occupants ont choisi de déménager libérant ainsi une place considérable en ville. Situé au nord de Nantes, ce nouvel espace vide pose le défi de la conception d’un nouveau fragment de ville. Face à cette problématique, Pierrick Beillevaire, architecte-urbaniste du projet pour In Situ Architecture et Environnement, pose les contours du défi. Dans ce type de configuration, “soit nous faisons de la construction pure, soit nous faisons un nouveau territoire urbain et nous pensons au devenir”.

“Nous sommes face à un nouveau genre urbain qui nous oblige collectivement à faire muter nos métiers” continue Pierrick Beillevaire. Face à cette réalité, le projet a été pensé autrement.

Créer un urbanisme d’invitation pour penser un nouvel aménagement

Le quartier à venir est une zone mixte. L’offre de logement sera donc diversifiée, l’activité commerciale sera valorisée et des bureaux seront accueillis. Mais au sein de ce projet, la notion de mixité ne révèle pas uniquement cette réalité. La mixité révèle également celle des espaces proposés.

“Un projet urbain de cette nature est d’abord un cadeau rappelle l’architecte, parce qu’on fait un projet urbain en regardant ce qu’il se passe autour et on observe les manques. Puis on réfléchit à ce que nous sommes en mesure d’apporter. Notre défi aujourd’hui c’est notre capacité à ouvrir la ville. ”

On observe alors qu’il existe des “espaces publics qui sont une nécessité et un droit” et des “espaces privés de ressourcement”. Cependant, dans nos villes de demain, il existe un troisième lieu : “l’espace de l’entre deux”.

“Cet espace d’entre deux n’est pas dans l’espace public, ni dans l’espace privé mais dans l’espace entre deux qui crée de la part des habitants, de nouvelles appropriations par rapport à ce qu’ils attendent de la ville. Ces espaces d’entre deux développés sont mis à disposition comme ressources pour que chacun puisse, à travers son engagement propre vers le collectif, revendiquer une place qui lui est due dans le contexte urbain. C’est la posture qui aujourd’hui fait ville.”

Ce nouveau fragment de ville est donc pensé via la mise en parallèle de deux principes. D’abord, il promeut un urbanisme d’invitation. Un travail important a été réalisé sur la qualité des espaces publics pour que ce nouvel espace soit traversé. Le projet défend un principe d’îlots ouverts avec des aménagements propices au jeu, à la promenade et à la rencontre. Ensuite, des espaces partagés à destination des habitants ont été pensés. Une conciergerie a été mise en place pour gérer les structures de mutualisations telles que la laverie, l’atelier de réparation de vélos ou les espaces de coworking proposés.

Concevoir une nouvelle gouvernance de co-conception pour de nouveaux fragments de ville

Le projet est également surprenant dans le mode de gouvernance qu’il a su réinventer. Dix équipes d’architectes ont été appelées à participer au concours sur la base d’un cahier de conception. En collaboration avec la maîtrise d’ouvrage et la collectivité, à l’issue de cette étape, six équipes ont été sélectionnées sur l’ensemble des îlots pour réaliser les études de conception.

L’aventure partagée par l’ensemble des acteurs peut être qualifiée d’urbanisme négocié dans le sens où elle est la résultante de conversations entre les décideurs politiques, les responsables techniques, les architectes, les paysagistes et les investisseurs-financiers. “Nous sommes aujourd’hui dans un autre genre de gouvernance de projet qui ne constitue pas uniquement une édification ou une construction, mais une gouvernance globale”. Dans ce contexte, les acteurs doivent donc penser ensemble.

“Comment on a fait ?” poursuit Pierrick Beillevaire. “On a travaillé ensemble en une tablée de 25 depuis le premier jour. Celui qui n’est pas d’accord pour travailler en collectif sort dès le début de la table. Chacun ajuste au plus juste ses paramètres pour être dans le partage. Le projet se construit avec les compétences et contraintes de chacun. On se fixe des règles dès le départ: ceux qui sont présents aux tablées sont en capacité de décider. On a affaire aux mêmes personnes tout au long du projet ce qui nous permet d’imposer un rythme et de tenir des délais initialement tendus.”

Le quartier d’habitat aux multiples espaces partagés des Marsauderies mérite donc une attention particulière dans la manière dont il a été conçu. L’évolution de nos modes de vie, de nos défis urbains et des attentes citoyennes sont remises en contexte tout en prenant en compte les particularités d’un site. Aussi, s’il n’est pas encore sorti de terre, ce fragment de ville aura réussi à mettre d’accord l’ensemble des acteurs sur un projet urbain.

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